L’Alsace dit non à la fusion
07/04/2013
65% environ de oui dans le Bas-Rhin, 55% environ de non dans le Haut-Rhin. Même si le oui l’avait emporté dans les deux départements, le quorum de 25% de oui n’aurait pas été atteint, la mobilisation n’ayant pas été à la hauteur. Mais ce résultat est un vote de défiance d’une partie des Alsaciens, et notamment des habitants de Colmar (70% de non), dans un contexte où la classe politique toute entière est mise en cause par les citoyens (crise interne de l’UMP + désaveu du gouvernement PS) et où les accusations de corruption n’ont jamais été aussi fortes.
Même si les partisans du non, les partis parisiens anti-régionalistes (FN et DLR en tête, Front de gauche), vont s’attribuer le mérite de cet échec, l’explication est beaucoup plus simple, à savoir la peur des habitants du Haut-Rhin d’être défavorisés par rapport à ce monstre qu’est Strasbourg, siège du parlement européen. Les départements, aussi artificiels aient-ils été dans leur conception, ont créé aussi des oppositions intérieures à chaque région. L’opposition légendaire en Lorraine entre Nancy et Metz, entre la capitale historique et la capitale administrative, serait une autre illustration de ce micro-chauvinisme qu’on retrouve aussi bien dans les stades de football. Les Alsaciens sont solidaires lorsque leur région est en compétition avec une autre région, mais se divisent en interne quand la question les concerne de près.
C’est d’ailleurs pourquoi les élections européennes ne permettent pas d’établir une majorité claire au parlement européen. En effet, pour cela, il aurait fallu des listes européennes se présentant dans le cadre d’une circonscription unique. Tant que les citoyens voteront pour la liste PS ou la liste UMP aux élections européennes, ils raisonneront de manière « nationale » et sur des enjeux qui n’ont rien à voir avec les questions concernant l’avenir du continent. Ils voteront notamment pour ou contre la majorité parlementaire et/ou présidentielle.
Dans le cas de ce référendum alsacien, les électeurs n’ont pas considéré qu’il y avait un enjeu suffisant pour perdre quelques minutes de son dimanche à aller voter, surtout avec ce beau ciel bleu. Le projet qui leur était proposé n’était pas assez ambitieux et a inquiété certains électeurs, notamment du Haut-Rhin, qui craignaient une marginalisation de leur département par rapport au voisin. Et puis, ce projet venait d’en haut, du président du conseil régional, des élites politiques de la région et du pays. Il n’était pas issu d’une manifestation populaire spontanée, d’une revendication ancienne et légitime.
Résultat : les partisans du oui n’ont pas su convaincre de l’intérêt simplement de cette fusion. L’enjeu a été détourné par les partis politiques vers des querelles de chapelle ou d’idéologie, et aussi vers un vote de défiance envers les institutions. Lorsque les citoyens n’ont plus confiance, ils expriment un non de principe, un non de protestation et aussi un non de désespoir.
De la même façon, si un référendum national était lancé par la majorité « socialiste » en vue de supprimer les départements, le non s’imposerait assez naturellement, les français en profitant pour signifier leur opposition de plus en plus croissante à ce gouvernement, alors que dans un autre contexte ils y seraient massivement favorables. Ce n’est que par une pratique régulière de la logique référendaire, en posant la question sur des enjeux de fond, que l’on pourra obtenir des citoyens une attitude mature. Les Suisses nous montrent l’exemple, une fois de plus.
Néanmoins, cette élection a au moins eu un mérite, c’est de faire sortir les europhobes du bois et de les faire se révéler tels qu’ils sont, petits et méprisables. Le Front National a certainement perdu beaucoup de crédit dans une région qui lui est plutôt favorable sur un plan électoral, même si ce résultat va en apparence dans son sens.
Thomas FERRIER (PSUNE)
3 commentaires
Du coté du FN, la réaction jacobine fanatique n'a pas traîné. Un communiqué de presse incantatoire, et délirant de Marine Le Pen accusant le projet d'avoir été "concocté dans les couloirs de Bruxelles", et vantant encore "l'unité et l'indivisibilité de la république" a été pondu ce soir...
