De la table rase juridique européenne.
19/10/2014
Depuis plusieurs décennies, les pouvoirs politiques à la tête des différents états d’Europe ont pris, sans consulter le peuple et/ou sans veiller à lui livrer une information objective et complète des enjeux et des conséquences de leur politique, des décisions qui mettent en danger l’avenir de notre civilisation, de notre continent. Par irresponsabilité, par incapacité de voir plus loin que le bout de leur nez, ou au service conscient au contraire d’une idéologie liberticide, ils ont engagé l’Europe dans un processus mortifère et ce dans tous les domaines. Ils ont en clair créé en Europe les conditions propices à l’effondrement de notre civilisation, à la fois en ouvrant les frontières du continent à des flux migratoires post-coloniaux qui portent atteinte à notre identité de peuple européen, et en favorisant en interne les matérialisations classiques de la décadence telles que dénoncées déjà il y a près de deux millénaires par Juvénal dans ses Satires. Le « mariage pour tous » en est une illustration parmi tant d’autres.
Pour involuer ce déclin, un pouvoir politique national devrait engager un programme qui contreviendrait à un des principes fondamentaux du droit, qui est le principe de non-rétroactivité. Certes, il le ferait au nom d’une légitimité populaire, mais en dehors du cadre de la légalité. Il n’est donc simplement pas possible d’envisager dans le cadre national, que cela soit celui de la France ou de l’Allemagne, de revenir en arrière. Aucun gouvernement, même nationaliste, n’envisagera sérieusement d’annuler les décisions prises par ses prédecesseurs. Ainsi on sait très bien que l’UMP ne reviendra pas sur le « mariage pour tous » ni sur les politiques migratoires passées depuis trois ou quatre décennies. Mais on sait aussi que le FN, même s’il prétend en paroles le contraire, n’en ferait rien non plus, à supposer qu’il puisse arriver au pouvoir.
Si une politique n’est pas possible dans le cadre d’un référentiel politique donné, elle est possible si on choisit un tout autre cadre, par exemple celui d’un nouvel Etat qui ne saurait être la continuité de l’Etat précédent. En droit international, il existe un principe de continuité juridique liée à une continuité territoriale. Pour être plus clair, un Etat est contraint d’assumer la politique de l’Etat qui existait précédemment sur le même territoire. Même la révolution française en 1789 a maintenu de nombreux cadres de l’ancienne monarchie. Elle n’a pas pu faire table rase, même si elle a innové sur de nombreux sujets.
L’idée générale est donc que l’Europe naisse en tant qu’état-nation, à partir de l’Union Européenne actuelle, mais élargie à l’ensemble du continent. Cette nouvelle nation, qui se constituera ex nihilo, même si elle reposera par ailleurs sur une base objective, sera vierge juridiquement. Elle ne sera en soi liée à aucune politique décidée par les anciens Etats, qui auront cessé purement et simplement d’exister. C’est ce que j’appelle la table rase juridique européenne.
L’Europe se construira politiquement sans être engagée par les moindres traités ou conventions internationales, que ce soit les traités « européens » ou les constitutions nationales. Elle n’aura pas à « assumer » les politiques néfastes qu’auront auparavant décidées des gouvernements « nationaux » que ce soit en matière de définition de la nationalité ou bien de définition du mariage. Les politiques migratoires passées ou les innovations « matrimoniales » comme le « mariage pour tous » n’auront plus aucune valeur puisqu’elles auront été décidés par des Etats qui n’existent plus, et que le nouvel Etat, l’Europe unie, n’en tiendra donc pas compte. Un autre avantage de l’émergence de cet Etat vierge du point de vue du droit, c’est qu’il n’aura pas de dettes extérieures, alors que les Etats européens actuels sont globalement endettés.
L’Europe unie a une réelle légitimité d’existence en raison de la profonde parenté qu’il existe entre les Européens, au-delà de particularismes réels qu’il convient bien sûr de préserver. Les nations en tant qu’identités nationales et/ou régionales existent. Mais les Etats ne sont que des conventions institutionnelles qui peuvent apparaître ou disparaître au gré de l’histoire. L’Etat européen unitaire pourrait réussir là où les anciens Etats « nationaux » ont échoué. Et il permettrait surtout un redémarrage, un « reboot » total, où tout redeviendrait possible, où la politique que nous estimons absolument nécessaire pourrait être menée dans le respect du droit.
