Chroniques européennes du 7 août 2012
07/08/2012
ITALIE
Alors que Mario Monti semble décidé à ne pas se présenter devant les suffrages des électeurs italiens et que Silvio Berlusconi sort à nouveau du bois, aspirant à diriger la campagne de la droite mais sur une ligne plutôt europhobe, l’opinion italienne apparaît bouleversée, même si la « gauche » semble disposer d’un certain avantage.
Selon les différents instituts de sondage (SWG, Data Monitor…) sur la période comprise entre la fin juillet et le début août, le Parti Démocrate est crédité d’entre 24 et 27,9% des voix, ce qui le place largement devant le Peuple de la Liberté (PdL), crédité quant à lui d’entre 17% et 20,3% des voix, subissant une véritable hémorragie électorale. La situation de la droite parlementaire est encore plus dramatique si on songe que son allié traditionnel, la Ligue du Nord, oscille entre 4,5% et 7,6% des voix, avec une moyenne autour de 5%, barre fatidique s’il en est, et est donc durablement fragilisée par sa crise interne et surtout par la perte de crédit de son ancien dirigeant, devenu président d’honneur, et accusé de corruption, le populiste Umberto Bossi, et ce malgré l’élection comme nouveau président de Roberto Maroni.
Cet affaiblissement de la Ligue profite essentiellement à La Destra (« La Droite »), formation nationaliste issue d’une scission d’Alliance Nationale, qui est annoncée à entre 3% et 4,5% des voix, alors qu’en revanche les néo-fascistes de Fiamme Tricolore stagnent à 0,7% des voix environ. En outre, la formation Futuro e Liberta de Gianfranco Fini se situe entre 2,5 et 3,4% des voix, et échoue à représenter une quelconque alternative à la droite « berlusconienne ». De même, les centristes de l’UDC, avec entre 5 et 5,5% des voix, ne réussissent pas à peser, et ce malgré l’affaiblissement considérable du PdL. Enfin, l’Italie des Valeurs de l’ancien juge Di Pietro, associée à la gauche démocratique, avec entre 4,4 et 7% des voix, ne parvient pas à retrouver son plus haut niveau.
Cette situation étrange, avec une droite en pleine récession et une gauche qui ne parvient pas au plus haut niveau, s’explique avant tout par l’apparition d’une formation politique populiste, difficile à classer à gauche ou à droite, à savoir le mouvement « 5 étoiles » du trublion Beppe Grillo, axé sur une ligne radicalement europhobe et notamment sur l’abandon contre tout bon sens de l’€. Grillo a bénéficié en outre des sorties €-phobes d’un Berlusconi voulant faire parler de lui. Si l’ancien président du conseil adopte les mêmes thèses que Grillo, celui-ci devient automatiquement plus crédible. Son mouvement, nouveau et sans niche électorale précise, est crédité d’entre 13,9 et 19,5%. Il s’inscrit dans cette longue tradition italienne d’émergence régulière de mouvements protestataires, à savoir le fascisme première version de 1919, le qualunquisme (mouvement Uomo Qualunque) d’après-guerre ou encore la Ligue du Nord.
L’extrême-gauche quant à elle continue de faire dans la figuration. Sinistra e Liberta (SeL) obtiendrait entre 5,5 et 6,2% des voix, et Refondation Communiste (RC + PDCI) est située aux alentours de 3,5% des voix, alors que le parti des Pirates, avec 1,8% des voix, échouerait à obtenir des députés, à la différence de l’Allemagne, tout en pesant infiniment plus que son homologue français. Enfin, le PSI réapparaît sous sa forme traditionnelle mais est situé entre 0,4 et 2% selon les différents instituts de sondages.
Malgré le succès croissant de la formation de Beppe Grillo, si des élections législatives avaient lieu ce mois-ci, c’est la « gauche » qui l’emporterait, tout en s’alliant avec le « troisième pôle » centriste. En effet, la traditionnelle alliance entre les centristes et la droite ne permettant pas à cette dernière d’accéder au pouvoir, il est très vraisemblable que le centre se tourne vers la « gauche », exactement comme François Bayrou en France a appelé à soutenir le candidat du PS au second tour des élections présidentielles.
Tout comme en France, les conséquences d’une victoire de la « gauche » en Italie seraient à peu près semblables, à savoir mariage homosexuel, régularisation massive des clandestins (mais à ce sujet, Monti semble ne pas attendre la victoire du PD pour y procéder), abandon du droit du sang (ce que prône par exemple un Gianfranco Fini, passé du post-fascisme au néo-centrisme) et laxisme migratoire sous toutes ses formes.
ALLEMAGNE
Malgré une opinion très favorable en faveur de la chancelière allemande Angela Merkel, les élections législatives allemandes, prévues en 2013, paraissent mal engagées, et ce si la situation de l’opinion demeure semblable à celle d’aujourd’hui.
La CDU/CSU reste largement dominante avec 36% des voix environ, mais ce n’est plus le grand parti démocrate chrétien qu’on a connu, et surtout sa composante CSU, de plus en plus eurosceptique, apparaît affaiblie. Cependant, son principal allié, qui avec près de 16% aux dernières élections législatives lui avait offert la chancellerie, le parti libéral (FDP), est considérablement décrédibilisé, avec entre 4 et 5% d’opinions favorables. Il pourrait ainsi être exclu du parlement, empêchant ainsi à une alliance CDU + FDP de se former à nouveau.
