Qu’est-ce que la démocratie ?
04/02/2011
Le mot grec δημοκρατία signifie mot à mot le pouvoir du peuple, le terme dêmos provenant d’un terme indo-européen, *dāmos, signifiant « famille, tribu, peuple, lignée, appartenance commune », qu’on retrouve aussi dans le gaélique dam.
Au sens courant en grec ancien, le dêmos est le corps des citoyens, par opposition aux esclaves et aux métèques, qui en sont exclus. Ainsi à Athènes, le dêmos s’identifie pleinement à la citoyenneté, et ne doit pas se confondre avec une plèbe indifférenciée. De même, à Rome, les patriciens et la plèbe font tous partie du corps des citoyens, dont sont exclus là encore les esclaves et les pérégrins, ces derniers étant soumis à la juridiction de leur cité et non à celle de Rome. Bien que dépourvues de pouvoir politique, les femmes demeurent des citoyennes et considérées comme telles. En effet, dans l’Athènes classique, à la différence du droit napoléonien, purement patriarcal, le citoyen l’est par son père et par sa mère, selon le principe du droit du sang.
Ainsi, le dêmos est il composé des seuls citoyens, ceux-ci l’étant en raison de leur appartenance commune, conformément au mythe athénien de l’autochtonie, les Athéniens sont considérés comme nés du sol même de leur cité. Le lien charnel avec leur sol s’apparente au mythe du géant Antaios, qui puisait sa force de la terre, vue comme une mère dont il était le fils, et qui fut vaincu par Héraclès lorsque celui-ci parvint à le soulever hors du sol, le privant ainsi de tout pouvoir.
Au sens strict, la démocratie est le pouvoir des semblables, la différence avec la société spartiate étant que le corps des citoyens est composé de tous les indigènes, alors que Sparte distingue les Egaux (Homoioi) des Périèques, citoyens spartiates de statut inférieur. Athènes est réellement égalitaire, pratiquant une complète isonomie entre tous les habitants indigènes de l’Attique. L’asservissement d’un citoyen par un autre citoyen est d’ailleurs banni. Ainsi, douloi et metoikioi étant étrangers, ils ne peuvent pas en théorie devenir citoyens, même par affranchissement. Aristote souligne que le droit athénien se distingue radicalement, antithétiquement même, du droit corinthien, Corinthe étant une oligarchie marchande pratiquant le droit du sol.
Enfin, le dernier sens pris par le mot dêmos est « commune, agglomération », car le cadre idéal de l’expression politique du pouvoir du peuple dans l’antiquité était la cité, comme hier il s’agissait de l’état-nation, et comme demain, nous l’espérons, ce sera l’Europe.
La démocratie usurpée.
Avec la renaissance des idéaux démocratiques au moment où éclate la Révolution Française, Athènes redevient le modèle de la cité idéale, amie des artistes et en même temps solide sur ses fondements. La figure de Périclès incarne, comme celle d’Auguste, l’image d’un bon père du peuple, dans une société d’hommes libres. Aussi, la force de l’idée démocratique fut-elle qu’aujourd’hui, sous peine de passer pour ridicule si ce n’est pour un infâme factieux, personne n’ose se dire antidémocrate. Mais une chose est de se réclamer de la démocratie, une autre est d’être sincèrement démocrate et d’assumer ce que la démocratie implique.
