Guillaume Faye, les Indo-Européens et le christianisme
10/11/2013
Toujours dans le cadre de l'entretien qu'il nous a accordés, Guillaume Faye revient avec nous sur les thèmes fondateurs que sont la question indo-européenne et le conflit entre paganisme et christianisme.
LBTF: L’Homo Indo-Europaeus : plutôt un vieux romain du temps de la République ou plutôt un guerrier germanique ?
Guillaume FAYE: Du côté de Varus et de Caton contre Arminius, donc ? Le vieux romain et le guerrier tribal germain appartenaient au même peuple, sans le savoir. Mêmes valeurs. Les Germains rêvaient, selon Tacite, des « maisons chauffées » des Romains. Le vieux Romain et le guerrier germanique (ou celtique) appartenaient au même ensemble ethnique (à la différence des peuples orientaux soumis par l’Empire). L’historien allemand Theodor Mommsen l’a parfaitement démontré. Lorsque le Gaulois cisalpin Brennus (Ar Vrenn de son vrai nom celtique, Le Brenn en français) fait le siège du Capitole, il parle le même langage d’honneur et de courage que ses ennemis romains assaillis. En revanche, les codes ne seront plus du tout les mêmes quand Rome affrontera les peuples orientaux.
Néanmoins, si la machine à remonter le temps existait, je m’engagerais dans la glorieuse Xème (le sanglier sur les enseignes, sous l’aigle) pour défendre le limes du Rhin. Mais, au delà de ces propos superficiels, ce qui est étonnant, c’est que sont les descendants des Germains tribaux décrits par Tacite, désordonnés, c’est-à-dire les Allemands, qui ont, aux XIXe et XXe siècle, repris les normes rigoureuses d’organisation militaire des Romains. Tandis que les Italiens, descendants des Romains, manifestaient des dispositions bien peu ”romaines”. À mon avis, moi qui raisonne de manière sociobiologique, c’est parce que les Italiens ont subi, dès le IVe siècle, un choc génétique, dû au brassage avec des populations exogènes non- indoeuropéennes. Ce qui a modifié la psychologie collective.
LBTF: Le christianisme a-t ‘il joué selon vous un rôle majeur dans l’effondrement de l’empire romain ?
Guillaume FAYE: D’après feu Lucien Jerphagnon, grand historien catholique mais touché par la saga de Julien dit l’Apostat dont il écrivit une biographie émouvante, le responsable de l’effondrement fut le Germain – Goth du Rhin et de l’Elbe ou Goth transdanubien. Constantin (306-337) ne fit qu’autoriser le christianisme. C’est Théodose Ier qui l’instaura comme religion officielle. Mais le déclin de l’Empire était antérieur, ce qui disculpe le christianisme naissant. La cause de la chute de l’Empire romain – qui, ne l’oublions pas, a été un véritable orage historique (1) – reste un mystère, sur lequel les historiens s’empoignent. À mon humble avis, la trop grande taille –indéfendable– de l’Empire (de la Grande Bretagne à l’Irak actuels), l’hétérogénéité ethnique, l’édit de nationalité universelle de Caracalla (212) sont à mettre au rang des suspects, de même qu’un système de gouvernement impérial totalement chaotique, sans droit constitutionnel – contrairement à l’ancienne République.
Mais le christianisme, avec sa mentalité dogmatique et antiscientifique, en rupture avec la pensée gréco-païenne libre, avec ses incessantes luttes entre orthodoxes et hérétiques, a certainement joué un rôle accélérateur. D’après André Lama , historien autodidacte et politiquement incorrect, le déclin de l’Empire romain provient du mélange des populations, qui a tué la source créatrice romaine de souche. Mais il est vrai que, d’après plusieurs auteurs des IVe, Ve et VIe siècles, qui ressentaient le déclin de l’Empire, le recul de la civilisation (transports, économie, culture, éducation...) et vivaient les incursions barbares, les populations restées païennes estimaient que la cause de la chute était la fin de la protection de Rome par ses dieux, abandonnés au profit du christianisme devenu religion d’État.
Osons une comparaison ”archéofuturiste” : l’introduction du christianisme dans le Bas-Empire a fait régresser les mentalités par rapport à la période païenne vers l’archaïsme d’une pensée magique. Tout comme l’évolution de l’islam aujourd’hui...
(1) D’un simple point de vue technique, il a fallu attendre 1.000 ans pour que les Florentins redécouvrent les techniques de sculpture sur marbre et de fonte du bronze des Romains. Louis XIV à Versailles vivait dans une situation de confort bien inférieure à celle de son homologue Trajan au Palatin, dix-sept siècles plus tôt. On allait plus rapidement de Trèves à Rome au IIe siècle qu’au XVIIIe siècle. Etc.
LBTF: En matière de religion, vous avez toujours mis en avant votre sensibilité païenne, en particulier hellénique. Croyez-vous à la « résurrection » des « anciens » dieux ou à la renaissance de leur culte, même sous une forme très modernisée ?
