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15/12/2013

Paganisme et christianisme / Européanité vs universalisme

marteau_de_thor.jpgPeut-on être européen et demeurer (encore) chrétien ? Tant que le christianisme, né en orient et imposé à nos ancêtres par le fer et par le feu, avait été contraint de composer avec la résistance ou du moins la pregnance païenne, ce qui a abouti à cette religiosité hybride qu’on a appelé pagano-christianisme ou double foi (двоеверие en russe), il modérait ses accents universalistes et incarnait « la religion de l’homme européen ». Sa nocivité était maîtrisée, cette « moraline » ou mos seruorum dénoncée avec force par Nietzsche, étouffée par la haute opinion d’elle-même qu’avait la civilisation européenne.

Cette religion retournant depuis quelques décennies à ses racines archéo-anarchistes, son universalisme est revenu en force, à une époque où pourtant le christianisme recule en Europe mais où notre civilisation connaît une grave crise de conscience, entre un post-colonialisme mal assumé et l’impact mémoriel de la seconde guerre mondiale.

Désormais, l’Eglise, protestante comme catholique, et dans une moindre mesure et avec retard orthodoxe, trahit une Europe qui n’aura été christianisée qu’en surface et cherche à se développer par de nouveaux marchés, africain comme asiatique, sud-américain comme immigré. Imaginer aujourd’hui que le salut de l’Europe pourrait passer par le recours à une religion fondamentalement étrangère à l’esprit de notre civilisation, même si elle a pu un temps prendre nos couleurs comme un caméléon machiavélien, cette religion dont la génuflexion et l’auto-flagellation permanentes sont des principes de base, est non seulement naïf mais simplement illusoire et même totalement hétérotélique.

L’Europe meure de cet universalisme malade, qui n’était pas dangereux lorsqu’elle se sentait très supérieure, qui corrompt et/ou détruit son identité, l’ouvre à toutes les déchéances et à toutes les migrations. Une religion universelle, négatrice des identités, est inadaptée pour engager une contre-involution. Seule une religion identitaire européenne, pleinement native, née de notre génie propre, pourra assurer le renouveau spirituel qui servira d’assise à un renouveau civilisationnel. La « voie des dieux » (via ad deos) est la réappropriation par chaque européen de son passé païen, de sa religiosité indigène authentique, afin de trouver dans les valeurs ancestrales les réponses à nos interrogations, en même temps que le vecteur d’un redressement et la foi envers un avenir à nouveau lumineux pour l’Europe.

L’européanité menacée trouvera son salut en elle-même, dans l’affirmation identitaire de son génie. Par sa seule origine, le christianisme est inadapté car il place les Européens dans la situation de « vassaux en religion » d’une autre famille civilisationnelle. Or l’Europe païenne n’avait pas à rougir de son être et n’avait rien à apprendre, bien au contraire, d’un orient qui n’était plus porteur d’une dynamique civilisationnelle comme il avait pu l’être du temps de Sumer.

En clair, l’Europe n’attendait pas le christianisme, n’en avait nullement besoin et a largement perdu du fait de cette implantation contre-nature qui nous a été imposée par l’absence de lucidité et la volonté de se faire pardonner leurs crimes d’un Constantin, d’un Théodose et de divers rois « barbares ».

Thomas FERRIER (LBTF)

1. mos seruorum = "morale d'esclaves"

01/12/2013

L’Ukraine entre Union Européenne et Russie

Ukraina.jpgL’Ukraine connaît une situation géopolitique originale puisqu’elle unit deux peuples slaves en un seul. Bien qu’elle ait recherché l’indépendance à deux reprises au XXème siècle, mais sans succès, tentant de s’allier d’abord avec les « blancs » pendant la guerre civile puis avec les allemands pendant le seconde guerre mondiale, elle n’y a accédé que dans les derniers soubresauts de la fin de l’Union Soviétique.

Berceau du peuple russe, Kiev fut le lieu de jonction entre les Ruthènes et les Suédois, entre le monde slave et le monde germano-scandinave, et c’est là que le tsar Vladimir choisit de rénover le panthéon traditionnel puis de se convertir au christianisme. Kiev et Novgorod, les deux grandes capitales de l’ancienne Rus’, sont à nouveau séparés par l’histoire, mais la Russie contemporaine souhaite mettre fin d’une manière ou d’une autre à ce divorce.