On sent la signature de l'énarco-chevénemento-souverainiste Phillippot.
Ces souverainistes qui passent leur temps à fétichiser un Etat à la fois parasite et de papier, en diffusant mensonges sur l'UE, mépris et haines des identités régionales, et incantations sont à combattre et à dénoncer sans ménagement.
Sans État, que serait la Belgique ? Une mosaïque de groupes ethniques ?
Votre idéologie vous aveugle.
Les Etats-Nations sont l'ultime rempart contre la prise de pouvoir définitive par le "marché".
Nos populations (intuitivement) le comprennent. Comprennent qu'aussi imparfaits qu'ils soient les États Nations sont le seul cadre où ils peuvent encore espérer exercer un peu leur liberté de choix.
Vous devriez vous réjouir du résultat, en bon démocrate.
Qui parle de n'avoir aucun état ? Je parle d'avoir un Etat, l'Europe. Or, pour des raisons de masse critique, croire qu'un Etat national, dans le sens classique du terme, pourrait résister au marché international, c'est une vue de l'esprit voire une naïveté.
Un nain n'a aucun pouvoir face à un géant. Il ne peut l'égaler qu'en fusionnant avec les nains voisins pour avoir ensuite l'envergure nécessaire. Sinon, il est simplement écrasé.
La souveraineté n'existe que par la puissance, sinon elle est un fantôme, un mirage et au final un mensonge.
Le rempart contre le mondialisme, c'est une Europe unifiée (incluant nos frères serbes, russes et ukrainiens, entre autres), avec un véritable pouvoir politique à sa tête, et rien d'autre.
L'incapacité à s'unir, c'est le démosthénisme à Athènes, cet aveuglement consistant à s'imaginer qu'on est le plus fort sans les autres. Pour avoir cru à cette illusion, les Grecs ont connu deux millénaires de domination étrangère (Macédoniens, Romains puis Turcs).
Nous n'avons pas le choix et pour reprendre les mots du syndicaliste Gaston Riou en 1926, "s'unir ou mourir".
Je suis désolé de le dire mais si les technocrates bruxellois mentent aux Européens, et ils leur mentent, les souverainistes anti-UE sont au moins leurs égaux en mensonge. Le discours anti-€ est irrationnel, la dénonciation fanatique de l'UE, qui est très critiquable mais pas plus que les Etats nationaux et leurs gouvernements, c'est accuser un bouc émissaire facile au lieu de s'en prendre aux véritables responsables.
Oui, il faut mettre en cause Barroso et la commission, MAIS il faut aussi mettre en cause Hollande (et avant lui Sarkozy), Merkel, Cameron, Rajoy, Monti... etc, tous responsables et tous coupables.
Bien sûr qu'il faut dissoudre la commission, bien sûr qu'il faut supprimer les deux conseils "européens", mais il faut aussi supprimer les Etats et leurs gouvernements illégitimes.
Le problème n'est pas "Etats vs UE", mais "Etats + UE vs les européens".
Nous, nous proposons de reprendre en main l'Union Européenne, de se servir d'elle comme base pour bâtir une véritable Europe politique, de l'Islande à la Russie ! Cela veut dire un Etat européen, une police européenne, une armée européenne, une justice européenne, une nationalité européenne. Ca signifie aussi "à bas l'OTAN" et "US go home".
L'Europe ne sera libre qu'unie. Elle ne sera libre que puissante. Les Etats actuels ne sont pas nos protecteurs mais nos geoliers.
PS: l'Etat belge est une construction artificielle des Anglais en 1830. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de sentiment belge, basé sur la référence à la Belgique antique (Albiorix... etc), mais force est de constater que cet Etat a échoué, et on le constate avec les revendications flamandes.
Comprenez donc qu'il ne s'agit pas de s'extasier béatement devant la construction européenne ACTUELLE, mais ne pas être dupe d'une propagande mensongère, celle des souverainistes, que je suspecte de rouler objectivement pour Washington.
Et puis, désolé de le dire aussi franchement, mais les souverainistes français sont franchement... médiocres et sans véritable culture historique.
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