Cela s’apparente d’une certaine manière au passage d’un système informatique à un autre. Comment fait-on ? On sauvegarde d’abord toutes les données qu’on souhaite conserver et uniquement celles-là. Ensuite on réinitialise le disque dur, effaçant l’ancien système ainsi que toutes ses caractéristiques. Puis on installe un nouveau système et on y recopie les données sauvées. Ces données, c’est la civilisation européenne, sa culture, son patrimoine, son histoire, la population de notre continent d’avant ce que nous estimerons être son dévoiement. Le nouveau système informatique c’est l’Etat européen. Il aura ses règles et ses particularités, ses institutions, sa nationalité et son état civil. Ce ne seront pas ceux des anciens Etats, qui auront disparu avec les données endommagées et que nous n’avons donc pas conservées.
La table rase juridique permettra concrètement à l’Europe de reprendre sa marche en avant, considérant comme nuls et non avenus les égarements coupables des anciens Etats et les multiples trahisons des anciens gouvernements « nationaux ». Elle est d’un point de vue juridique la solution la plus satisfaisante.
Thomas FERRIER (PSUNE)
11 commentaires
Pour salutaire et légitime qu'il fût de consolider symboliquement les limites, les frontières et l'unité interne de l'Europe, la question reste entière de savoir quelle place il convient d'assigner à cette entité dans l'ordre institutionnel public international...C'est sans doute là que le bas vous blesse.
"L’Europe unie a une réelle légitimité d’existence en raison de la profonde parenté qu’il existe entre les Européens, au-delà de particularismes réels qu’il convient bien sûr de préserver" - C'est-y pas un peu universaliste (et naïf) comme vision ? Les parentés linguistiques me semblent bien plus... parlantes, en terme d'unité, et on sait dejà que ça fait pas des familles modèles. Alors les consanguinités guerrières continentales comme bases d'union, moi, je ne demande pas à voir plus loin.
Les parentés linguistiques sont également présentes. 96% au moins des Européens parlent comme langue natale une langue indo-européenne.
Je vois difficilement en quoi ma vision serait universaliste puisqu'elle est euro-centrée donc justement anti-universaliste.
ich niet govorim ha ezik indoevropaikos.
Un euro-centrisme est une defiance aux particularismes, puisqu'une centralisation des pouvoirs - une idée simple mais diablement efficace, non? On peut compter sur l'oligarchie actuelle pour appliquer progressivement aux modèles sociaux nationaux les notions d'intégrations verticales et horizontales et de restructurations présents au sein des entreprises, en tirant que vers la portion congrue de particularisme jusqu'au minimum de façade (ou utile), pour de très bonnes raisons empiriques - puis, de presque rien à plus rien, le pas est vite franchi quand l'occasion se presente... on a vu dans l'histoire de nombreuses cultures disparaître ainsi. De plus, pour pour fluidifier les rapports, une langue commune impériale devra obligatoirement être mise en place à moyen terme. Pourquoi pas, au fond, d'ailleurs, tout cela peut proceder de tres bonnes intentions, et de toutes les bonnes raisons du monde. Cependant, la route suivie étant bien celle d'une intégration mondiale par blocs, il ne s'agit pas de raison, mais de cultures et de désirs.
Je ne vois pas l'intérêt commun des peuples européens, encore moins des nations, à foncer ainsi dans une institutionnalisation à l'heure actuelle aussi anti-démocratique. Peut-être suis-je aveuglé ?
Vous voyez, cher Julien, je comprends votre première phrase alors qu'elle est pourtant composée de mots issus de plusieurs langues d'Europe. C'est ça aussi la parenté linguistique et civilisationnelle. Et bien sûr vous parlez une langue indo-européenne... le français.
L'euro-centrisme c'est de tout voir/lire par le prisme de la civilisation européenne, de ne penser qu'aux intérêts exclusifs de l'Europe et des Européens.
Une réorientation démocratique est bien sûr nécessaire mais elle résultera d'un contexte favorable, au bord de l'abîme, à un moment où les Européens auront une pulsion de vie salvatrice. Réorienter l'UE pour que le bloc européen de demain soit la nouvelle Athènes !
