Du mot proto-indo-européen *deywos.
29/01/2016
Qu’est-ce qu’un *deywos, mot qui a abouti au latin deus et au français « dieu » ? D’autres termes pour désigner les divinités ont été employés par les Indo-Européens indivis, à l’instar de *ansus, « esprit divin » [scandinave Ass, indien Asura) ou de *dhesos, « celui qui est placé (dans le temple) » [grec theos] et bien sûr le terme germanique *gutaz désignait « celui qu’on invoque », mais *deywos aura été le plus courant et le mieux conservé puisqu’on le retrouve à peu près partout (gaulois devos, germano-scandinave tyr, balte dievas, sanskrit devas, latin deus, iranien daeva).
La racine de *deywos est bien connue, et on la retrouve dans le nom de *dyeus, le « ciel diurne », à la fois phénomène physique et divinité souveraine. On peut la traduire par « céleste » aussi bien que par « diurne » mais aussi par « émanation de *dyeus ».
La divinité suprême *Dyeus *Pater est en effet l’époux d’une parèdre du nom de *Diwni (« celle de *dyeus ») qui est le nom marital de la déesse de la terre, son épouse naturelle, formant le couple fusionnel dyavaprithivi dans l’Inde védique. Les *Deywôs sont donc les fils de *Dyeus, tout comme les *Deywiyês (ou *Deywâs) sont ses filles. C’est leur façon de porter le nom patronymique de leur divin géniteur.
Les *Deywôs sont donc par leur nom même les enfants du ciel, ce qui place leur existence sur un plan astral, l’ « enclos des dieux » (le sens même du mot *gherdhos qu’on retrouve dans Asgard, le royaume divin des Scandinaves) étant situé sur un autre plan que le monde des hommes mais placé systématiquement en hauteur, généralement à la cime de la plus haute montagne ou de l’arbre cosmique, ou au-delà de l’océan, dont la couleur est le reflet du ciel bleu, dans des îles de lumière (Avallon, Îles des Bienheureux…).
Mais ils forment aussi une sainte famille, autour du père céleste et de la mère terrestre, l’un et l’autre régnant dans un royaume de lumière invisible aux yeux des hommes.
Toutefois, le ciel diurne ne s’oppose au ciel de nuit que dans une certaine mesure. Sous l’épiclèse de *werunos, le dieu « du vaste monde » [grec Ouranos, sanscrit Varuna], *Dyeus est aussi le dieu du ciel en général, les étoiles étant depuis toujours les mânes des héros morts, souvenir que les Grecs lièrent au mythe d’Astrée, déesse des étoiles et de la justice, qui abandonna le monde en raison des pêchés des hommes. Astrée elle-même n’était autre que la déesse *Stirona indo-européenne que les Celtes conservèrent sous le nom de Đirona (prononcer « Tsirona ») et que les Romains associèrent à Diane.
Quant à la parèdre de *Dyeus, on la retrouve sous les noms de Diane et de Dea Dia à Rome, de Dziewona en Pologne pré-chrétienne et de Dionê en Grèce classique, celle-là même qu’on donne pour mère d’Aphrodite. De même la déesse de l’aurore (*Ausos) est dite « fille de *Dyeus » [*dhughater *Diwos], terme qu’on retrouve associé à Athéna mais aussi plus rarement à Aphrodite.
*Diwni, l’épouse du jour, devient *Nokwts, la nuit personnifiée. Le *Dyeus de jour cède alors la place au *Werunos de nuit. Tandis que les autres *Deywôs dorment, *Dyeus reste éveillé. L’idée d’un dieu du jour et de la nuit, donc aux deux visages, est à rapprocher du Janus romain, dieu des commencements, époux alors de la déesse de l’année *Yera (Héra) ou de la nouvelle année (Iuno).
Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)
8 commentaires
Je me demande à quels divinité(s) originelle(s) on peut rattacher Balder et Dyonysos... Cernnunos? L'archétype?
Dionysos est une création grecque liée à l'existence du vin (comme son homologue latin "Liber Pater") mais il est possible que son nom ait désigné à l'origine tout à fait autre chose. "Fils de Zeus" pourrait avoir désigné les côtés les plus "baroques" du dieu de la guerre (Arès). A ce moment là, Dionysos est alors une version du dieu indien Rudra, qui n'est autre qu'un aspect d'Indra.
Sauf votre respect, je vois le Soma védique comme l'équivalent de Dionysos, car l'ivresse n'est pas que simplement banale et ordinaire, elle peut être aussi guerrière et spirituelle... Le Soma mystique est l'extase, le sentiment d'immortalité... (Je ne suis que poète, mes intuitions doivent être passé au crible par les savants, même si j'en suis Tout à fait LIBERé, je ne veux point m'obstiner!) Votre "pauson" indo-européeen, j'ai l'impression qu'il est semblable au dieu messager, à celui qui s'occupe des troupeaux (mot très polysémique), au magicien, au sauvage poète en lien avec la Nature... Cernunnos a quelque chose du shaman préhistorique. Dionysos est venu pour instaurer un culte... Merci pour votre recherche, mon cher Saumon de la Connaissance!
La comparaison entre Soma et Dionysos n'est pas infondée certes (et donc aussi avec le Kvasir germanique) mais quel dieu justement boit beaucoup de soma ? Indra là encore.
*Pauson est le dieu messager, oui. C'est Hermès/Pan, Faunus, Cernunnos, Volos. Le dieu de tous les voyages, y compris à l'intérieur du cosmos. Le dieu de la sagesse (les circuits propres à l'intelligence).
Gardons nous bien d'oublier pourtant que les traits de Dionysos peuvent, avec beaucoup de vraisemblance, être aussi mis en lien avec l'apport et l'influence des Thraces...N'en déplaise aux diviseurs, les migrations, les échanges et la communication intra-européens expliquent tout autant que l'enracinement immémorial l'histoire et les traditions spécifiques des Européens.
Il y a un lien indéniable entre Dionysos, Liber, Haoma/Hom (Iran) et Soma, autour notamment de l'idée d'ivresse sacrée. Kvasir sera sa version germano-scandinave.
Alain Daniélou avait consacré un livre sur le rapprochement entre Shiva et Dionysos, je devrais relire mes notes, si cet auteur est crédible. Si on lie Dionysos à Rudra, on l'identifie alors à Cernunnos. Pashupati, maître des animaux est en tous les cas Shiva, donc le Rudra védique. Il est difficile de ne pas l'assimiler à Cernunnos, au dieu cornu. Dionysos a son aspect guerrier, avec sa garde prétorienne ressemblant à celle de Kadafi! Ce qui m'intrigue, c'est la ressemblance du mot Bacchus avec les mots sanscrits comme bhakta: adorateur bhakti: dévotion (participation à la vie divine) bhakti-yoga: yoga de l'amour pour le Divin. Dans la Guîta, Krishna, l'Avatâr, le dieu descendu sur terre, affirme que le prince Ardjouna est son bhakta, celui qui est désormais guidé, l'élu qui peut voir avec l'oeil divin. Le prince, dans son ascension spirituelle, devient de plus en plus divin, Immortel. Voici mes idées pêle-mêle lancées! À vous peut-être d'y mettre un peu de clarté!
Pour moi, Rudra est Mars Rudianos, c'est à dire le dieu rouge, le dieu Indra en mode "fureur guerrière" en clair.
Pashupati est Pushan, l'équivalent indien de Cernunnos, Pan, Faunus ou le Volos slave.
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