Brèves européennes… (19)
28/04/2013
ISLANDE
Des élections législatives se déroulaient ce samedi en Islande, dans un contexte de rigueur économique, conséquence naturelle de la crise budgétaire. Alors qu’aux élections précédentes, le Parti de l’Indépendance, parti principal du pays depuis 1946, avait été durement sanctionné par les électeurs, tombant à 23,7% des voix, c’était au tour de la coalition de gauche de subir la colère des citoyens.
Dans cette joute électorale, trois partis aspiraient à la première place dans les urnes, même si le Parti du Progrès devait selon les sondages d’imposer et au Parti de l’Indépendance et à l’Alliance sociale-démocrate.
Or, déjouant les sondages, c’est bien la droite conservatrice, menée par Bjarni Benediktsson, qui s’impose sur la ligne d’arrivée, avec 26,7%, soit trois points de mieux qu’en 2009, ce qui représente malgré tout un score très médiocre pour ce parti. Il domine le Parti du Progrès, présidé par Sigmundur Gunnlaugsson, qui n’obtient que 24,3% des voix, progressant néanmoins de 9,5% en quatre ans mais de manière insuffisante pour prendre la tête de l’assemblée. Enfin, l’Alliance sociale-démocrate de Arni Arnason, avec 12,9% des voix, s’effondre littéralement, perdant près de 17 points et dix sièges.
Le premier ministre sortant, qui ne se représentait pas, est ainsi sévèrement sanctionné. Comme il s’agissait en outre du principal parti favorable à l’adhésion à l’Union Européenne de son pays, ce résultat constitue un coup dur pour ses partisans. Son allié, le Mouvement vert de gauche, représenté par la jeune Katrin Jakobsdottir, avec 10,9% des voix, perd la moitié de son score de 2009 (21,7%) et quatre sièges. Les sondages annonçaient une chute pourtant bien plus forte encore.
Parmi les autres vainqueurs de cette élection, dépassant les 5% fatidiques qui impliquent d’obtenir des élus, il y a le « Futur Brillant » (Björt Framtid), un mouvement libéral et même libertaire, qui réussit avec 8,4% des voix à obtenir six sièges, ce qui pour un parti récent est un excellent résultat. De même, le Parti Pirate (Pirataflokurinn) de la députée sortante Birgitta Jonsdottir, obtient 5,1% des voix et trois sièges. Pour la première fois, en Europe, un mouvement « pirate » accède au parlement national.
Les autres partis, exclus du parlement, sont l’Aurore (Dogun), un mouvement écologiste, avec 3,1% des voix, score identique pour le Parti des Propriétaires (Flokkur Heimilanna), le Parti Démocrate Islandais n’obtenant que 2,5% des suffrages. Les écologistes de droite doivent se contenter de 1,7%, alors que la coalition de gauche « arc-en-ciel » (Regnboginn) n’obtient qu’1%.
Fort de ce succès très relatif, même si son avance n’est que de 2,4% des voix, Bjarni Benediktsson est pressenti comme le nouveau premier ministre islandais. Conservateur et libéral, il est hostile au processus d’adhésion de l’Islande à l’UE mais est en revanche proche des positions atlantistes.
ITALIE
Depuis plusieurs semaines, l’Italie était à la recherche d’un nouveau gouvernement pour rassurer les marchés et éviter de nouvelles élections dans quelques mois. Les cocus semblent désormais deux, à savoir la Ligue du Nord et le Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo, représentant réunis plus de 30% des voix.
Les électeurs qui en effet souhaitaient un véritable renouveau de la classe politique en sont en effet pour leurs frais. C’est même pire que ce qu’ils pouvaient redouter. Le premier drame c’est la réélection, sous la pression, de l’actuel président de la république, l’ancien communiste Giorgio Napolitano, âgé de près de 88 ans, et qui finirait donc son mandat à 95 ans. Alors que la démocrate Bersani, intransigeant vis-à-vis de Berlusconi, était contraint de se retirer après avoir échoué à faire élire Romano Prodi comme président, Napolitano a fini par proposer à un autre démocrate, Enrico Letta, la présidence du conseil.
