Marine Le Pen sur la trajectoire de François Hollande ?
31/05/2014
A l'issue des dernières européennes, la présidente du Front national se voit un destin présidentiel. Elle va disposer d'une tribune en Europe sans risquer de décevoir quiconque, puisqu'elle ne pourra pas infléchir le cours des décisions et ne sera donc pas touchée par le discrédit croissant qui va inévitablement affecter des institutions usées. Par ailleurs iI est raisonnable de penser que les quelques municipalités contrôlées par son parti s'en sortiront honorablement. Comme de plus en plus de Français souhaitent faire l'essai du Front national, si elle ne commet pas d'impair majeur, tout porte à croire que son audience va donc augmenter. Ce sera d'autant plus le cas si son parti continue d'être diabolisé par une partie de la classe politique, celle-là même dont les Français ne veulent plus.
Supposons donc que, les circonstances aidant, le parti socialiste disparaissant du jeu et l'UMP explosant en vol, Marine Le Pen arrive au pouvoir avec une assemblée hétéroclite, mais prête à tenter autre chose avec elle. Dans cette situation peu probable, mais loin d'être impossible, une chose est sûre. La présidente du Front national ne resterait pas longtemps en situation de gouverner.
En effet elle tiendrait alors son élection du même mécanisme que celui qui a mis au pouvoir François Hollande et le PS, à savoir un mensonge électoral absolu. C'est ce mensonge qui va rendre intenable la fin du mandat du président actuel. Et c'est ce mensonge qui ferait tomber la présidente bien plus vite encore.
Le programme électoral mensonger de Marine Le Pen peut se résumer en deux points :
- La France souveraine, c'est maintenant.
- La France aux Français, c'est maintenant.
Elle répète à longueur d'interviews le premier de ces slogans : tout est la faute de l'Euro, de l'Europe; il faut en sortir au plus vite. Il n'est pas difficile de montrer en quoi sa proposition est absurde. Nous y reviendrons, mais ce qui nous importe pour le moment est de comprendre pourquoi elle peut la présenter sans grande contradiction.
Le second slogan a petit à petit disparu du discours officiel de Marine Le Pen. Elle a cependant la chance de voir ses adversaires le répéter pour elle. Et sa base y croit. Lorsque des sympathisants s'expriment, ce n'est pas pour appeler à sortir de l'Euro, mais pour scander : "On est chez nous!". Cette autre proposition est également inapplicable. Nous y reviendrons aussi, mais nous allons d'abord voir pourquoi elle n'est pas contredite.
Voyons maintenant du côté du candidat François Hollande. Son programme électoral pouvait se résumer en deux points :
- L'argent pour tous c'est maintenant.
- La fin des repères c'est maintenant.
A propos du premier slogan, souvenons-nous. Le candidat François Hollande ne faisait-il pas de la finance son ennemi? Ne prétendait-il pas que la crise était terminée ? Qu'il allait dicter sa loi à l'Europe ? C'était tout aussi absurde. D'ailleurs les deux personnages politiques avaient fondamentalement la même ligne, celle de la facilité : il n'y a qu'à sortir de l'Euro pour l'une, il n'y a qu'à sortir Sarkozy et attendre le retournement pour l'autre.
A propos du second slogan et notamment à propos de citoyenneté ou de famille, à l'inverse de Marine Le Pen, François Hollande a été assez précis. Il a parlé du vote des étrangers et du mariage pour tous. Etait-ce raisonnable? En tout cas ses propositions n'ont pas fait de vague particulière.
Voyons maintenant pourquoi ces programmes absurdes n'ont pas suscité, en leur temps, de réaction vigoureuse et appropriée.
De façon générale, les questions économiques sont trop techniques, trop complexes pour passionner les Français, pour tenir le devant de la scène lors de joutes électorales. Mais pour le reste?
Dans le cas de Marine Le Pen, les contradicteurs sont comme tétanisés. Ils ne savent que balancer des arguments éculés, du genre : l'Europe c'est la paix, sans l'Europe c'est la guerre. La classe médiatique a peur de débattre, face à quelqu'un d'infréquentable, avec qui on n'est pas censé le faire. Personne n'ose se placer dans son schéma pour en faire apparaître les contradictions. Par exemple, comment pourrait-on montrer qu'elle n'arriverait pas à tarir l'immigration si l'on ne veut pas un instant imaginer qu'on puisse être tenté de le faire? Sur ce terrain, sur lequel elle évite de se placer d'elle-même, elle risque encore moins d'être contredite de façon appropriée que sur les autres.
