La religion des Albanais.
28/07/2017
L’Albanie contemporaine est très divisée sur le plan religieux entre chrétiens (orthodoxes, catholiques et évangélistes) et musulmans (orthodoxes et bektashi) alors que la majorité de la population, surtout parmi les jeunes Albanais, est athée. Mais dans l’antiquité, les Albanais disposaient de leur religion native, influencée par l’environnement grec et latin. Ils furent soumis pendant des siècles à Rome, au point où Merkur (Mercure) et Mart (Mars) sont devenus des divinités albanaises. Avec la Grèce voisine, des emprunts eurent également lieu, comme le culte d’Afërdita (Aphrodite).
La religion indigène des Albanais avant leur christianisation tardive reposait sur un grand dieu du ciel, assimilé au Zeus grec et au Jupiter latin, un dieu qui portait différents noms, comme En (« Zên ») ou Zoti (« Zeus »). Le nom d’En, avec probable chute d’un d ou d’un z à l’initial, semble bien le nom originel du dieu suprême albanais. Zoti a servi par la suite à désigner le nom du dieu chrétien, au même titre que Perëndi.
Perëndi est en effet le dieu principal du panthéon albanais, largement comparable au dieu de l’orage du monde slave Perun, d’où il tire peut-être son nom, même s’il dispose aussi de fonctions guerrières. Son nom a également servi à désigner le Dieu chrétien et le mot « dieu » est en effet perëndi. Il a pour épouse la déesse Prenda ou Premta, qui a donné son nom au vendredi (ë premtë), la déesse de l’amour. En ce sens, Perëndi est davantage comparable au Mars romain qu’à Jupiter, même s’il est un dieu tonnant.
D’autres divinités rappellent les liens anciens entre l’Albanie, la Grèce et Rome. La terre-mère est ainsi Dhe Motë, soit la déesse Déméter elle-même, dont le culte en Grèce viendrait peut-être de l’ancienne Epire, à moins que ce ne soit que l’expression d’une même parenté indo-européenne. Elle est également surnommée Bukura (« la belle »). De même la déesse du foyer est Nana e Votrës, la « mère du foyer ». Le nom de Votrë rappelle bien sur la Vesta romaine, de même fonction. Zana est la déesse de la chasse, et c’est bien sûr la Diane romaine ou son équivalente illyrienne. Enfin Talasi est le dieu de la mer, et ce nom vient directement du grec thalassa.
Comme dans tous les panthéons d’Europe, le soleil et la lune ont un rôle fondamental dans le panthéon. Dielli est le dieu du soleil et son nom a servi paradoxalement à désigner le diable (djall). Hëna est la déesse de la lune, et son nom signifie « la lumineuse ». Leur sœur, la déesse de l’aurore, est appelée Agim. Tout comme chez les Slaves (avec Svarojitch - fils de Svarog), le dieu du feu est surnommé « fils du dieu du ciel », donc dans le cas présent Enji, mais il était probablement appelé Zjarr (« Feu ») aussi bien. Enfin Eri est la personnification du vent et nous rappelle le grec Eole. Pour compléter le tableau, les Miren au nombre de trois sont les Moires grecques, divinités du destin.
Le panthéon albanais nous fournit de nombreuses informations utiles, à savoir que le contact avec la Grèce et Rome a été ancien et durable. Des figures de la mythologie classique sont intégrées de longue date. Le nom des jours, comme dans le reste de l’Europe, est associé aux ancien dieux (lundi : e henë ; mardi : e martë ; mercredi : e mërkurë ; jeudi : e enjte ; vendredi : ë premte ; samedi : e shtunë [Saturne]; dimanche : e diel), romains aussi bien qu’albanais. C’est la preuve de l’ancienneté de leur présence dans les Balkans et sur le territoire qui est désormais le leur. Il est bon de rappeler tous ces faits aux habituels détracteurs du peuple albanais, qui ont tendance à nier à ce grand peuple sa profonde européanité sous des motifs contextuels. Il est bon aussi de rappeler aux Albanais eux-mêmes qu’ils ont une belle foi native, dont ils peuvent être fiers, et qui mérite certainement d’être ranimée, comme tente de le faire le petit mouvement identitaire albanais Vargmal.
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
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