La Russie, amie d'une Europe authentique
08/03/2015
La guerre civile ukrainienne, l’annexion de la Crimée et le récent assassinat de l’opposant libéral Boris Nemtsov, amènent les media occidentaux à considérer la Russie de Poutine comme une menace pour la paix en Europe. Selon une inversion accusatoire classique, un article du journal Le Monde du 23 février affirme même que la Russie considérerait l’Union Européenne « comme son ennemie ».
Que reproche-t-on réellement à Poutine ? De braver les interdits de la police de la pensée. De remettre en cause les dogmes d’un Occident sur le déclin. D’avoir redonné à la Russie ses lettres de noblesse, alors qu’elle était affaiblie et même avilie du temps d’Eltsine. Poutine en effet n’est pas un partisan déclaré d’une « gay pride » moscovite mais il préfère relancer la natalité du peuple russe, qui était auparavant au plus bas. S’il n’est pas nationaliste, désavouant les excès de la droite radicale, il est néanmoins patriote.
Gorbatchev a été abusé. S’il a eu raison de redonner leur liberté aux pays d’Europe centrale et orientale, s’il a été utile pour libérer la Russie d’une dictature nocive, les USA en revanche n’ont pas joué le jeu. Ils n’ont jamais traité la (nouvelle) Russie comme un partenaire respectable, à traiter avec correction. Pendant qu’Eltsine assistait impuissant ou complice au démantèlement du pays, engraissant les oligarques comme d’autres engraissent les oies, un par un, les pays d’Europe centrale adhéraient à l’OTAN, une organisation née pour enrayer le communisme et qui n’avait donc plus lieu d’exister après 1991.
Poutine a été choisi en 1999 par Eltsine mais sans avoir encore révélé qui il était. Il a tenu sa parole, protégeant la famille de l’ancien président de poursuites sans doute justifiées. En revanche, il a démantelé le système Eltsine, traquant sans répit les « marchands du temple ». Berezovski dut s’exiler et Khodorkovski finit en prison. Poutine a eu le temps d’analyser les causes du déclin de son pays et nommer les coupables. Au pouvoir, il va donc les combattre sans ménagement. D’un point de vue russe, ces gens ont trahi leur patrie.
Poutine a parfaitement compris que la Russie était une nation d’Europe et a maintenu la ligne de la « maison commune européenne » au moins jusqu’à 2005. Il a tendu la main à l’Union Européenne qui jamais n’a eu le courage de la saisir, préférant être la vassale des USA. S’il a obtenu difficilement l’abandon de la mise en place de bases américaines anti-missiles aux frontières du pays, il n’a pas pu enrayer la stratégie américaine contre son pays et n’a pas réussi à convaincre les autres Européens de se désolidariser de cette puissance qui a mis le continent sous diktat.
La stratégie russe consiste donc à neutraliser les vassaux de l’Amérique qui vivent à ses frontières, y compris par des actions militaires. La Transnistrie, l’Ossétie du nord et l’Abkhazie et maintenant le Donbass ukrainien, empêchent Moldavie, Géorgie ou Ukraine de rejoindre l’OTAN. L’adhésion à l’Union Européenne, dans la mesure où cette dernière ne se place pas en adversaire, ne le dérange pas. C’est une réponse impopulaire aux yeux de la communauté internationale et cause de conflits gelés. Il est trop facile d’en accuser la Russie. C’est bien parce qu’elle est victime d’une stratégie russophobe d’encerclement, pensée par les technocrates de Washington, républicains comme démocrates, qu’elle est contrainte de répondre comme elle le peut et sans bénéficier des appuis nécessaires pour éviter de jouer un « mauvais rôle ».
La balle est clairement dans le camp de l’Union Européenne. C’est à celle de décider si elle veut continuer à payer les pots cassés d’une stratégie atlantiste ou si elle est prête à prendre son destin en mains. La politique qu’elle mène est contraire à ses intérêts et surtout à ceux des peuples. Elle est vectrice de mondialisme lorsqu’elle devrait au contraire être un rempart.
Les USA n’ont peur que d’une chose, que l’Union Européenne et la Russie convergent et travaillent de concert pour l’intérêt des Européens. Ils favorisent donc en son sein tous les germes de décadence, promouvant toutes formes de communautarisme, et sont un soutien sans réserve d’une immigration massive indigeste et mettant en danger les valeurs les plus ancestrales de la civilisation européenne.