Seule la force, résultant de l'unité de frères nés d'un même sang, ce que sont les Européens, nous protégera du mondialisme. Les blocs civilisationnels homogènes ne sont pas une étape vers l'unité mondiale mais naîtront du post-mondialisme, de la ruine de cette idéologie malfasainte.
Evidemment que vous pouvez lire ma petite phrase, je l'ai écrite pour cela (je ne suis pas sadique). Avez-vous alors toutefois noté comme une imperceptible gène ? Imaginez notre conversation dans ce cadre, encore plus si l'on rajoute les alphabets cyrillique et grec... Rien n'est impossible aux hommes de bonne volonté, mais la rupture du continuum linguistique me semble dommageable lorsqu'on parle d'union au sens de "vivre ensemble".
Au niveau européen, quelles sont les orientations communes possibles entre les exigences contradictoires de pays aussi disparates economiquement, socialement et culturellement ? Je rejoins Asselineau sur son analyse de la construction européenne actuelle bâtie afin de destabiliser les grandes puissances France et Allemagne et d'inféoder d'un coup tout le bloc européen ainsi constitué (TAFTA venant bientôt nous imposer des lois atlantiques). Les mythes fondateurs de l'UE sont des masques sans grande portée ni symbolique ni réelle pour les peuples concernés. Aucun mouvement de vote UE ne témoigne ainsi d'une adhésion significative, au point que bien des politiques dans bien des pays ont du se passer de démocratie afin de continuer quand même leur grand oeuvre. Sur quels mythes (au sens de lecture historique commune) baseriez-vous votre Europe, tenant compte des réalités actuelles ?
Enfin, ma femme est française de Guyane, noire, avec des ascendance sud-américaines et caribéennes variées. Moi-même je suis issu de branches alliant du "sang" (?) polonais, français, arabe (sans compter tous ceux que je ne connais pas si on remonte dans l'histoire). Nos enfants sont irréductiblement et visiblement métisses. Je nous considère toutefois français, dans nos choix de vie et orientations politiques ; mais avec votre postulat d'unité fraternelle possible sur une légitimation hémoglobinique, je vais où avec les miens ?
Mouais. Sache, mon cher Julien, qu'ayant fait du grec et du russe, cela ne m'aurait posé aucun problème non plus. Aucune gêne. Mais une dominante russe dans cette phrase ;)
L'UE actuelle n'a aucune importance. C'est ce que nous en ferons qui compte. Elle sera ce que les Européens voudront qu'elle soit. J'envisage la naissance de l'Europe unie comme celle d'un xénomorphe sortant du thorax de l'UE.
Je défends une Europe européenne. C'est mon choix et le sens de mon combat. J'agis en cohérence avec ce projet. Les Européens choisiront dans quelle Europe ils veulent vivre et en compagnie de qui. Je propose, les Européens disposent.
Ok pour le tutoiement, mais super mouais en retour : tu ne réponds pas à mes questions.
Félicitations en tout cas si tu peux suivre des conversations en russe et grec, ce n'est pas donné à tout le monde. Je doute alors simplement qu'une proposition faite aux européens (aux français déjà !) d'un apprentissage extensif des (50?) langues continentales emporte des vives dispositions...
Après, défendre une Europe européenne, oui, bon, mais au delà du slogan, cela me parait très relativiste comme propos : à l'ère de l'individualisme, il y aura autant d'Europes que de... xénomorphes, tiens. (Autant séduire des femmes féminines, manger des glaces fraiches et creuser son trou creux, etc... si on va par là, ça ne dépasse en tout cas pas le proverbial).
Je ne peux donc que te redemander, si tu le veux bien et si tu le peux, de répondre à mes questions précédentes qui sont, je crois, assez précises, car je ne vois pas très bien où tu veux en venir.
Pour la dernière question, je me refuse à raisonner en cas particuliers.
Pour le reste, ma vision du monde est post-mondialiste, c'est à dire ne reposant pas sur des principes actuellement dominants et qui demain seront rejetés aussi fortement qu'ils ont été encensés. L'histoire commune européenne est un tout fait d'origines communes (Indo-Européens, Vinca, Stonehenge, Arkaïm...), de traditions religieuses (fêtes communes, dieux et saints), d'une somme d'héritages communs (grec, romain, germanique, médiéval, Renaissance... etc). L'Europe a été marquée par les mêmes phénomènes civilisationnels, balayée constamment d'ouest en est et d'est en ouest. Par les mêmes aventures. Par les mêmes conflits, aussi.
