Snowpiercer ou l'europhobie en action
10/11/2013
Notre camarade européen Christophe nous a transmis une excellente analyse du film Snowpiercer (2013). Je vous la livre.
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J'ai été voir Snowpiercer (2013) au cinéma, le concept me paraissant intéressant, à savoir une planète congelée et invivable après une boulette militaro-scientifique visant à endiguer le réchauffement climatique. Ce qu’il reste de survivants sont dans une sorte de train-obus géant (la Machine), voué à rouler sans fin sur une ligne de chemin de fer planétaire, sans autre but que de survivre dans ce système écologique clos. Outre que la salle m’ait paru très peu remplie, que le film est un peu longuet (plus de 2h00), et qu’il semblerait que la garniture chocolat ne tienne pas bien sur la glace framboise, le fait est que la bonne impression du début laisse vite place à un arrière-goût amer... Car ce qui devait être une allégorie politique intéressante se révèle être en fait un mélange de critique sociale (stupidement) simpliste et de masochisme europhobe à outrance.
Analyse rapide.
Le wagon de queue, c’est Germinal de Zola: c’est sombre, sale, bordélique, la bouffe c'est de la protéine en barre gélatineuse, on s'habille de guenilles, et on se fait rosser sévère au moindre faux pas. Donc il y a révolte, normal... La Kapo de service, qui vient pour mater tout ça, est une sorte de psycho-rigide acariâtre sans pitié, d’une mocheté absolue, diablement intelligente et calculatrice, et au discours fascistoïde bien rôdé. Après s'être faite neutralisée, la révolte suit son court, et nous découvrons petit à petit les autres wagons. Là où c'est beau et lumineux, où les gens sont propres, bien habillés et repus, nous y trouvons pêle-mêle: les incontournables soldats fascisants au style GIPN avec hache ensanglantée ; l’institutrice des écoles (une jolie blonde enceinte, mais visiblement coconne) qui transforme les gosses en robots dociles voués au culte du Chef et de la Machine; des fashion victims complétement camées en night-club ; des bourgeois tranquilles préservés des horreurs du monde dans leur petite bulle aseptisée… Sans oublier bien sur le tueur-à-gages blond, charismatique, et insensible à la douleur, l’homme de main au crâne rasé et à la politesse suspecte, etc. Et il n'y a là quasiment que des européens…
Parmi les rares qui ne le sont pas, citons l’éternelle « mama » black, battante et pleine d’empathie (variante féminine de Will Smith), et le technicien asiatique surdoué, sans qui l'histoire ne peut pas avancer... Omniprésents, comme souvent… Bref, il semblerait que la diversité n'ait que du bon, et, excepté le leader de la révolte (un type bien, qui inspire la sympathie), avouons que, pour un Européen, tout cela n'est pas très engageant...
Quant au Boss, The Master of The Machine, quasi Dieu himself, c’est Ed Harris, dans son habituel rôle mi-ange mi-démon « à la Stalingrad ». « Ne l’écoutez surtout pas, coupez lui la langue », entend-on… Un ascète, un fasciste, un vrai de vrai, Lucifer en personne ! Et c’est ainsi qu’on apprend que le vieux du wagon de queue (allez, disons-le, le grand sage des gauches) et le vieux de la locomotive (disons-le aussi, le leader maximo des fascistoïdes droitards…) sont en fait complices pour susciter et canaliser les révoltes, afin de réduire la population et préserver la vie: Ordo ab Chaos... Le but étant de donner les commandes du train au jeune leader de la révolte, la seule ayant réussi jusqu’ici, et qui, par cette sorte de sélection naturelle, leur semble le seul capable de prendre les rênes…
Mais là, vous n’y êtes pas tout à fait quand même : car c’est sans compter l’œil vif de notre ami d’Asie qui, bien entendu, a remarqué depuis plusieurs années un recul progressif des neiges et donc un hypothétique réchauffement des températures. C’est ainsi qu’on pourrait enfin sortir du train et survivre à l’extérieur… Hourrah ! Que du bonheur ! La Liberté approche, tout s'accélère, la révolte part en live sévère, le Führer est tué, on fait péter la seule porte qui donne vers l'extérieur, le train déraille emporté par une coulée de neige, c’est la fin de l’horreur, les gentils vont être libérés, les méchants éliminés, et une nouvelle ère, probablement pleine d’amour et de steaks, va pouvoir commencer… Enfin pas pour tout le monde, car il s'avère que les deux seuls survivants sont une ado asiatique maline et un gamin black libéré de l’esclavage… Le seul blanc restant, si l’on peut dire, étant un ours polaire qui passait par là, les regardant d’un air pataud…
Qu'en conclure? Eh bien, que le spectateur sort de la salle avec l'impression désagréable que les Européens sont tous plus ou moins repoussants et méprisables (même le leader de la révolte a eu son heure cannibale avant de se racheter, ainsi qu’il le confie, larmoyant), que la méchanceté, la bêtise, et l'ingratitude les caractérisent, qu'il n'en restera plus un seul à la fin, et que, finalement, « moins il y en a, mieux ce sera pour tout le monde, et bon débarras ! » Car à la fin de l'histoire, tout recommence au paléolithique, l’humanité nouvelle est asiatique et africaine, et on se dit que désormais, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles... La messe est dite ! Amen ! Bref, dans le genre caricature, et surtout en ces temps d'auto-culpabilisation systématique et d’ouverture inconsidérée à l’Autre, Snowpiercer est un cas d’école, un film de propagande de merde, qui à mon sens a toute sa place dans les poubelles de l’histoire du cinéma !
Finalement, pour rétablir la balance, allez voir Gravity en 3D (2013), avec Ed Harris aussi d'ailleurs, George Clooney et la magnifique Sandra Bullock, et vous repartirez du bon pied. Il ne s’agit pas de nier les problèmes, comme les excès de la stratification sociale, ou le fait que l’espace soit aussi en train de devenir une poubelle, mais simplement de savoir faire la part des choses, loin des pleurnicheries misérabilistes à deux balles et de la haine de soi… Et en cela, Gravity est un film magnifique, qui ne vous fera pas regretter de lâcher 10€ pour "seulement" 1h30 de cinéma... Vous en sortirez grandis, fascinés par le spectacle du cosmos et les prouesses de la technologie, mais aussi questionnés sur les notions de solidarité et de sacrifice, interrogés sur le désespoir, la solitude, la volonté de vivre, sans oublier la part de tragique inhérente à toute aventure humaine.
Christophe (LBTF)
1 commentaire
Je souscris à votre analyse.Plus qu'une apparente bobine de science-fiction,ce film fonctionne comme une parabole,une métaphore...avec quelques longueurs.
En sortant je me suis dit que le réalisateur coréen a dû quémander à des sociétés de production occidentales pour boucler son budget.Inévitable en ce cas de voir un petit black (et une jeune asiatique:fleur au réalisateur)plutôt qu'un petit blond (le must pour jouer les méchants)en tant que seuls rescapés pour le coup.
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