Or la Russie semble renoncer à cette espérance d’une Europe se libérant de ce joug et préfère se tourner par défaut vers l’Asie. Elle commet là une erreur majeure. Son avenir est européen et ne peut qu’être européen. Son salut est en elle et en nous, comme le nôtre d’ailleurs. Elle choisit d’encourager les passions centrifuges de l’Union Européenne au lieu d’encourager son unité, de peur que cette unité se fasse contre elle.
Mais les vrais européistes savent que la Russie a toujours été le rempart de l’Europe face à l’Asie avide de ses richesses. Et ils savent désormais que la Russie est aussi le rempart de l’Europe contre une Amérique qui nie ses racines européennes et se retourne contre la maison-mère, trahissant dans le même temps le peuple américain fondateur, de souche européenne, minoritaire sur son propre sol dans quelques décennies.
Les libéraux-atlantistes, dans et en dehors de la Russie, sont des ennemis déclarés de notre civilisation et de leur propre peuple. Les gouvernements d’Europe orientale qui tapent sur la Russie se trompent d’ennemis. Et les nationalistes ukrainiens, passéistes, bafouent les principes mêmes qu’ils devraient chérir, oubliant qu’ils sont des Slaves et (donc) des Européens et pas des Occidentaux. La Russie n’est pas l’ennemie de l’Europe, elle est une composante de l’Europe. Les Russes sont nos frères, comme le sont pour eux et pour nous les Ukrainiens. Mais la Russie attend que les Européens envoient à leur tour les bons signaux et redeviennent maîtres chez eux, dans tous les sens du terme.
L’alliance euro-russe, le ralliement de la Russie au projet d’unification politique du continent européen, voilà la seule ligne que devraient défendre de véritables Européens, d’âme et de sang, de cœur et de raison. En n’oubliant pas que les spéculateurs qui ont attaqué la Grèce et par ce biais la zone euro ne roulaient pas pour Moscou mais pour Washington. En n’oubliant pas qu’une Europe unie de l’Islande à la Russie sera et de loin la première puissance mondiale, détrônant les USA. En n’oubliant pas que la grande Europe sera capable de faire entendre sa voix, et ainsi de protéger concrètement son identité contre toutes les agressions, internes et externes, du mondialisme.
Si l’avenir de la Russie est européen, l’avenir de l’Europe est dans l’amitié avec la Russie, même « poutinienne ». Nous pourrons donner des leçons à Vladimir Poutine quand nous aurons su nous doter de vrais dirigeants et entreprendre les réformes indispensables pour notre salut. Et je ne doute pas qu’alors les Russes sauront nous encourager. Mais n’attendons pas d’eux qu’ils fassent le travail pour nous.
L’Europe avec la Russie, la Russie dans l’Europe !
Thomas FERRIER (PSUNE)
11 commentaires
Changement compliqué de paradigme, tout de même, que ce passage fort de promesses de la notion l'Occident à celle de grande Europe...
Historiographiquement, vous devriez commencer peut-être, pour votre part, à ne plus voir d'un si mauvais oeil cette idée, pourtant si sérieuse, d'un berceau steppique est-européen (pas en Europe moyenne donc) pour les Indo-Européens indivis. Pas de panique, les seuls peuples indo-européens historiques (à l'aube de l'âge du fer donc) pouvant revendiquer un terreau steppique ne sont au nombre que de trois, et les Slaves en sont exclus, bien que pas très loin. Les autres "souches" se sont individualisées ailleurs, et au contact d'autres groupes, après avoir quitté, depuis des millénaires parfois, ce très probable berceau commun.
"la notion d'Occident"
A quelle "exclusion" faites-vous référence, Anton Cusa ? Les populations balto-slaves sont très certainement des éléments descendants de populations iranophones qui se sont singularisés a posteriori en s'adaptant à leur nouvel environnement. Vous n'avez sans doute pas tort en ce qui concerne les origines "steppiques" des Indo-Européens, mais vous semblez méjuger l'importance des mutations qui se sont produites à mesure de leur extension.
A vrai dire, les affinités entre les Aryas et les Slaves ne relèvent sans doute pas tant d'une certaine "proximité" ethnolinguistique que d'un apparentement commun, lorsque les populations résidant plus à l'ouest ont effectivement fait l'objet d'une indo-européanisation graduelle bien plus a posteriori. Quoiqu'il en soit, il me semble que T. Ferrier insiste avant tout sur la notion d'"européanité", en veillant à ne pas fonder exclusivement ses analyses sur une proto-indo-européanité in situ.
Je ne note aucune influence iranienne sur les Baltes. En revanche sur les Slaves, elle est évidente. La raison en est le contact ancien et répété avec les nomades iranophobes (Cimmériens, Scythes puis Sarmates) qui habitaient l'actuelle Ukraine (je songe ici aussi aux Taures, Scythes hellénisés de Crimée).
