Du principe de non-rétroactivité des lois et du "mariage pour tous"
21/04/2013
Le président français Hollande a initié depuis maintenant plusieurs mois un processus législatif en vue d’introduire un « mariage pour tous » qui n’est autre que l’ouverture du mariage aux homosexuels, seuls bénéficiaires de cette disposition. Alors que la loi a été votée par l’assemblée et le sénat, et qu’il ne reste que quelques points marginaux à voter, et ce même si un recours constitutionnel aura certainement lieu, 60 députés et sénateurs opposés à cette loi étant faciles à trouver, des manifestations importantes, parfois émaillées de divers incidents et de provocations, militantes ou policières, ont lieu. Elles sont sévèrement réprimées alors qu’en revanche la criminalité de banlieue explose, et que la police et la justice semblent démunies pour y faire face. Il est sans doute plus facile d’arrêter des jeunes européens dans les rues de Paris que de mettre en prison des délinquants multirécidivistes mineurs, comme ceux de Grigny.
Dans son argumentation de défense de cette loi, François Hollande a expliqué qu’ "il faut respecter le Parlement et la loi, et respecter le suffrage universel, qui a été informé de [ses] intentions lorsqu’[il s’est] présenté devant lui » mais qu’ « il peut décider autre chose dans quatre ans ». Ainsi le nouveau président laisse entendre qu’on pourrait revenir rétroactivement en 2017 sur cette loi, que ce qu’il fait, d’autres pourraient le défaire, et invite les autres partis à clarifier leur position, dire précisément ce qu’ils feraient une fois au pouvoir.
L’UMP et le FN ont ainsi annoncé qu’ils abrogeraient la loi sur le « mariage pour tous » s’ils arrivent au pouvoir, mais Marine Le Pen a cru bon d’ajouter en revanche que ceux qui auront été mariés, donc entre 2013 et la future abrogation de cette loi, le resteront. C’est ainsi que la droite espagnole, qui avait annoncé avant sa victoire électorale qu’elle reviendrait sur la loi sur le mariage de Zapatero, a fini par se dégonfler. L’intérêt en effet d’abroger une loi dont l’essentiel de ses conséquences a déjà eu lieu paraît en effet peu pertinent.
Le véritable courage politique serait sans doute de ne pas se limiter à abroger la loi pour l’avenir mais en annuler rétroactivement les effets. Parce que, si on considère qu’un « mariage homosexuel » n’aurait pas de sens, il n’en a pas plus au passé qu’au futur.
C’est là que se pose la question d’un principe de droit qu’on suppose intangible et qui est celui de la non-rétroactivé des lois. Or, le gouvernement peut décider d’augmenter les impôts qui s’exercent sur des revenus antérieurs. La rétroactivité des lois a également été appliquée par le Tribunal Militaire International de Nuremberg en 1946 contre les criminels nazis, en raison de l’horreur inspirée par les actes commis, condamnés à mort au nom d’une loi postérieure aux faits. Et dans la première démocratie historique, Athènes, Périclès fit annuler rétroactivement l’octroi de la citoyenneté athénienne aux étrangers naturalisés du temps de la dictature des Pisistratides.
Ainsi, en démocratie, ce qu’un pouvoir politique a pu faire, le peuple peut le défaire. Et si un gouvernement devenu illégitime, qui n’a plus le soutien que de 25% des citoyens, sous prétexte d’être majoritaire dans les assemblées, fait voter une loi scandaleuse aux yeux du plus grand nombre, alors cette loi doit pouvoir être annulée totalement, y compris de manière rétroactive.
Dans un contexte européen d’extrême hétérogénéité des statuts maritaux, la France n’étant ni le premier ni le dernier pays du continent à inventer un « mariage gay », ce que les Grecs et les Romains, pourtant très tolérants en matière de sexualité, n’auraient jamais imaginé et auraient refusé de toute leur âme, la question est de toute façon dépassée et concerne l’Europe tout entière.
Dans le cadre de l’Europe unie, il faudra harmoniser les règles en matière de mariage afin d’établir un état civil européen. Plutôt que d’abroger des lois nationales qui cesseront d’exister en même temps que les constitutions des anciens états européens, il suffira de définir le mariage en Europe selon le principe de l’union de deux personnes de sexe différent, comme cela sera encore le cas dans plus d’un pays européen, Russie en tête, et la question sera résolue, sans avoir recours à un principe rétroactif.
Thomas FERRIER (PSUNE)
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