Elections législatives en Grèce – Victoire de Syzira ou la démagogie triomphante.
26/01/2015
Les derniers sondages indiquaient une forte poussée de Syriza, la formation de gauche radicale d’Alexis Tsipras, ces derniers jours. Ce dimanche, elle est confirmée. A 89% du dépouillement, les grandes tendances sont connues et ne devraient évoluer qu’à la marge.
Syriza obtient près de 36.4% des voix et 149 sièges, manquant de peu la majorité absolue à 151 sièges. Le parti pourrait néanmoins l’obtenir dans les prochaines heures si la tendance générale se poursuit. C’est une nette victoire pour ce mouvement considéré comme l’équivalent du Front de Gauche de Mélenchon en France. Ce dernier s’est d’ailleurs plus ou moins attribué ce résultat, sans qu’il ait participé de quelque manière que ce soit à la campagne électorale.
La Nouvelle Démocratie du premier ministre sortant Antonis Samaras a connu en revanche une sévère déconvenue, avec moins de 27.9% des voix et 76 sièges, ce qui malgré tout n’est une chute que de deux points par rapport à 2012. Syriza en revanche a obtenu près de dix points de plus. Ce résultat peut s’expliquer aisément, on le verra.
Le PASOK, la gauche sociale-démocrate historique, avec 4.7% des voix environ, sauve de justesse sa tête et conserve 13 députés. Mais il continue sa descente aux enfers, puisqu’en 2012 il obtenait encore 12.3% des voix. Il a été littéralement avalé par Syriza, ce qui implique néanmoins un recentrage de ce dernier, car il n’y a pas eu 35% de vote gauchiste en Grèce.
L’Aube Dorée (Hrysi Afgi), qui avait été quasiment démantelé par le gouvernement, avec ses principaux dirigeants arrêtés sous de graves accusations, obtient 6.3% des voix et 17 sièges. C’est moins que ce que certains sondages annonçaient et moins que les 6.9% obtenus en 2012. Dans un contexte où les électeurs ont voulu donner leur chance à Syriza, le résultat n’est pas calamiteux. Les Grecs Indépendants, souverainistes de droite, perdent en revanche beaucoup de voix, passant de 7.5% à 4.7% des voix et 13 députés (contre 20 en 2012). Le LAOS reste aussi insignifiant qu’en 2012 avec 1% environ des voix. Sa disparition à brève échéance paraît inévitable.
Les communistes du KKE progressent légèrement avec 5.5% des voix (contre 4.5% en 2012) et obtiennent ainsi 15 députés, tout comme les centristes et modérés de « To Potami », nouveau venu, qui réalisé avec 6% des voix et 17 sièges un score honnête pour une première élection. Socialistes dissidents (2.4%) ou centristes alternatifs de l’Union des Centres (1.8%) échouent à atteindre la barre fatidique des 4% donnant droit à une représentation nationale.
Syriza est donc en mesure de gouverner le pays, malgré un programme économique parfaitement démagogique, et inapplicable, malgré le fait de ménager l’Eglise et les riches armateurs, qui n’ont pas subi la crise, malgré un programme en matière d’immigration parfaitement délirant par son laxisme débridé. Le parti devra néanmoins s’associer pour gouverner, probablement avec le KKE si celui-ci joue le jeu, mais certainement pas avec le PASOK, durement fragilisé.
Le résultat de Syriza est dû essentiellement à la logique gauche/droite. Avec l’élimination du PASOK, Syriza incarne la gauche face aux conservateurs de Nouvelle Démocratie. Ceux-ci sont au pouvoir depuis 2012 et ont dû appliquer des mesures de restriction budgétaire particulièrement draconiennes, engendrant bien sûr une forte impopularité en retour. Le sérieux de leur gouvernance a déplu à beaucoup d’électeurs. Ceux-ci se sont imaginé que la victoire de Syriza permettrait au moins de desserrer l’anneau. Je crains qu’ils ne se soient trompés.
Il n’y a pas de solution nationale à cette crise que connaît la Grèce, mais que connaît à des degrés divers toute l’Europe, même la Russie. Seul un pouvoir européen fort et légitime pourrait obliger les mondialistes à plier le genou devant elle. La Grèce serait ainsi sauvée et l’Europe avec elle.
Les promesses déraisonnables de Syriza rappellent les promesses du candidat socialiste en France en 2012. Ils ne feront pas le dixième de ce qu’ils ont annoncé, surtout s’ils veulent maintenir la Grèce dans la zone euro. Entre l’euro et leurs prétendues idées, ils devront choisir.