Dans le cas de François Hollande aussi, les contradicteurs étaient tétanisés, mais pour des raisons inverses. La classe médiatique avait peur de débattre, face à quelqu'un du même monde. Sur les questions de société, elle pouvait encore moins le contredire que sur le reste, toujours pour une raison inverse de celle qui s'applique à Marine Le Pen : elle était entièrement d'accord avec lui.
Pour finir, les absurdités de son programme n'ont pas empêché le candidat François Hollande d'être élu. Celles du programme de Marine Le Pen ne seront donc pas un obstacle à son ascension.
Cela dit, qu'est-il arrivé ou que va-t-il arriver à nos compères, une fois pervenus au pouvoir?
On a vu ce qu'a fait le président François Hollande. Bien sûr, il a institué le mariage homosexuel, mais sans aller jusqu'à la PMA et en balbutiant sur la liberté des maires. Mais il ne pourra pas ouvrir le vote aux étrangers, faute de majorité au Congrès. Surtout il a fait ami ami avec le président du Medef. Il a courbé l'échine devant Angela Merkel. En même temps il restera prisonnier de ses promesses et de sa majorité. Il ne pourra ni appliquer son programme, ni en appliquer vraiment un autre, ayant perdu trop de temps pour prendre des mesures impopulaires.
Qu'en serait-il pour Marine Le Pen? Bien sûr elle pourrait prendre quelques mesurettes, dans le genre du mariage homosexuel pour François Hollande. Mais dès qu'elle voudra prendre ses distances avec l'Europe, elle s'apercevra qu'elle est coincée. En effet la situation économique de la France est tellement dégradée que le moindre petit geste de sa part, la moindre menace même, enfoncera si brutalement le pays qu'elle devra renoncer.
Eric Zemmour a fait une liste de quelques pistes qu'aurait pu prendre François Hollande pour améliorer la compétitivité des entreprises et le climat social à terme, s'il avait été libre d'agir. Reprenons les, en les corrigeant pour obtenir le même effet à moindre risque : parlons de libérer le code du travail quand il parle de baisser les salaires, de retirer les avantages accordés à des immigrants arrivant par centaines de milliers chaque année quand il parle de fermer les frontières, de procéder à une dévaluation fiscale en augmentant de 5 points la TVA haute quand il parle de quitter l'Euro. François Hollande n'a fait qu'effleurer le code du travail et la TVA, aggravant par ailleurs l'immigration. Tout ce qu'on vient de dire vaudrait aussi pour Marine Le Pen. Or elle s'est bien gardé d'annoncer quoi que ce soit de semblable, laissant juste le bénéfice du doute pour les clandestins.
Il y a donc un parallèle frappant entre l'ascension actuelle de la présidente de Front national et celle du candidat socialiste. Mais peut-on se faire élire aujourd'hui en disant la vérité, en annonçant des sacrifices, fussent-ils provisoires ? Par exemple, rien ne sert que l'on détaille les pistes inspirées par Eric Zemmour, précisant qu'on simplifiera le droit du travail sans toucher au SMIC et en protégeant mieux les travailleurs, qu'on ne fera que s'aligner pour les immigrants sur les pays européens les moins-disants, qu'en baissant les charges des entreprises on donnera un coup de pouce aux salaires pour compenser la TVA etc. On ne touche pas à des avantages acquis, réels ou supposés, sans provoquer le tollé.
Si l'on veut annoncer des temps difficiles, il faut au moins deux conditions. D'abord montrer un horizon radieux, une nouvelle frontière exaltante, comme la république européenne prônée par le PSUNE. Ensuite il faut parler des obstacles à l'efficacité des mesures annoncées et de la façon à terme de les résoudre : c'est la tabula rasa juridique qui va avec cette république. Cela permettrait au moins de critiquer son programme en montrant ses limites et sa sortie, coupant l'herbe sous les pieds des adversaires.
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)
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