L’Ukraine occidentale cultive ses différences, car elle a été historiquement liée à l’Europe centrale, à l’Autriche-Hongrie comme à la Pologne libre de 1918. L’orthodoxie y affronte le courant chrétien uniate. C’est là qu’est d’ailleurs le fief principal du parti nationaliste Svoboda. L’Ukraine orientale, comme la Crimée d’ailleurs, a en revanche subi une russification très forte. On y parle donc le russe et on rêve de rejoindre la Mère Russie. Le Parti des Régions du président Yanoukovitch y domine, en partage avec les néo-communistes. Kiev est entre les deux feux.

Parfois, c’est le courant « occidentaliste » et atlantiste qui domine, avec la coalition Ioutchenko/Timochenko. Mais depuis quelques années, le courant « orientaliste » a repris le dessus. L’Ukraine rêve de deux unions contradictoires, l’Union Européenne et son marché intérieur d’une part, l’Union Eurasienne en gestation de Poutine d’autre part. Elle voudrait avoir les avantages de l’une et de l’autre, mais la politique de Bruxelles et celle de Moscou sont loin de converger. Parce qu’elle n’a pas su prendre la main de Poutine lorsque celui-ci évoquait la « grande Europe » (2005) ni œuvrer pour la « maison commune » espérée par Gorbatchev, l’Union Européenne a raté une occasion historique de réconcilier l’ensemble du continent. Au contraire, elle joue la carte américaine en cherchant à isoler la Russie, à la « repousser en Asie », comme le souhaitaient à leur manière les doctrinaires nazis.

Ce n’est pas l’autoritarisme, médiatiquement exagéré, de Poutine, que l’Union Européenne devrait dénoncer mais sa propre mise sous tutelle américaine. Ce ne sont d’ailleurs pas les services russes qui ont écouté les téléphones de François Hollande ou d’Angela Merkel, mais ceux de Washington. Sarkozy et Berlusconi avaient su au contraire se concilier Poutine.

La Russie de Poutine est devenue méfiante envers l’Union Européenne, pourtant son peuple se sait européen et craint l’Asie autant que les USA, mais ses dirigeants préfèrent jouer la carte de l’Inde et même de la Chine, pour leur malheur. Car si l’Union Européenne a tort de rejeter la Russie, la Russie a également tort de ne pas vouloir dépasser les mauvaises querelles. Et l’Ukraine se retrouve une fois de plus entre les deux feux, faute d’avoir des dirigeants visionnaires.

Yanoukovitch, face à la contestation urbaine de l’opposition, a reculé en expliquant que le peuple ukrainien était un peuple européen et qu’il aspirait lui aussi à l’adhésion à l’Union Européenne, mais dans le respect et l’égalité. Il n’a pas voulu céder aux injonctions de l’UE concernant le cas Timochenko, ce qui a permis à Poutine de reprendre la main dans ce bras de fer bien inutile. La Russie veut elle aussi être respectée et en particulier à ses frontières. Elle ne veut pas que demain l’Ukraine rejoigne l’OTAN, comme les républiques baltes l’ont fait. C’est d’ailleurs pourquoi elle ménage l’autocrate de Minsk. Et elle a raison de le faire.

L’Union Européenne avait les moyens de proposer un accord honnête à l’Ukraine, que même la Russie de Poutine aurait été prête à admettre, pour peu que des garanties lui soient offertes. Mais elle n’est pas crédible, ni dans son mode de fonctionnement, ni dans ses objectifs. Il faut bien comprendre que le « partenariat oriental », n’y intégrant pas la Russie, est une insulte permanente pour les autorités du Kremlin. Les Russes veulent être ménagés et écoutés et, pour le moment, ils n’ont pas confiance.