Guillaume FAYE: Le paganisme est un mot qui dissimule plusieurs réalités: le paganisme superstitieux (où l’on croit réellement à l’existence de forces et de divinités cachées) et le paganisme intellectuel des élites helléno-romaines , par exemple, qui étaient parfaitement agnostisques. La force du christianisme fut de camper une religion spiritualiste avec un abondement narratif nettement plus fort que celui des mythologies païennes, handicapées par le grand écart entre les dieux souverains, les divinités locales, familiales, et l’absence de sotériologie personnelle, à une époque de troubles et de dérélictions.
Mon rejet du christianisme (mais non pas du catholicisme traditionnel, qui est du paganisme dissimulé, comme l’orthodoxie) tient à sa substance universaliste, à son humanisme doctrinaire. J’admire le paganisme grec pour sa liberté de pensée et son agnosticisme. Les divinités n’étaient que des allégories, pas des idoles. Je suis voltairien, je défends les chrétiens d’Orient persécutés par l’islam, mais c’est une attitude politique et culturelle, non pas religieuse. En revanche, l’attitude ethnomasochiste de l’Église actuelle face à l’immigration de peuplement et à l’islamisation (confortée par le Pape François) me renforce dans ma vision païenne du monde, tendance aristotélicienne : non, nous ne nous ne sommes pas tous frères, oui, il faut vivre chacun dans sa Cité.
Concernant le retour des anciens dieux païens (au sens d’une croyance spiritualiste et d’un culte) ou même de la création de nouvelles divinités, thème d’ailleurs déjà abordé chez les poètes romantiques du XIXe siècle, je suis assez réticent. Ce serait du folklore et d’ailleurs ça existe déjà aux USA, c’est un business comme un autre. Pierre Vial, dans nombre de ses textes sur la question, a d’ailleurs très bien défini le néo-paganisme comme une conception du monde et non pas comme un néo-culte spiritualiste.
L’essence du paganisme grec, auquel je me réfère, c’est de placer la philosophie, c’est-à-dire la liberté examinatrice de l’entendement , le logos, au dessus des vérités révélées, l‘examen au dessus de la croyance, le souci de son propre peuple (symbolisé par un panthéon « national » et civique) avant celui des autres. Le paganisme, comme vision du monde, ne méprise pas la notion d’humanité, mais, avec réalisme, ne la considère pas comme une divinité. Le paganisme est un anti-fanatisme, y compris contre le fanatisme de la tolérance.
(Sur le paganisme, j’avais écrit un article, jadis, pour la revue de Christopher Gérard, Antaïos, qui avait été fondée par Ernst Junger. Sur les rapports paganisme/christianisme/ judaïsme, voir mon essai La Nouvelle question juive, ED. du Lore., qui a déplu aux ignorants.)
LBTF: Quel est le dieu (ou la déesse) grec dont vous vous sentez le plus proche, et pourquoi ?
Guillaume FAYE: Cette question n’est pas ”païenne”. Un vrai païen se sent pas plus proche d’une divinité que d’une autre. Il les aime toutes, en fonction des aléas de la vie. Cela dit, je vais vous révéler une chose étonnante : j’ai fait une grande partie de mes études chez les Pères Jésuites. Ils ne m’ont jamais appris l’Histoire sainte, l’Ancien ni le Nouveau Testament mais en revanche, ils étaient imbattables sur la mythologie gréco-latine (ainsi d’ailleurs que germano-scandinave, et celtique ou slave, très proches). L’Illiade, on en apprenait par cœur les vers (en grec ancien) alors que les écrits de St Augustin ou de St Thomas nous étaient parfaitement inconnus. Cela en dit long sur la prégnance du paganisme, au sein même de l’Église.
Néanmoins, je vous répondrai que les deux divinités païennes helléniques les plus fascinantes sont le couple Apollon-Dionysos : la raison solaire et la turbulence créatrice. De même, le paganisme gréco-romain donne une image de la féminité complexe et complète à travers ses déesses. Historiquement, c’est la Renaissance italienne du quattrocento florentin qui a fait redécouvrir l’esprit païen et l’esthétique qu’il porte.
Quant aux manifestations de survie et de renaissance des paganismes germano-scandinaves, celtiques et slaves, il ne faut pas les ignorer. Ils font partie d’une mystérieuse quête des racines dont nous ne connaissons pas l’aboutissement. C’est cela aussi, l’archéofuturisme.
5 commentaires
Super ce blog, il ne doit pas en exister beaucoup de sites qui traitent en français de ces sujets.
J'aime bien voir le Logos, "liberté examinatrice de l'entendement" comme le Divin qui s'exprime de façon différente en chaque être, malgré qu'il pousse des humains à se regrouper, et qui est bien sûr "au-dessus des vérités révélés", puisque le Logos se manifeste au sein du devenir.
Je me demande si une élite intellectuelle paienne ne se doit pas d'être simplement agnostique, puisque l'honnêteté dans les choses de l'esprit exige à mon sens que chacun possède une vision personnelle et plus pointue au sein d'une vision plus large, regroupant ceux qui se reconnaissent des affinités.