La SPD (sociaux-démocrates) reste assez forte, avec entre 27 et 29% d’opinions favorables, mais ne semble pas actuellement en mesure de disputer la première place avec la CDU. En revanche, son allié traditionnel écologique, Die Grünen, est crédité d’environ 13% des voix, et en outre, Die Linke (« La Gauche »), avec laquelle la SPD refuse par principe toute alliance, est en perte de vitesse, annoncé entre 6 et 7% seulement.
En revanche, un nouvel allié potentiel en la personne du « Parti des Pirates » (Piraten Partei) est apparu. Crédité d’entre 7 et 9% des voix, ce parti est quasiment assuré de rentrer au parlement, et il est probable qu’il rejoigne une coalition formée de la SPD et des Verts. Premier parti du pays, la CDU serait pourtant exclu du pouvoir, au profit d’une SPD qui se veut davantage fédéraliste européenne, mais qui est surtout prête à faire le jeu du PS français. Or, dans la situation actuelle, la mutualisation des dettes serait une erreur si préalablement une politique européenne convergente en matière de réduction des déficits n’était pas mise en œuvre. Le PS français souhaite ainsi faire payer aux contribuables allemands son laxisme migratoire débridé et son achat de la paix civile dans les banlieues.
FRANCE
Alors que les propositions allemandes en faveur d’une fédéralisation accrue de l’Europe sont de plus en plus pressantes, la SPD et la CDU en soutenant fermement l’idée, même si sur des bases différentes, le gouvernement français fait dans l’hexagonalisme le plus obtus. Hollande veut bien que l’Allemagne paie, reprenant à sa manière ce vieux slogan germanophobe des années 20, mais ne veut surtout pas céder le moindre pouce de souveraineté. En effet, dans une Europe fédérale, il est probable qu’Hollande ne pourrait plus mener la politique démagogique qu’il souhaite.
J’avais craint ici même qu’une élection de la « gauche » française n’apporte que des catastrophes. Le premier mois du nouveau président avait paru invalider ma réflexion, celui-ci semblant faire preuve d’une certaine inertie qui n’était pas forcément la pire des politiques. Malheureusement, j’avais eu raison, et le véritable visage du PS a fini par réapparaître.
Sur la Turquie, il est évident que François Hollande semble ménager Erdogan. Il s’était pourtant engagé auprès de la communauté arménienne à faire rapidement voter une nouvelle loi pour sanctionner le négationnisme du génocide dont les Arméniens ont été victimes dans l’empire ottoman en 1915. Même si j’ai expliqué par ailleurs être opposé au principe des lois mémorielles, je suis aussi partisan de tout ce qui peut éloigner la Turquie de l’Europe. Hollande temporise et je ne sais pas ce qu’il a cédé pour obtenir la libération de cette jeune franco-kurde détenue en Turquie. En vérité, je crains qu’avec Hollande, dont le parti est férocement partisan de l’adhésion turque, tout comme la SPD allemande, la cause d’Erdogan soit bien défendue.
Sur la problématique migratoire, le « dur » Manuel Valls est en train d’encourager à nouveau l’immigration, légale comme clandestine, puisqu’il s’attaque déjà à la maigre politique préventive de son prédécesseur Claude Guéant. Alors que le projet de vote des étrangers extra-communautaires aux élections municipales semble en difficulté, car il faudrait le proposer aux électeurs par référendum, et tout le monde en connaît le résultat par avance, la « gauche » préfère donc une politique de régularisation des clandestins et de naturalisation de masse des étrangers. En outre, le garde des sceaux, Christine Taubira, ne cesse de fragiliser un peu plus l’appareil judiciaire. Elle s’oppose par ailleurs à toute politique répressive, et semble ne considérer les délinquants que comme des victimes de l’injustice sociale, ce qui s’applique en particulier aux gens issus de la diversité que la « gauche » voit avant tout comme victimes de discrimination. Les délinquants ont d’ailleurs parfaitement compris le message.
Enfin, le projet de mariage homosexuel est désormais en chantier. Le ministre chargé de le porter annonce son vote pour l’automne 2013. A ce sujet, ce ministre, Dominique Bertinotti, a été explicite, de même que le premier ministre. Il s’agira de permettre aux personnes homosexuelles de se marier, avec tous les droits inhérents, et d’adopter. Mme Kosciusko-Morizet, qui est à la droite ce que le lapin est au renard, vient de se déclarer favorable au mariage, mais pas à l’adoption. Le problème c’est que l’un va avec l’autre. A partir du moment où les couples mariés peuvent adopter, le refuser aux couples mariés homosexuels serait illégal car discriminatoire. C’est donc l’un et l’autre ou bien ni l’un ni l’autre. La droite la plus bête du monde est donc, sur cette question comme sur tant d’autres, en train de ramper devant les idées de son adversaire.
Sabotage du mariage, sabotage de la nationalité, laxisme migratoire et sécuritaire généralisé, refus de la politique allemande de fédéralisation européenne, écrasement par l’impôt des classes moyennes pour financer les banlieues, la « gauche» la plus folle du monde est de retour. Félicitations aux électeurs qui ont rendu tout cela possible.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
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