Analyse des élections parlementaires serbes de mars 2014
17/03/2014
Les résultats quasi définitifs des élections serbes qui se déroulaient ce dimanche sont désormais connus et ils sont riches d’enseignements. Avec 48,34% des voix, Aleksandar Vušič a presque réussi son parti, atteindre les 50% des suffrages. Le parti de Tomislav Nikolic, le SNS, est donc le grand vainqueur de ce scrutin, rafflant 158 sièges, ce qui lui permet de bénéficier d’une majorité absolue au parlement. En 2012, il n’avait obtenu que 24,05% et double donc son score. La stratégie hybride, mi-nationaliste, mi-européiste, du président en exercice et de son premier ministre, a payé. Il a su vider de son électorat les deux frères ennemis, le Parti Démocrate de Boris Tadic et le Parti Radical Serbe de Seselj.
Divisé en deux camps rivaux, le camp démocratique a subi un échec retentissant. La liste du Nouveau Parti Démocrate de Tadic n’obtient que 5,71% des voix et 18 sièges. Son rival, le Parti Démocrate (officiel) n’obtient guère mieux avec 6,04% des voix et 19 sièges. Leur division a été mortifère puisque le DS originel avait obtenu 22,07% des voix en 2012. De nombreux électeurs pro-européens, qui votaient Tadic,ont préféré soutenir le gouvernement en place. On peut désormais considérer la carrière de l’ancien président Tadic comme derrière lui. Les « Démocrates » doivent se refonder pour demain pouvoir à nouveau peser.
Associé au nouveau pouvoir, le Parti Socialiste de Serbie a rompu depuis longtemps avec l’époque Milosevic. Ivica Dasic avec 13,51% des voix et 44 sièges, encaisse bien, même s’il perd presque 1% et gagne en revanche un siège. Même si son appui n’est pas nécessaire, il est probable que le SNS de Vusic maintiendra sa coalition avec lui.
Le camp nationaliste connaît en revanche une sévère déconvenue. La descente aux affaires du SRS de Seselj continue. Son discours europhobe ne passe plus et son image est désormais marginalisée. Avec 2% (contre 4,62% en 2012), c’est une fin de règne. Le mouvement Dveri n’en profite puisqu’il n’obtient que 3,57% des voix (contre 4,34% en 2012) et échoue à s’implanter durablement dans le paysage politique. Le Front Patriotique avec 0,13% des voix échoue à les concurrencer.
Les autres partis politiques sont perdants et tombent à des niveaux vraiment très modestes. L’Union des Régions de Serbie avec 3,04% des voix est marginalisée, de même que le Parti Libéral Démocrate avec 3,35% des voix (contre 6,53% en 2012), qui perd ses quatorze députés et devient insignifiant. En revanche, les partis régionalistes ou micro-identitaires se renforcent légèrement, avec 2,11% pour les Hongrois de Voïvodine, 0,95% pour le mouvement du Sandjak, obtenant en tout 11 sièges.
Nikolic, par son image d’ancien nationaliste, agissant avec beaucoup de circonspection concernant le Kosovo, sans heurter les plus patriotes mais sans mettre en danger le processus d’adhésion de la Serbie à l’Union Européenne, a su transformer son image. Il oriente la Serbie dans le sens de la construction européenne, même si on ne sait pas encore quelle sera sa réaction suite à la stratégie russe en Crimée. Son parti est en tout cas considérablement renforcé et ses adversaires très sérieusement affaiblis. La Serbie semble avoir désormais rompu avec sa tradition d’un mouvement nationaliste à près de 25% des voix. Si Nikolic a rompu avec le SRS, au point où ce dernier voit en lui un véritable traître, les électeurs lui ont donné raison et il s’est révélé une personnalité pugnace et habile. En revanche la ligne Seselj est en train de devenir groupusculaire. Il faut dire que ce parti est « piloté » depuis le tribunal pénal international de La Haye. L’époque des Seselj, des Tudor ou des Siderov en Europe de l’Est est terminée.
Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)
6 commentaires
Je crois avoir détecté une coquille.
"La descente aux affaires du SRS de Seselj continue" ... ou descente aux enfers ? Ça n'est pas la même chose.
Très peu de gens parlent de la Serbie. Merci d'en avoir fourni un reflet. Ceci dit, ceux que vous applaudissez semblent surtout des spécialistes du double langage. Question : est-ce une qualité ?
Je n'applaudis personne. Je souligne que d'un point de vue stratégique, la méthode Nikolic fonctionne.
Est-ce une influence des discours néo-droitiers, sur le caractère "machiavélien" de l'esprit européen ? Terrain glissant. Où on voit que bien des démarches "néo-païennes" savent s'embourber dans la vase judéochrétienne. (Paradoxes quand tu nous tiens)
Rien que le principe du général spartiate Lysandros, "savoir quand porter la peau du lion et quand porter la peau du renard". Principe appliqué en ce moment par Vladimir Poutine.
J'ai repris cette intéressante citation dans une page que je viens d'écrire sur la façon dont Képler a réussi à déjouer l'Ombre (qui, en son temps, avait des méthodes plus radicales qu'aujourd'hui) pour finalement oser publier les fameuses Lois de Képler.
"On n'attire pas les mouches avec du vinaigre".
Belle devise "démocratique".
Comme quoi les Serbes ressemblent de plus en plus à des mouches occidentales. Et c'est ce à quoi ces politiciens "à la démarche double et tortueuse", comme aurait dit Cicéron, sont attachés, en les éduquant à cette culture du mensonge et de la dissimulation.
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