300. Naissance d’une nation
15/03/2014
La suite attendue du film « 300 » de Zach Snyder, intitulée « l’Avènement d’un Empire » (Rise of an empire), est récemment sortie sur nos écrans. A la musique, Tyler Bates a cédé la place à Junkie XL, qui nous propose une bande originale brillante, finissant en apothéose en mêlant son dernier morceau à une mélodie de Black Sabbath.
Comme dans le premier film, c’est un récit qui nous est proposé, jusqu’à l’extrême fin. La reine spartiate Gorgo raconte ainsi la vie de Thémistocle, le héros athénien du film, jusqu’à ce que ses troupes interviennent d’une manière décisive à Salamine. Les nombreuses invraisemblances et les libertés prises avec l’histoire sont ainsi justifiées. Il faut les admettre pour profiter pleinement du message optimiste du film.
L’ouverture avec un Xerxès décapitant Léonidas mort correspond au récit traditionnel. Quant à la « naissance » du dieu-roi, concept contraire à la tradition zoroastrienne, grande oubliée du film, la jeunesse de Xerxès, assistant impuissant au parcours d’une flèche de Thémistocle perforant l’armure de Darius, son père, est narrée, ainsi que la manipulation dont il est la victime par Artémise, jouée par Eva Green, mégère inapprivoisée avide de sang vengeur.
A l’incendie de Sardes par les Athéniens, qui sera le véritable déclencheur de la guerre avec les Perses, le scénariste a préféré « accuser » Thémistocle, personnage tragique, à la fois responsable des malheurs de son peuple et vainqueur ultime de ses ennemis.
A la grandeur sobre et un peu égoïste de Léonidas dans le premier film, Thémistocle est un idéaliste, rêvant d’une Grèce rassemblée et même d’une nation grecque. Le voici émule avant l’heure d’Isocrate. Son discours sur la nécessaire unité de la Grèce au-delà des querelles de cités rappelle celui des véritables européistes, partisans d’une Europe-Nation. Gorgo est davantage souverainiste, estimant que Sparte a « assez donné », mais elle saura faire son devoir et venir en renfort. C’est ainsi que Spartiates et Athéniens unis écrasent la marine perse, tandis qu’Artémise meure dans les bras de son ennemi.
Et même le traître du premier film, le bossu Ephialtès, sert à sa manière la Grèce en invitant Xerxès à attaquer Thémistocle, alors qu’il sait que ce dernier a prévu un piège dans lequel les Perses vont s’engouffrer. Les Spartiates, à l’instar des Rohirrim menés par Gandalf dans « Les deux tours », arrivent à la rescousse, avec à leur tête une nouvelle Valkyrie, une Gorgo marchant l’épée dressée. Même si la Sparte historique traitait ses femmes avec une quasi égalité, on ne verrait pourtant jamais une femme au combat.
Si le message du premier film était celui opposant 300 Européens au monde entier, la dimension cosmopolite de l’armée perse a été adoucie. A l’exception d’un émissaire perse, vu dans le premier film, les généraux et soldats perses pourraient passer pour des Iraniens. En revanche, le message du second est offensif. Après la résistance, la reconquête. Certes, au bord de l’abîme, tout comme l’Europe ne s’unira qu’à proximité du tombeau, selon Nietzsche. La reconquête et l’unité. Tous les Grecs combattent désormais ensemble. Historiquement, c’est bien sûr faux. Thessaliens et Grecs d’Asie mineure étaient dans l’armée perse, et Thèbes jouait double jeu. La mort héroïque de Léonidas, habilement exploitée par Thémistocle, sert de mythe mobilisateur. La Grèce a eu ses martyrs. L'Europe n'a pas encore eu les siens.
Le message politique de Thémistocle, appliqué à la Grèce mais qui pourrait tout aussi bien l’être à l’Europe, est fort. La ruine d’Athènes, incendiée par Xerxès, est également un moment décisif du film. Bien que nous sachions que Salamine fut une victoire grecque, la dimension tragique de leur combat apparaît nettement. Monté sur un cheval de guerre qui saute de bâteau en bâteau comme s’il était Pégase, Thémistocle pourfend les ennemis de son épée, jusqu’à combattre et vaincre Artémise, tandis que Xerxès s’éloigne, sentant l’ombre de la défaite.