Courants musicaux, courants littéraires, courants philosophiques, courants poétiques, courants politiques... ont toujours été présents partout sur notre continent. Mozart et Wagner firent leurs classes en France, d'ailleurs. Beethoven composa sa IIIème symphonie en hommage à Napoléon Ier... etc
Les différences entre Européens, qui existent au niveau continental mais aussi bien à l'intérieur de chaque état, un breton n'étant pas un basque qui n'est pas un corse, celui-ci n'étant pas un alsacien, sont mineures par rapport à ce qui nous unit. Quant aux différences économiques, l'économie de l'Ile de France n'est pas non plus celle du Limousin. Ce qui équilibre nos provinces, c'est l'Etat français. Ce qui demain équilibrera les différentes régions d'Europe, ce sera l'Etat européen. Par ailleurs, le FEDER est malgré tout plutôt une réussite, même s'il ne peut pas changer le plomb et or.
Enfin, l'Europe est le continent qui a la population la plus homogène. Cette homogénéité n'a été remise en question que sous l'effet de flux migratoires que l'écrasante majorité des Européens n'a pas désirés.
Ah, plus de tutoiement, mais une généralisation du débat... ok. Moi qui pensais être relativement paradigmatique, me voilà d'un coup déclassé hors échantillon. Je peux m'y faire, tant qu'on ne touche pas à mes enfants en tout cas.
Pour revenir aux moutons, implicitement il semble donc admis entre nous que la question linguistique fait tout de même problème. C'est réaliste, même si c'est triste. Ca impliquerait en tout cas dans le raisonnement, si je comprend bien, un minimum d'empire au départ afin de niveler tout ça (la réfėrence à Athènes ?)
Sinon, au niveau du mythe commun, même toute une tripotée de héros ne feront pas des dieux. C'est l'inverse : les dieux engendrent les héros, on n'y peut rien. Wagner héros de quel dieu grec ? Mozart au Valhalla ? Pourquoi pas Camus au Panthéon ? ;) Bon, je sais, y'a le grand truc judéo-chrétien, mais on sait tous les deux que la mystification ne tiendra pas bien longtemps encore... Alors : de profundis, quid ?
Enfin, pour la question de l'homogénéité de la mayonnaise, ça risque d'être coton d'aller parler de ça à pas mal de gens du sud notamment : jusqu'à quel degré remonter, sur quels critères, quelles fautes de goût colorimétriques éviter pour faire partie du cénacle ?
Reprendrions nous sur des criteres culturels, que cela resterait aussi flou : on est toujours le rom de quelqu'un.
Au final, je cause, je cause, mais je ne peux comprendre au premier degré ce souhait de déporter des enjeux nationaux déjà compliqués sur le niveau européen, précisément là où ils seront encore plus compliqués à traiter - récupérer une souveraineté démocratique nationale va être ardu vu le nombre de vendus et de traitres, alors tenter ça au coeur et aux bordures de l'empire, c'est opération suicide assurée pour des néfles. Pour moi, tel quel, sans vouloir être offensant si ce n'est pas le but, a partir de prémisses justes vos finalités apparaissent donc néanmoins comme du sabotage.
Je ne me souvenais pas avoir tutoyé. Je le fais rarement par écrit. Aucun "déclassement" donc, ou alors parfaitement involontaire.
Vous avez vis à vis des gens d'Europe du sud une image étrange. Ils ne sont pas moins européens que ceux du nord, et il ne faut pas croire à la légende de vestiges d'invasions médiévales restés sur place. Le critère, c'est l'ancienneté de présence.
Passer au niveau européen des enjeux qui sont de toute façon... continentaux (les mêmes problèmes amènent la même solution partout sur le continent), c'est normal. C'est surtout parce que c'est au seul niveau européen (question de masse critique) qu'on pourra les résoudre alors qu'on ne les résoudra pas au niveau "national". Rapport de force et tutti quanti... :)
C'est difficile certes. Mais le salut de la civilisation européenne sera difficile. Et certains y contribuent davantage que d'autres, de fait, à ce salut.
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