Berlusconi, afin de se prémunir contre ses démêlés judiciaires, a adoubé le nouveau premier ministre à la condition qu’il accorde la vice-présidence du conseil, et le ministère de l’intérieur, à un proche en la personne d’Angelino Alfano.
Letta a choisi Enzo Milanesi, un proche de la commission de Bruxelles, comme ministre des affaires européennes. En tout, il a choisi cinq personnalités indépendantes, 11 membres du Parti Démocrate, dont la nouvelle ministre de l’intégration, Cecile Kyenge, première africaine à occuper un poste de ministre, et partisane acharnée du droit du sol et de l’ouverture à l’immigration. C’est en ce sens que la Ligue du Nord, qui a fait de la lutte contre l’immigration un thème majeur, est trahie par la droite libérale et conservatrice. 6 ministres, dont Alfano, sont issus du PDL de Berlusconi, en plus d’un démocrate chrétien (UDC), d’un partisan de Monti (Mario Mauro) et de la radicale Emma Bonino, plus connue à Strasbourg qu’à Rome. Aucun ne provient de la Ligue ou du M5S.
Ce gouvernement d’union nationale à dominante démocrate (12 ministres dont le premier ministre sur 24 ministres en tout) a été mis en place à l’initiative du président italien (à nouveau) en exercice Napolitano. Il va de soi que les premières mesures seront certainement en faveur des lobbies communautaires, comme il en est de même en France. Il faut que les Italiens s’attendent à l’introduction du droit du sol et peut-être au mariage homosexuel. Même si Gianfranco Fini a été écarté du parlement, les nouvelles idées qu’il défendait y sont majoritaires. En tout état de cause, Hollande semble disposer d’un nouvel allié pour faire « payer l’Allemagne ».
En maintenant sa ligne courageuse et intransigeante, Beppe Grillo a cru pouvoir fragiliser le Système en place mais celui-ci s’est au contraire renforcé autour du président sortant et réélu. Qu’un vieillard de 88 ans ait eu un rôle déterminant à jouer afin qu’il y ait un nouveau gouvernement en dit long sur l’état de décrépitude de la politique italienne, et d’une manière générale, de la politique européenne.
Berlusconi a quant à lui choisi la conciliation plutôt que l’affrontement, et ce pour ses intérêts personnels et non le salut de son pays. S’il a réussi à avoir la tête de Bersani, alors même que les sondages prédisaient au PDL une probable victoire en cas de nouvelles élections, ramenant l’industriel milliardaire à la tête de l’Etat, il a en revanche accepté Letta, comme il avait accepté Monti. Ses électeurs sont eux aussi poignardés dans le dos.
Face à une coalition « gauche »-droite, Beppe Grillo n’a qu’un seul choix, dénoncer la collusion entre les deux grands partis italiens, mais il peut aussi être sanctionné dans les urnes, car au final il aura réussi à faire gagner ceux là même dont il espérait la chute. Il se contentera d’avoir débarrassé (provisoirement) la classe politique italienne d’un Di Pietro ou d’un Fini, et d’avoir contribué à la chute inévitable de Monti. Il est toutefois difficile de savoir si les Italiens n’auront pas un gouvernement encore plus nocif que le précédent, car on sait ce que l’on quitte mais jamais ce qui nous attend.
Et lorsqu’on lit que 78% des Français souhaiteraient un gouvernement de coalition nationale, ce qui est incompatible avec le scrutin majoritaire, comme le souligne à juste titre Michel Sapin, on se dit qu’ils n’ont pas bien conscience de ce que cela signifie. Réunir les bras cassés de la fausse « gauche » et de la vraie « droite », le tout autour par exemple d’un Bayrou, qui n’est pas moins mou que le président français actuel, ce n’est vraiment pas la clé du salut.
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