Le film est un hymne à l’unité de l’Europe, ce qui est bien surprenant pour une production américaine, au cœur même de l’assemblée d’Athènes. En pleine crise, la Grèce se retrouve à nouveau comme préfiguration de l’Europe de demain, qui reste à bâtir. Une Grèce qui lutte pour la démocratie autour d’Athènes, aidée d’une Sparte qui pourtant n’y croit guère. L’alliance d’Athènes et de Sparte, c’est l’alliance de l’Union Européenne et de la Russie face à un empire qui menace ses libertés, un empire qui a reçu l’aide de renégats (Artémise, Ephialtès) qui agissent contre leur propre peuple.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
5 commentaires
Intéressantes observations, sur les approximations historiques de ce film et sur les messages qu'il nous lance ...
On voudrait en savoir plus sur ce qui put convaincre Thèbes d'être accueillante plutôt que guerrière.
Il est profondément choquant qu'il faille attendre les américains pour voir apparaître de tels films. Ces types devraient raconter l'histoire des Kentucky Fried Chicken ou du massacre des indigènes car ils seraient plus crédibles. Mais l'Europe anti-européenne, celle des valets confus et débiles, en est arrivée là.
Dans des films européens, et je ne parle pas de géographie mais de spiritualité européenne, l'accent serait forcément mis sur le rôle des traîtres car c'est évidemment leur rôle intensément prééminent qui peut plonger l'Europe sous la botte de l'étranger (soit-il anglo-saxon, islamique, évangélique, turc ou quoi que ce soit).
La cité de Thèbes était accusée de "médiser". Pour la rendre neutre, les Spartiates engagèrent comme "otages" 800 jeunes thébains qui se bâtirent avec héroïsme aux Thermopyles. En fait, Thèbes avait un vieux compte à régler avec les Athéniens et n'était pas dérangé par le fait que la Perse fasse le travail. Quand ils daigneront enfin défendre la Grèce, ce sera face à Alexandre. Et ce sera trop tard.
En effet, Thèbes était en désaccord avec Athènes et Spartes, entre autres sur le principe d'autonomie des cités étant donné que Thèbes voulait dominer les autres cités "béotiennes". Question paradoxale car, par rapport à l'organisation moderne en Etats-Nations, Thèbes avait raison. Ceux qui voulaient une Grèce désunie étaient plutôt les athéniens et les spartiates.
Mais enfin ... à quoi bon. Toujours est-il que ce sujet mériterait à lui seul un film. On imagine évidemment que les américains ne se mettraient pas à abonder sur l'intérêt pour les européens d'être politiquement unis. Ils se situent sur de l'émotif (normal pour un peuple intégralement féminisé) et nous parlent de la capacité de personnes d'origines diverses, en l'occurrence les athéniens et les spartiates, à s'unir si (et seulement si) "un vent de liberté et de justice" se met à souffler. Ils ne donneraient pas non plus beaucoup de détails sur l'organisation de la société spartiate, me semble-t-il.
Le film ne met pas en avant la diversité mais bien l'unité profonde des Grecs au-delà des particularités. C'est une réussite. Et le "Hercule" qui sort le 19 mars, film qui a été littéralement démoli par la critique US, va nous faire aussi du bien !
Ces films sont dès le départ faits en vue de "faire du bien", y compris et surtout pour les mâles "caucasiens" qui ont besoin de transgressions "qui ne mangent pas de pain".
Ceci a l'avantage de nous fournir des visions à peu près incroyables. On est saisi d'un rire nerveux lorsqu'on les compare à la ridicule pauvreté intello-débile des films européens. Nous dira-t-on, le manque de moyens financiers se fait sentir.
Outre la mise en avant de l'héroïsme masculin (souvent de façon tout à fait invraisemblable), on peut trouver à l'occasion des "thématiques" intéressantes, comme dans le film Avatar que j'ai vu et revu vingt fois, ou dans le Seigneur des Anneaux, avec une symbolique sur les avancées démoniaques de l'industrialisation. Bien sûr à chaque fois qu'il y a quelque chose de niaiseux en arrière-fond mais enfin on s'aperçoit que ces "caucasiens" continuent d'avoir quelques neurones vivants dans leur boite crânienne, ce qui suscite l'admiration lorsqu'on sait dans quelle société ils vivent, encore plus lénifiée, aliénée, oestrogénisée, castrée, infantilisée et pasteurisée que celle européenne.
Mais répétons-le : avant tout, il s'agit d'un espace de transgression. Le mâle caucasien va voir de tels films dans la même démarche que d'aller se saoûler la gueule avec ses copains.
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