Marine Le Pen vs Jean-Luc Mélenchon (acte II scène 1)
09/04/2012
L’échec stratégique de Marine Le Pen.
Entre début janvier et début avril, en trois mois, en moyenne Marine Le Pen a perdu entre cinq et six points d’intentions de vote dans les sondages. Désormais, elle paraît nettement distancée par les deux principaux prétendants au trône, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Si François Bayrou semble marginalisé par le binôme UMP/PS, Marine Le Pen semblait résister davantage. Mais c’était avant qu’un candidat qui capitalisait entre 8 et 9% d’intentions de vote ne connaisse une progression significative, et c’était aussi avant que le président en exercice ne place la barre bien à droite. Marine Le Pen a ainsi été attaquée à la fois par Nicolas Sarkozy sur les problématiques d’immigration, d’islamisation et d’insécurité, et à la fois par Jean-Luc Mélenchon sur celles du social, de la défense de la fonction publique, et globalement sur le volet anticapitaliste de l’opposition au mondialisme. Dans le même temps, sur des thèmes économiques difficiles et peu porteurs, comme la crise des dettes souveraines et la problématique de l’€, elle n’a pas été à la hauteur des enjeux. Son europhobie obsessionnelle, responsable également de dérives idéologiques insupportables aux yeux de nombre de ses électeurs, est la principale source de ce désaveu.
Pas assez socialiste face à Mélenchon, alors qu’elle aurait eu beau jeu de dénoncer le nanti derrière le pseudo-socialiste, mais elle a préféré refuser de débattre face à ce petit candidat, qui désormais la dépasse dans la plupart des sondages, elle a abandonné le thème traditionnel de l’opposition à l’immigration, implicitement extra-européenne chez son père, pour un thème économique sur lequel elle n’est pas experte, loin s’en faut. Elle répète ainsi les erreurs de son père en 2007, erreurs qui on le sait aujourd’hui étaient essentiellement dues au fait qu’elle était sa directrice de campagne, à savoir un recentrage politique sur les thèmes où ses adversaires politiques dominent, et surtout, quitte à citer des intellectuels d’extrême-gauche, elle aurait dû songer au mot de Trotski, « celui qui s’incline devant des règles établies par d’autres ne vaincra jamais ».
Dans l’affaire Merah, elle a dénoncé le caractère islamique des crimes commis, mais sans jamais remettre en cause la francité du criminel. Elle qui prétend vouloir refonder le code de la nationalité sur le droit du sang aurait pu contester cet état de fait, en affirmant par exemple qu’il n’était pas français per iurem sanguinis. Ce que son électorat reprochait à son père, ce sont les provocations liées à la seconde guerre mondiale et les clins d’œil appuyés à différents dictateurs ou extrémistes. En expliquant aux « jeunes de banlieue » qu’eux-aussi profiteraient de la « priorité nationale », ce qui ne lui apportera aucun électeur issu de ces milieux, car ils savent qu’ils bénéficieraient avec Hollande comme président de bien davantage, cela lui aliène un électorat populaire « petit blanc », qui justement ne veut pas partager les avantages d’une telle « priorité » avec les populations issues de l’immigration extra-européenne. Marine Le Pen oublie qu’on ne gagne pas une élection en ayant raison d’un point de vue juridique ou administratif, mais en tenant au peuple le discours qu’il a envie d’entendre et surtout des propositions qu’il a envie de voir mettre en œuvre.
Si le vote FN ne permet même pas à l’électorat populaire de protester contre cette immigration là, alors il ne sert plus à rien du tout, c’est simplement le discours de l’UMP en légèrement plus dur. Par ailleurs, Marine Le Pen a voulu à tout prix apporter à son nouveau FN une culture de gouvernement. Mais quand on veut jouer dans la cour des grands, il faut avoir les armes adéquates, or le FN est une coquille vide, avec des bons techniciens de la politique mais aucun cadre d’envergure. Un gouvernement FN ? Mais avec qui ? En l’état, le FN ne peut être qu’un parti protestataire, et s’il cesse de l’être, il n’est plus attractif car confronté à des machines politiques de guerre beaucoup plus puissantes. Marine Le Pen est venue sur le terrain de ses adversaires et il est donc logique qu’elle s’y casse les dents.
Une bonne stratégie aurait en revanche été d’être à la fois plus socialiste que Mélenchon, en condamnant libéralisme économique et libertarisme moral, alors que ce dernier n’est anti-libéral que sur un seul des ces plans, et plus identitaire que Nicolas Sarkozy. C’est là où l’europhobie de Marine lui a été funeste. En refusant de reconnaître la parenté entre européens, elle est forcée de jouer sur la carte pseudo-républicaine en s’adressant aux plus europhobes des europhobes, l’électorat domien et celui de souche non-européenne. Elle commet en la matière la même bévue que Dupont-Aignan, qui se retrouve ainsi à applaudir une officine appelée « Fils de France » destinée à promouvoir les « musulmans patriotes » mais qui n’est qu’un faux-nez du groupuscule de Soral.
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