Ma vision des IE est celle d'une vaste "koinê" allant de l'ouest européen à l'est, avec des variations sur le même thème expliquant des différences culturelles relatives.
Mais en effet je défends une européanité globale qui dépasse la question proto-indo-européenne, englobant ainsi Basques, Caucasiens et Finno-ougriens sous la bannière de l'Europe unie.
Par "exclusion", j'avais en vue que, malgré son appartenance à la branche orientale des Indo-Européens, la macro-famille historique balto-slave s'était individualisée non pas dans les steppes (contrairement aux Iraniens orientaux et aux Cimmériens par exemple), mais bien plus au nord. Comme l'a fait observer Thomas, les influences proprement iraniennes sur les Slaves sont plus récentes.
NB l’appartenance exclusive des Cimmériens à la branche iranienne est très loin de faire l'objet d'un consensus...Les apports proto-thraces semblent également difficile à exclure.
La langue cimmérienne nous est quasi inconnue. La lier aux iranophones nomades s'explique par leur "mode de vie". Mais ce n'est pas une certitude. Il me semble toutefois que Lebedynsky a des arguments solides.
Sachez pourtant que les cultures matérielles du bronze tardif et du début de l'age du fer d'où semblent directement issus les proto-Thraco-Daco-Gètes et les Cimmériens (cultures de Sabatinovka, de Srubnaia, et de Belozersk) étaient intimement apparentées entre elles, comme elles l'étaient d'ailleurs avec l'horizon culturel plus oriental d'Andronovo, d'où sont issus les Iraniens orientaux. Sur ce point, Lebedysnky est assez confus. Le mode de vie des proto-Thraces était également fortement marqué par le pastoralisme et la civilisation équestre, bien qu'ils aient quitté dans leur grande majorité les steppes entre le bronze tardif et le début de l'age du fer pour s'installer définitivement en Europe du Sud-Est, où ils subirons d'autres influences (celtes, grecques, etc.). Plusieurs informations attestent par ailleurs l'existence d'un substrat thrace dans les steppes à l'époque des Scythes.
Certes, mais les linguistes n'estiment-ils pas aujourd'hui que les Baltes et les Slaves s'exprimaient initialement de la même façon ? L'ascendant iranien sur les populations de souche slave ne se seraient donc exercé qu'à la suite d'une hypothétique dissociation entre les Slaves et les Baltes découlant du même isolat ? Pourrions-nous en déduire que les populations balto-slaves constituaient très certainement une communauté à peu près homogène durant l'Antiquité ?
Selon vous, serait-il parallèlement envisageable d'imputer aux nomades steppiques comme les Scythes ou les Sarmates la responsabilité de la disjonction survenue entre les Slaves et les Baltes a posteriori ? De manière paradoxale, il n'est pas non plus impossible de songer que les Baltes seraient les descendants authentiques des populations slaves originelles, voir des proto-slaves iranophones...
Mais ces derniers ne se sont jamais installés sur le pourtour de la Baltique, non ? Comment expliquer dans une telle optique les similitudes troublantes entre le lituanien et le sanskrit, par exemple ? J'avoue être assez dérouté. Le qualificatif extrêmement tardif de "Slave" ne facilite pas non plus les recherches quant aux communautés peuplant naguère la "Russie", et plus particulièrement le versant ouest-méridional incluant aujourd'hui la portion orientale de l'Etat ukrainien.
Fjodor,
Les affinités particulières entre le balte, le slave et l'indo-iranien s'expliquent par l'appartenance commune de ces langues au groupe génétique ou aréal dit IE oriental ou satem (ce concept aujourd'hui assez relativisé). Le berceau des Balto-Slaves était pourtant situé dans l'aire de la céramique cordée et des amphores globulaires, c'est à dire au nord et à l'ouest des cultures IE steppiques euro-asiatiques (tombes à fosses, tombes à charpentes, Andronovo, etc.). Les ancêtres des Slaves et des Baltes formaient plus précisément la partie orientale (cultures de Komariv, de Trzcinec, etc.) de ce vaste ensemble nord-européen complexe, où se sont également individualisés, plus à l'ouest, les Germains ainsi que les Celtes (pour ces derniers, dans une zone de chevauchement avec l'ensemble IE balkano-danubien). Les racines ethno-culturelles différentes des Slaves et des Iraniens orientaux n'ont évidement pas empêché d'importants contacts zonaux ultérieures entre les deux groupes, notamment aux confins des steppes boisées et herbeuses de l'Europe orientale.
...aux confins des steppes boisées et des steppes herbeuses...
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