L’échec programmé de Syriza montrera définitivement aux Européens l’utopie d’un salut « national », qu’il soit promu par l’extrême-gauche ou par l’extrême-droite. Le soutien implicite du FN et de DLR à Syriza, soutien contre nature, uniquement motivé par une UE-phobie de principe, risque d’avoir un effet boomerang. Si rien ne change, et rien ne changera, leurs propres « solutions » perdront beaucoup en crédibilité.
Thomas FERRIER (PSUNE)
3 commentaires
"Seul un pouvoir européen fort et légitime pourrait obliger les mondialistes à plier le genou devant elle."
Impossible: L’UE est conçue pour ne pas être démocratique, du fait même de l'absence de substrat national qui serait apte à accepter une règle majoritaire simple. Le pouvoir qui peut émerger d'une telle structure sera soit issu de négociations de représentants démocratiques ménageant la chèvre et le chou, donc faible (ue->2009), soit autoritaire et technocratique (UE > 2009 (troika...)) et donc illégitimement ressenti. Désolé de casser le rêve de visiblement un fédéraliste. La légitimité d'un pouvoir fort européen est un axe de fuite intellectuel.
"Entre l’euro et leurs prétendues idées, ils devront choisir." Ca c'est exact, et les semaines qui viennent vont être terriblement instructives pour bien des choses. (L'attitude des allemands, le rôle des pays de l’Europe du sud...).
A titre personnel, je pense que si ils choisissent l'euro, ils seront effectivement inapte à appliquer leurs idées, et disparaitront politiquement en moins de temps que ne l'a mis le pasok. Le parti, si tant est qu'il est démocratique qui reprendra le manche dans la foulée, si l’Europe ne s'est pas totalement refondée entre temps aura retenu la leçon est quittera l'euro comme premier acte, entrainant probablement dans sa suite les autres pays "faibles".
Soit l’Europe se refonde, et renonce à l'euro tel qu'il est, soit l'euro tuera l’Europe, mais ce n'est pas qu'un problème grec.
En attendant, remercions les grecs, qui par leur actions, contribuent à baisser la valeur de l'euro, et permet de diminuer la souffrance sociale de notre propre agonie économique.
Ne pas se tromper dans ce conflit, il n'y a QUE des démagogue, et celui qui vend pouvoir continuer dans les conditions politico-économiques actuelles (pour la grèce, et à venir pour nous) ment autant que celui qui rase gratis. Pas auprès des mêmes personnes, c'est tout.
La Grèce a une importante "rentrée de devises", si l'on entend par là l'apport d'euros du tourisme (entre autre, car il n'y a pas que européens).
Elle peut fort bien se servir de ses euros pour rembourser sa dette (et d'autres devises pour les achats énergétiques s'il le fallait).
Pendant ce temps, elle peut émettre une monnaie locale pour éviter la contraction monétaire locale, et continuer d'activer le reste de l'économie locale interne.
Ce genre de solution n'a absolument rien de fantaisiste. C'est, entre autres, la technique des ring suisses locaux, mais transposé à l'échelle d'une nation, et appliqué au contexte (en l'espèce, la nécessité de rembourser une dette externe en euro et d'autres achats en dollars, par exemple).
http://www.alpesolidaires.org/le-cercle-de-cooperation-economique-wir-une-monnaie-suisse-depuis-1934
@ step
Je n'ai pas évoqué l'UE telle qu'elle est puisque je prône en son sein une réorientation par "putsch démocratique" via le parlement européen. Je ne suis pas en outre "fédéraliste" mais pour une Europe unitaire donc avec un gouvernement fort légitimé par les urnes à l'échelle continentale. Certainement pas le fruit d'une négociation entre 28 ou 46 états membres. C'est à une Europe contre les Etats mais avec les Européens à laquelle je fais allusion, selon le mot de Gaston Riou en 1926 dans "Europe, ma patrie". Donc j'évoque une révolution européenne par les urnes comme seule planche de salut pour notre continent.
Le "repli national" et l'abandon souverainiste de l'euro ne seraient qu'une autre forme de suicide pour notre civilisation, un peu comme 14/18.
Et bien évidemment, je défends une Europe à l'identité forte, fondée sur la profonde parenté anthropologique et civilisationnelle entre Européens, donc une "nation européenne", pas une Europe d'esprit mondialiste, bien évidemment.
D'autres articles sur ce blog vous éclaireront sur ma position à ce sujet.
L'€ doit devenir la monnaie nationale de l'Europe, c'est là une nécessité historique car tel qu'il est, il n'a pas encore les moyens de sa propre subsistance. La critique qui est formulée contre lui est souvent fausse. C'est néanmoins son absence de pilotage politique qui est la critique en revanche la plus justifiée.
Bien cordialement.
TF
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