Déjà, le fait de se consacrer à tels ou tels dieux et surtout à tels ou tels aspects d'une divinité démontre une volonté d'être fidèle à soi-même, ainsi qu'au panthéon de son peuple, en n'exerçant pas un culte simplement de façon formelle et que pour suivre bêtement le troupeau.
La "tolérance" du paien démontre sa grandeur d'âme et contraste avec l'étroitesse d'esprit régnant au sein des trois religions sémitiques. Mais, bien sûr, heureusement l'ouverture d'esprit d'un tel croyant naturel ne l'oblige pas à tout accepter comme un agneau!
Pour le retour d'un culte paien allant de paire avec une croyance, je crois qu'il ne faut point succomber à notre habitude chrétienne de voir du mal partout. C'est comme pour les cérémonies amérindiennes de par chez nous. On peut n'y voir qu'un truc "folklorique" (c'est dommage qu'on puisse employer ce terme dans un sens négatif), qu'une "espèce de patente à gosses" (Q.c.) pour faire du fric et qu'un appât pour des touristes en manque de photos. Cependant, malgré toutes les remarques déplaisantes et les critiques destructrices, quelque chose de beau s'en dégage et environnent en les unissant les participants de pareilles cérémonies. La perspective de voir des enfants s'émerveiller du monde qui les entoure, en prenant conscience de leurs si lointaines racines, pré-chrétiennes, dans un monde post-chrétiens, wow!
ARCHÉOFUTURISME!
Ce mot, qui en est l'inventeur? Quels en sont ses possibles définitions?
Mon p'tit recueil "Barbare et paien (dans un Québec à libérer)" se voulait justement un mélange surréaliste du passé et de l'avenir (potentiel). D'ailleurs, j'en ai écrit un brin sur le site ici présent.
Ce mot pourrait être le début d'un courant artistique et même littéraire!
J'entends déjà ses détracteurs, incapables d'être "fanaticus" (inspirés): "oui mais, déjà le "futurisme" on peut le rattacher au début du faschisme, et blablabla! Qu'importe! Il y avait avant tout dans ce courant un dynamisme amenant à contempler la beauté du dynamisme! Et l'archéofuturisme lui, c'est peut-être l'admiration d'une Roue plus grandiose que la roue d'un "char"(Q.c.) (= bagnole!).
On se demande comment Guillaume Gaye réconcilierait sa pensée sociobiologique et primordialiste avec le fait, avéré, que les Indo-Européens les plus civilisés étaient ceux-là seulement qui furent fécondés par les veilles civilisations méridionales méditerranéennes : étrusques, minoennes, égyptiennes, assyro-babyloniennes, etc. Lui qui tient les civilisations humaines pour des espèces naturelles séparables physiquement et matériellement entre elles serait bien en peine de nous expliquer la fécondité de toutes ces interactions. Comment diable le processus d'embryogenèse des Italiques, des Grecs et des Iraniens sédentaires put-il pu tolérer de telles immixtions exogènes et de tels "chocs génétiques" sans y laisser son âme ? C'est que les civilisations ne se point des arbres millénaires, n'en déplaise à G.Faye.
Le Chêne naît du gland. Mais chêne il devient et demeure seulement s'il rencontre des conditions de milieu favorables, lesquelles ne relèvent plus de l'embryologie ." ( Marc Bloch . Apologie pour l'histoire...)
Revoici à l'attaque Anton Cusa, qui nous déclare tranquillement que "les Indo-Européens les plus civilisés étaient ceux-là seulement qui furent fécondés par les veilles civilisations méridionales méditerranéennes". Dispose-t-il d'une machine à remonter le temps ? A part ça, belle analyse de Guillaume Faye. Oui, l'Empire à "foiré" (pour le dire en langage de tous les jours) ayant rompu avec l'esprit de la République et étant devenu un machin multiculturel informe, dont dérive l'Italie d'aujourd'hui. Oui, les Romains et les Grecs (et les Perses probablement) de l'Antiquité faisaient partie du même environnement mental que les Germains, qui ont eu la chance immense de ne pas être excessivement "fécondés" par d'autres populations. Oui aussi, le christianisme a été un processus : et d'ailleurs il continue de l'être. Non pas tellement une religion qu'un processus, de décadence, de déchéance, de profonde amitié envers les mentalités moyen-orientales. Chose qu'on retrouve dans l'amitié anglo-islamique (guerre du Kosovo, guerre de Crimée, et bien d'autres ... la Syrie etc) et dans la volonté remplaciste de tuer le peuple européen, pour sa capacité de libre-pensée, ce qui est dans le droit de fil des ressorts qui ont mené l'Europe à son désastre initial : sa conversion au christianisme. Ceci étant les romains ne sont pas exonérés. Leur passion pour la facilité et leur tendance à faire travailler des esclaves, importés en masse, renvoie elle aussi à ce qu'on observe aujourd'hui.
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