Pour que l’Ukraine et le Belarus, mais aussi la Moldavie et la Géorgie, n’aient pas à souffrir de cette situation géopolitique intolérable, l’Union Européenne et la Russie doivent se réunir autour d’une table. Mais quel pourrait être l’interlocuteur crédible de Poutine du côté de l’UE ? Il n’y en a malheureusement aucun, et ce par la faute des gouvernements « nationaux », eux-mêmes inféodés aux intérêts américains. Voilà une raison de plus pour laquelle les vrais européistes doivent exiger une réorientation en profondeur de la construction européenne dans un sens eurocentré. Il est plus que temps, depuis la fin de la guerre froide, de mettre fin à l’OTAN, qui a perdu toute raison d’être si ce n’est nous maintenir sous une insupportable tutelle, et de construire l’armée européenne. Il convient aussi d’affirmer haut et fort la vocation européenne de la Russie, qu’importe la nature de son gouvernement.

Pour que l’Union Européenne et la Russie puissent travailler en bonne entente, il faut donc changer les têtes de l’UE, les institutions aussi, et l’émanciper tant de la gouvernance « mondiale » que du contrôle des Etats membres. Il faut que l’UE rompe avec le libertarisme maladif qui la gangrène, avec la folle ouverture de ses frontières aux flux migratoires issus des anciens empires coloniaux. Les manifestants ukrainiens qui brandissent le drapeau de l’Union Européenne, ce que je ne cesse de préconiser aux européistes identitaires, ont raison d’affirmer leur européanité mais ne doivent pas être dupes sur la nature actuelle de cette Union. Je ne pense pas que le « mariage pour tous », l’ « ouverture des frontières », la « théorie du gender » et le laxisme judiciaire, toutes idées fausses qui dominent l’Europe occidentale, soient enviables. Et d’ailleurs les électeurs croates viennent de donner un formidable coup d’arrêt symbolique à cette décadence morale favorisée par les ennemis de l’Europe.

Lorsqu’on constate le comportement absolument lamentable des « Femen », hébergées à nos frais par un gouvernement « socialiste » qui encourage leurs actions provocatrices, comme celles de salir la mémoire de Dominique Venner, d’agresser des familles avec poussettes, et désormais d’uriner sur les photographies du président ukrainien en exercice, ce n’est pas cette Ukraine là qu’on a envie d’aimer.

Pour toutes ces raisons, Yanoukovitch tergiverse et s’il veut se ménager Moscou, ne cherche pas non plus à rompre avec Bruxelles. Mais le soutien « occidental » aux manifestants de ces derniers jours n’aidera pas au rapprochement et n’est pas un facteur de paix pour la région. Tant que la Russie verra l’élargissement à l’Est comme une menace, elle fera tout son possible pour l’en empêcher, au prix de tourner le dos à l’Europe matricielle, dont elle n’est qu’une extension. Au contraire, en rappelant que la Russie est européenne, et ne cessera jamais de l’être, en ménageant ses susceptibilités, et surtout en réaffirmant de notre côté l’européanité de l’Europe, c'est-à-dire en rompant ouvertement et de manière unilatérale avec l’atlantisme et avec le mondialisme, nous pourrons œuvrer vers cette fusion UE/Russie à quoi tous les patriotes russes et tous les européistes authentiques aspirent. La Russie n’acceptera jamais toutefois de rejoindre une UE décadente. Il faut donc « muscler notre jeu » afin de crédibiliser à nouveau ce rêve d’une grande Europe, de l’Islande à l’Oural, et par extension jusqu’à Vladivostok.

La Russie doit rompre avec l’Asie alors que dans le même temps le reste de l’Europe rompra avec l’Amérique. Et demain, dans l’Europe unie, Russes et Ukrainiens se retrouveront en frères, aux côtés des Allemands et des Français, des Italiens et des Espagnols… et même des Britanniques. Levons bien haut le drapeau de l’unité et de la réconciliation, le drapeau d’une Europe régénérée, d’une Europe à nouveau conquérante, une Europe avec les Russes, et non contre eux. La situation de l’Ukraine nous rappelle en tout cas qu’à Bruxelles et à Strasbourg nous n’avons pas les hommes (et les femmes) qu’il faut.

Thomas FERRIER (PSUNE)