Le PSUNE, fidèle à l'européisme des pères fondateurs !
03/02/2011
(Article de 2007)
L’Union Européenne actuelle, et tous les européanistes authentiques ne peuvent qu’amèrement le regretter, n’est pas ce rêve pour lequel, au sortir de la seconde guerre mondiale, des Européens de cœur et d’âme comme Robert Schuman, Jean Monnet et Paul-Henri Spaak se sont enthousiasmés. Ils avaient pris conscience de l’échec de leurs ancêtres idéologiques, Aristide Briand au premier plan, qui n’avaient pas réussi à forger l’Europe unie avant que celle-ci ne sombre à nouveau. Ils savaient que la construction de l’Europe politique ne pourrait pas résulter de la force des armes ou de la domination d’un peuple sur les autres, mais qu’elle ne pourrait se fonder que sur l’égalité complète de traitement entre Européens. Malheureusement, l’Union Européenne n’est qu’un grand marché commun, la souveraineté politique étant intégralement conservée par les Etats, et ce marché est en soi extensible à l’infini, comme le prouve l’ouverture des négociations de l’Union en vue de la future intégration de la Turquie, intégration souhaitée par le gouvernement de Tony Blair, hostile à l’idée même d’Europe politique.
Le double non français et néerlandais au nouveau traité, improprement appelé « constitution » par ceux qui veulent nous faire croire que ce texte allait dans le sens de davantage d’unification, alors qu’il ne fait que systématiser la démarche libérale et mondialiste de ses promoteurs, a été nécessaire, même si malheureusement nous le devons en partie à un fort sentiment europhobe attisé par les extrêmes. Car cela fait désormais plus de cinquante ans que le train européen a été détourné vers des questions uniquement économiques, et nous le payons aujourd’hui. Alors que l’idée européaniste était extrêmement populaire dans les années 50, elle est aujourd’hui contestée comme jamais, et la montée des mouvements nationalistes europhobes l’illustre de manière inquiétante. En effet, les Européens ne se reconnaissent plus dans le projet actuel. Cela ne signifie pas qu’ils soient hostiles à l’unification européenne, mais qu’ils contestent, à juste titre, le cheminement en cours.
La logique aurait voulu que l’on commençât par mettre en place une Europe politique avant de fonder une Europe économique. Car, du fait que l’Union Européenne est d’abord économique, et que les Etats ne lui ont concédé de pouvoir qu’en ce domaine, le politique et l’économique sont désormais séparés, et avec l’instauration de l’euro et d’une Banque Centrale Européenne indépendante des états, mais pas des lobbies, le monétaire est lui aussi séparé du politique. Cela interdit naturellement d’imaginer la moindre politique économique ou financière. En revanche, cela sert parfaitement les intérêts des ultra-libéraux puisque ce marché commun n’est pas régulé, et que personne n’ose remettre en cause le dogme de l’ouverture économique totale des frontières. Angela Merkel par exemple a récemment manifesté son opposition à tout protectionnisme économique européen, et cet avis est partagé par tous les dirigeants des états membres de l’Union Européenne, qu’ils soient libéraux ou se prétendent socialistes. Ainsi, avant de créer un marché commun aurait-il fallu auparavant créer un état européen.
Pour Jean Monnet, « la grande révolution européenne de notre époque, …qui vise à remplacer les rivalités nationales par une union des peuples… qui veut permettre un nouvel épanouissement de notre civilisation, et une nouvelle renaissance, … [elle] a commencé avec la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier ». Cette mise en commun de deux éléments économiques de premier plan, et le second impliquant aussi une dimension militaire, était hautement symbolique et fut largement acceptée par les Etats. La machine lancée, Monnet voulut aller plus loin, dans un contexte où les Etats-Unis voulaient se désengager de la défense de l’Europe occidentale. Alors que certains craignaient, notamment en France, la naissance d’une nouvelle armée allemande, Monnet eut l’idée de proposer une alternative en la création d’une Communauté Européenne de Défense, dans la continuité de la CECA. Cette CED devait déboucher sur la création d’une véritable armée européenne, englobant aussi des contingents allemands, et qui pouvait à terme assurer une indépendance militaire totale à l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis. Et en plus de cette CED, Monnet eut l’idée d’y ajouter, à la demande du gouvernement italien, une Communauté Politique Européenne. Celle-ci, par comparaison avec les institutions de l’Union Européenne en 2007, était infiniment plus moderne et ambitieuse. Un gouvernement européen, appelé Comité Exécutif, formé de ministres, aurait été présidé par un commissaire élu par un Sénat composé de représentants des parlements des Etats. Une assemblée européenne, élue au suffrage universel direct à l’échelle des six états membres (Bénélux, France, Italie et Allemagne), aurait été également mise en place.
