Retour sur l’affaire « Black M à Verdun ». Ce qu’elle révèle
30/05/2016
Les cérémonies d’hommage franco-allemand aux combattants de Verdun, qui se tenaient ce dimanche, nous laissent un goût amer. La course de jeunes gens organisée parmi les croix du cimetière a heurté de nombreux Français, de même que les chorégraphies inappropriées que l'on a fait exécuter à ces jeunes. Enfin, les discours politiques de François Hollande et d’Angela Merkel étaient hors sujet, dans un contexte où le silence était plus significatif que des mots et où toute récupération politicienne ne pouvait que blesser.
Face à cette jeunesse européenne, française et allemande, on se demande bien quel sens aurait pu avoir la prestation du rappeur Black M si elle n’avait pas été annulée sous la pression de la droite (au sens large), après l'alerte donnée par plusieurs organisations identitaires et blogs alternatifs.
Revenons d'abord sur les faits, en regardant du côté de la gauche. Au départ, l’idée est clairement venue d’en haut. Beaucoup ne connaissaient simplement pas Black M et à peine davantage le groupe « Sexion d’Assaut » dont il était membre et qui a lancé sa carrière. Et en premier lieu le maire socialiste de Verdun, Samuel Hazard. Une fois que le pouvoir s’est vu contester son choix, incapable de le défendre face à une colère croissante, pas plus qu'il ne sait réprimer les actions violentes d’une certaine extrême-gauche, il n'a rien trouvé d'autre que de se défausser sur le pauvre maire de Verdun. Et c’est ce dernier qui a dû prendre la responsabilité d’annuler la prestation de Black M, alors même que le président et plusieurs ministres l’assuraient publiquement de leur soutien pour le cas où il le maintiendrait. Samuel Hazard a donc dû assumer seul la suppression d’un concert qu’il n’avait pas sollicité.
Du côté des opposants, plusieurs à-côtés de cette pathétique affaire sont à relever. C'est la réaction de minorités politiques agissantes, bien relayées par les nouveaux réseaux d’information, qui a fait bouger l’aile droite des Républicains et obligé le FN à se manifester. Ce dernier a tenu tardivement un discours tiède, cherchant à récupérer à son profit l’image de lanceur d’alerte. Dans un entretien au magazine Charles il y a près d'un an, Marion Le Pen avait d’ailleurs déclaré apprécier le rap et notamment la musique de Black M. Et Marine Le Pen a fini par expliquer récemment que son opposition à ce concert n’était due qu’aux paroles choquantes tenues par ce dernier dans plusieurs chansons. Le fait que le pouvoir ait choisi, pour commémorer Verdun, un « rappeur de banlieue » issu de l'immigration post-coloniale, n’était donc pas un problème à ses yeux.
C'est le moment d'en venir à la question essentielle. Dans le contexte de la commémoration de Verdun, quel sens l'invitation de Black M pouvait-elle avoir ? Comment interpréter ce qu'on a perçu comme une occasion, pour le président et pour le parti socialiste, d'afficher le symbole d’une « France » multiculturelle, peuple « mondial » parmi d'autres, répondant par une fin de non-recevoir aux nombreuses alertes électorales dont témoigne le vote FN ? Et comment interpréter l'initiative de certains media qui ont cherché à tout prix à démontrer qu’un ancêtre de Black M s’était battu pour la France ? Peu importent les paroles de certaines des chansons; peu importe le genre musical auquel on peut le rattacher. Dans les deux cas, il s'agissait de l'évocation de la France coloniale.
Or tout cela était fort mal venu. Alors que la France a choisi en 1960 d'opérer ce qu'on a annoncé comme la « décolonisation », on semble tout faire pour démontrer qu'on a conservé la nostalgie de nos colonies. Alors que Charles de Gaulle nous a réconciliés avec nos voisins allemands, que François Mitterrand a su inviter dignement Helmut Kohl dans un contexte semblable, on ressuscite une France arrogante, parce que forte de son empire ultramarin, face à un ennemi européen qui n'en était pas doté.
En réalité, la bataille de Verdun symbolise une Europe suicidaire, opposant des peuples frères. C’est ce qu’il faut en retenir. Ce fut un drame continental, une meurtrissure européenne. C’est donc entre Européens que nous devons soigner cette blessure.
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
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