Lexique du partisan européen - "Paganisme"
08/03/2015
PAGANISME
Nom donné aux religions polythéistes, et notamment d’Europe, aux IVème et Vème siècle, par les partisans de la religion chrétienne. Le paganus ou « païen » signifie stricto sensu « homme du pays », « national ». Il s’oppose à l’alienus, « étranger ». En religion, le païen est tenant de la religion native, alors que le chrétien défend une religion certes à vocation universaliste mais néanmoins importée du Proche-Orient, le monothéisme étant apparu dans un contexte spécifique (fin du VIIème siècle avant notre ère, sous le règne du roi judéen Josias) au sein d’un peuple spécifique (les habitants des royaumes de Juda et d’Israël).
En Europe, le « paganisme » relève pour l’essentiel de la tradition polythéiste indo-européenne, reposant sur l’existence d’un couple divin formé du dieu du ciel diurne et de la lumière et de la déesse de la terre et de la fertilité. Ce dieu est *Dyeus *Pater, qui a donné en grec Zeus Patêr et en latin Dius Pater (devenu Jupiter). Son épouse est surnommé *Diwni (grec Dionê), celle de *Dyeŭs, bien que son nom soit en réalité*Dhghōm *Mater (Dêmêtêr, la « Terre Mère »). Ce couple a engendré les *Deywōs ou « dieux », dont le sens est « célestes » ou plus précisément (« ceux [nés] de Dyeŭs »), qui ont en charge des domaines bien spécifiques, notamment le patronage des astres, des éléments de la nature ou des phénomènes atmosphériques mais aussi, par association d’idées, des fonctions humaines. Ainsi sont intimement liés aurore et amour, feu et forge, ou encore orage et guerre. Ce sont des associations symboliques, la couleur rouge par exemple, ou l’image que la guerre est sur terre ce que la tempête est au ciel.
Le « paganisme » a été la religion d’une grande partie du monde. Il existait dès les premières expressions de religiosité par l’humanité, donc au moins dès le paléolithique. C’est la religion originelle de l’humanité, qu’on admette une origine unique ou plurielle de cette dernière. Il est aussi la religion des anciens Judéens (« Cananéens ») avant qu’ils ne passent au monothéisme.
Les caractéristiques du « paganisme » sont de porter un sentiment identitaire naturel, donc un attachement « national » aux dieux ancestraux, de développer une vision du monde plurielle via un « polythéisme des valeurs ». Mais il s’agit avant tout d’une vraie religion avec ses principes, ses rites et ses croyances. Paul Veyne devait reconnaître que « les Grecs croyaient à leurs dieux », que le « paganisme » n’était pas la simple expression poétisée d’une vision athée du monde. Le mot « païen » a souvent le sens d’incroyance. Il n’en était rien. Il rappelle que le polythéisme des anciens n’était pas universaliste mais identitaire, enraciné sur une terre et un peuple.
Avec la conversion au christianisme de l’empereur Constantin puis les décrets liberticides anti-païens de ses successeurs, une fois les réactions païennes (Julien 363, Eugène 394, Anthème 472, Illus 488) jugulées, les Européens furent contraints d’abandonner leurs dieux ancestraux même s’ils résistèrent pendant plusieurs siècles. Cette résistance amena les autorités chrétiennes, le pape Grégoire Ier en tête, à imaginer paganiser le christianisme afin de le rendre moins insupportable aux Européens, afin d’en atténuer les traits les plus exogènes. Il fit ainsi récupérer les fêtes païennes, un processus que Constantin avait entamé, et même les lieux de culte. La cathédrale de Chartres fut ainsi construite sur la forêt des Carnutes où se réunissaient les druides.
Mais au XVème siècle, face à la réforme qui prônait un retour aux « saintes écritures », l’Eglise a voulu réévangéliser l’Europe, la couper définitivement de ses racines païennes. Au lieu de dépaganiser le christianisme, elle n’a réussi qu’à déchristianiser l’Europe occidentale. L’orthodoxie, confrontée à l’islam, n’a pas en revanche tenté de se dépaganiser et c’est pourquoi elle a mieux résisté. Dès le Vème siècle, époque où le christianisme fut imposé par la violence à nos ancêtres, des penseurs se mirent à imaginer une restauration de l’antique religion sous sa forme originelle ou sous sa forme rénovée. De Rutilius Namatianus (Vème siècle) à Louis Ménard (XIXème siècle), en passant par Gémiste Pléthon (XVème, Grèce) et Pompilius Laetus (XVème, Italie), Frédéric II Hohenstaufen et Erasme, Voltaire et Sade, Hölderlin et Nietzsche, ils furent nombreux à œuvrer en ce sens.
Mais ce n’est qu’au XXème siècle que ces pionniers virent leurs efforts récompensés avec une nouvelle génération d’Européens renouant avec la foi ancestrale, alors que les églises se vident et que les périls s’annoncent aux frontières de notre civilisation. Sous les noms de Druidecht (« druidisme »), Asatru (« foi envers les dieux d’Asgard »), Rodnoverie (« religion ancestrale » slave) ou Religio Romana (« religion romaine »), des mouvements ont essaimé en Europe. Et même s’ils sont minoritaires, même s’ils n’ont pas toujours su rompre avec l’idéologie universaliste dominante, ils ont permis au paganisme de ressortir du tombeau où l’Eglise avait cru définitivement l’enterrer, oubliant que l’oiseau de feu, qu’on nomme aussi phénix, est immortel.
C’est en Inde et en Iran que des chercheurs européens (Filippo Sassetti, William Jones, Anquetil-Duperron, Thomas Young, Friedrich Schlegel) ont pu reconstituer l’antique tradition. Qu’ils ont pu retrouver en Asie ce que l’Europe croyait avoir perdu sur son propre sol. Les dieux de l’Olympe et d’Asgard avaient trouvé refuge en Inde, comme l’exprima à sa manière le poète Evariste Parny, parent de Leconte de Lisle, dans sa « Guerre des dieux » (1807). Et désormais ils sont de retour et cette fois ce sera pour toujours.
En 2015, après un millénaire de rupture, l’Islande se dotera à nouveau d’un temple en l’honneur des dieux d’Asgard et de Vanaheimr, tandis que résonnent sur le mont Olympe les chants de Grecs ayant renoué avec leur auguste mémoire.
Et les Européens, alors que les ténèbres obscurcissent le ciel de leur avenir, sauront retrouver dans leurs Dieux la force morale qui leur manque. L’épée de Mars et le marteau de Thor, enfin réconciliés, sauront offrir à l’Occident fatigué une nouvelle aurore !
Thomas FERRIER
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