C’est l’assemblée de la CECA, présidée par le socialiste belge Paul-Henri Spaak, un ancien partisan des thèses planistes et nationalisantes d’Henri de Man avant-guerre, qui aurait eu la charge de mettre en place cette Communauté Politique, celle-ci devant mettre en place à terme une Communauté Economique.
Les cinq états sauf la France votèrent ce texte mais quand ce fut au tour du parlement français de le voter, la CED fut refusée, annihilant tout le travail des pères fondateurs. Les communistes, suivant en cela les ordres du Kominform, refusèrent, ainsi que les gaullistes et ce qui restait de l’extrême-droite, mais le gouvernement de Pierre Mendès-France lui-même ne soutint le texte que du bout des lèvres, et sans engager sa responsabilité. En 1954, un texte estimable à bien des titres tombait à l’eau et c’en fut terminé du rêve d’une Europe politique. Quant à la CED, qui aurait donc permis la création de l’armée européenne, elle fut refusée parce que les élus français ne voulaient pas de la reconstitution d’une armée allemande, même sous direction européenne. Le résultat fut qu’il y eut quand même une armée allemande dès 1955 mais que l’Allemagne adhéra alors à l’OTAN. « Beau » résultat en vérité, et ceci grâce notamment aux souverainistes.
Depuis cinquante ans, on nous mène ainsi en bateau, puisqu’on nous a proposé en échange une Union Européenne restreinte à des questions économiques, sans jamais qu’elle ne s’avise de mettre en danger la souveraineté des états membres. La Communauté Economique a ainsi été fondée avant toute Europe politique, puisque la seconde a été enterrée avec l’échec de la CED. En somme, on nous a « offert » un corps sans tête, et ce corps sans vie ne peut évidemment pas susciter l’adhésion enthousiaste des Européens, bien au contraire.
L’Union Européenne est désormais au point mort, et ce par la faute des gouvernements. A aucun moment, ils n’ont voulu associer les Européens à leurs projets, car ils se méfient des citoyens et ne veulent pas qu’en définitive ils aient le dernier mot. La démocratie a été confisquée, ce qui fait que certains ont beau jeu de dénoncer dans l’Union Européenne une nouvelle URSS. Il suffit de songer à la façon dont le Traité « constitutionnel » a été rédigée. L’a-t-il été par une assemblée constituante élue par les citoyens avec des députés avec un mandat impératif ? Non, mais il l’a été par une « Convention » mise en place de manière purement technocratique et où il importait à ses rédacteurs d’y inscrire leurs dogmes. Certains auraient même apprécié que ce texte ne passe pas devant le suffrage des électeurs de quelque pays européen que ce soit. Dans la plupart des états, ce sont les parlementaires qui l’ont voté à une écrasante majorité. Si la France avait choisi ce mode, 92% des parlementaires l’auraient voté, et pourtant 56% des Français ont voté contre, et on devine que si la Belgique ou l’Allemagne avaient procédé par référendum, il n’y aurait pas eu que la France et les Pays-Bas dans le camp du non.
Pour relancer le processus européen, il faut repartir de la CED et de la CPE, et s’il faut conserver bien évidemment le marché commun et l’euro, il faut redonner au politique tout son poids et lui soumettre l’économique, en somme il faut forger l’Etat européen. Mais l’enseignement que l’on peut tirer de l’échec de la CED, c’est qu’il ne faut pas faire confiance aux Etats, ceux-ci gardant chèrement leur pré carré, et qu’il faut leur préférer la confiance des Européens et des Européennes. Le parlement européen est aujourd’hui la seule institution démocratique au sein de cette Union ; il est même plus démocratique que les parlements de certains états européens, car élu globalement au suffrage universel direct. C’est le lieu naturel pour qu’un nouvel européanisme se mette en ordre de bataille et qu’un Etat européen voie le jour. Monnet disait que « nous ne coalisons pas des Etats mais des hommes », et j'ajouterai même que nous n’unissons pas seulement des hommes, mais les Européens.
Ainsi, le PSUNE entend-il s’inscrire dans la continuité de la grande tradition européaniste, depuis les projets de Saint-Simon ou encore de Mazzini à ceux de Monnet et de Schuman, qui ne sont nullement responsables de ce qu’est devenue l’Union Européenne. La responsabilité de la situation repose uniquement sur les épaules des Etats qui se déchargent de celle-ci en se servant de l’Union Européenne comme d’un bouc émissaire et alimentent ainsi ce courant souverainiste, d’extrême-gauche comme d’extrême-droite, qui s’oppose certes à l’Union Européenne actuelle mais s’opposerait aussi bien à l’Europe-Nation pour laquelle nous combattons. Les nationalistes comme les mondialistes nous traiteront tous de dangereux utopistes, mais si l’Europe est sur le déclin, c’est bien grâce à eux. Et les uns comme les autres il nous faudra les briser. Nous devons être le fer de lance de la révolution qui transformera la médiocre Union Européenne en une glorieuse Nation Européenne.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
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