Le philosophe italien Giovanni Gentile définissait le fascisme comme une « démocratie autoritaire » et des socialistes (nationaux) belges d’avant-guerre, comme Henri de Man et Paul-Henri Spaak, membres du Parti Ouvrier Belge, n’hésitaient pas non plus à défendre un socialisme dans le cadre d’une démocratie autoritaire. L’historien Pietro Barcellona parle du fascisme italien comme d’une « sorte de social-démocratie autoritaire ». Les nationaux-socialistes allemands parlaient quant à eux de leur régime comme d’une « démocratie germanique ». En réalité, la vraie démocratie germanique, où les femmes pouvaient également agir, à la différence des femmes grecques ou romaines, était incarnée par la Thing ou « assemblée du peuple », comme en Islande. Elle n’avait rien à voir avec un régime fondé sur le culte du chef, l’embrigadement de la jeunesse. La vraie démocratie germanique, disparue aux alentours du XIème siècle, était l’antithèse du totalitarisme, et elle s’apparentait en fait à la démocratie athénienne. Enfin, n’oublions pas que les dictatures communistes d’Europe de l’Est s’auto-appelaient « démocraties populaires ». Nous savons aujourd’hui que ni le fascisme ni le communisme ne sont « démocrates » et ce par définition. Mais nous savons également que ces totalitarismes n’ont pas hésité à se prétendre tels.
La « démocratie » libérale.
Qu’en est-il de la démocratie libérale ? Du conflit des idéologies, sur les ruines du IIIème Reich et l’effondrement politique et économique de l’URSS, seul le libéralisme a survécu. Aujourd’hui, être « démocrate » c’est être pour « les droits de l’homme et l’économie de marché ». Or, nous avons vu que la démocratie authentique, c’est avant tout le pouvoir du peuple, et c’est donc au peuple et au peuple seulement de choisir son destin. Tout ce qui n’émane pas du peuple ou n’a pas été amendé par le peuple est sans valeur. C’est cela la démocratie. Les dirigeants élus par les citoyens ne sont que leurs représentants et ne sauraient choisir à leur place.
Quant au libéralisme économique, il caractérise généralement les oligarchies, puisque le référent principal d’un tel modèle c’est l’argent. Il suffit de constater comment fonctionne la démocratie aux USA. Certes, une forme de démocratie directe, avec des consultations fréquentes au sein des états et même des communes, avec l’élection des juges et des chefs de la police par les citoyens, existe, mais pas au niveau de l’état fédéral. On a vu qu’en 2000 Al Gore, qui avait fait plus de voix que son adversaire, était battu par George W. Bush, en raison d’un mode de scrutin remontant au XIXème siècle et fondé sur le principe des grands électeurs. Mais il s’agit en fait du haut de l’iceberg.
Comment en effet un candidat aux élections présidentielles américaines peut-il gagner ? D’abord il doit disposer d’une véritable fortune, ce qui implique qu’il soit fortement lié aux milieux d’affaires. Ensuite, il doit faire partie d’un des deux grands partis américains, sinon les media les boycotteront. Entre le pouvoir des milieux d’affaire, on se souviendra du rôle du milieu du pétrole dans l’élection de Bush et Cheney en 2000 et 2004, les lobbies et les media, une élection ne se gagne pas en ayant convaincu les électeurs, même si bien sûr il faut tenir un discours bien lisse et au centre. Et les électeurs eux-mêmes, dans une société où le système éducatif est plus que défaillant, lorsqu’ils votent, puisque l’abstention est généralement très forte, le font sans connaître les tenants et les aboutissants. Peut-on donc qualifier le système fédéral américain de « démocratique », compte tenu de ce détournement de pouvoir ? De véritables dynasties se sont créés aux USA, à l’instar des Kennedy et des Bush. John Kerry est marié à une femme de la famille du groupe industriel Heinz. Deux présidents, le père et le fils, font partie de la dynastie fondée par l’industriel richissime Prescott Bush. Et le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, a facilité son élection par le fait que son épouse est une Kennedy.
De la démocratie en Europe.
La démocratie, le meilleur des régimes, repose sur la démopédie, c'est-à-dire « l’éducation du peuple ». Pour qu’un peuple puisse s’exprimer librement et exercer réellement son pouvoir, il faut qu’il soit honnêtement informé et qu’il ait bénéficié d’une éducation neutre de qualité. Il faut que tous les projets politiques puissent être défendus librement, par l’exercice de la liberté d’expression, et de manière équitable. Il faut que toute personne qui aspire à des fonctions publiques puisse accéder au pouvoir sans être tributaire de groupes financiers ou sans que les fonds soient réservés aux grands partis prétendument représentatifs.
Aujourd’hui, en Europe, la démocratie comme exercice du pouvoir par le peuple, est gravement en danger. Les modes de scrutin, notamment en France avec le principe majoritaire à deux tours, et au Royaume-Uni avec l’élection à un tour, ne permettent pas à la pluralité des idées politiques d’être représentées au parlement. De plus, les représentants du peuple, une fois élus, font le contraire de ce pourquoi ils ont été élus et de ce sur quoi ils se sont engagés. On songera ici au mini traité de Nicolas Sarkozy, qui est devenu un traité fort semblable à celui rejeté par les électeurs français et néerlandais en 2005, ou à son engagement de mettre fin aux pourparlers d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, et qui semble de plus en plus abandonné.
Il faut reconnaître que par son mode de scrutin, le parlement européen est beaucoup plus démocratique. En effet, les institutions européennes prêchent la proportionnelle. Le souci c’est que si les députés européens sont davantage représentatifs de la variété des idées en Europe, ils n’ont pas le pouvoir que devraient avoir des députés dans une véritable démocratie européenne. La Commission est sans légitimité démocratique, comme le sont aussi les deux Conseils. Dans la « démocratie » européenne, seul le Parlement Européen l’incarne.
Dans le cadre national, le peuple croit voter pour des dirigeants qui auraient vraiment du pouvoir, mais ceux-ci sont tenus par des conventions internationales et constituent même une sorte de caste.
Rebâtissons la démocratie en Europe !
Le PSUNE entend revenir aux fondements de la démocratie européenne, et notamment à ses racines helléniques, pour la régénérer, pour la rebâtir au niveau européen. Dans ce cadre, nous proposons la suppression des autorités communautaires non élues au profit du seul parlement européen, élu au niveau de l’Europe et non plus dans les états, et à la proportionnelle. Nous souhaitons que si une constitution européenne doit être mise en œuvre, elle doit être le fruit d’une assemblée européenne constituante élue en ce sens, et le texte doit être soumis à un référendum européen.
Nous demandons à ce que le référendum européen d’initiative populaire soit instauré, et que sur tous les sujets importants, les institutions communautaires convoquent des référendums. Ainsi la fameuse « directive Bolkestein » aurait été certainement rejetée par les citoyens européens.
Nous voulons que soit instituée une véritable nationalité européenne, bien différente de la pseudo-citoyenneté supranationale de l’Union Européenne. En clair, conformément à la démocratie moderne, citoyenneté et nationalité sont synonymes. Cette nationalité européenne devra être fondée selon les principes démocratiques de la citoyenneté, à savoir la règle athénienne du ius sanguinis.
Enfin, last but not the least, nous voulons que les parlementaires et autres représentants du peuple puissent rendre des comptes devant leurs électeurs. Or, par exemple, la constitution française de la Vème république ne reconnaît par le principe mandataire. A rebours de cette règle, qui permet aux élus de faire le lendemain du jour de leur élection le contraire de ce qu’il proposait la veille, nous demandons l’instauration du mandat impératif. Les candidats devront s’engager sur un certain nombre de points dans le cadre d’un « contrat électoral ». Sur ces points là, ils engageront leur responsabilité. Au cas où ils ne respecteraient pas ces points précis, faisant partie de leur mandat impératif, ils devront être immédiatement révoqués.
C’est ainsi que nous redorerons le blason de la démocratie européenne, et que le peuple des citoyens retrouvera sa confiance dans ses représentants et dans l’Union Européenne. Si l’UE incarne mieux que les Etats la démocratie, c'est-à-dire le respect de la volonté du peuple et sa consultation aussi régulière que possible, les électeurs se réconcilieront avec l’idée européenne, voteront massivement aux élections européennes, et reprendront leur destin en main. Nous refusons que l’Europe devienne une oligarchie, dirigée par des technocrates et des banquiers. Nous voulons que l’Europe soit la plus belle et forte des démocraties de l’histoire.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
Les commentaires sont fermés.