La Hellfest sous le feu de la critique chrétienne
09/04/2012
Comme chaque année, ce festival français de musique metal est attaqué par des organisations manifestement chrétiennes, comme le collectif « Provocs Hellfest, ça suffit ». Par le passé, j’avais déjà réagi à ce sujet, expliquant qu’il ne fallait pas confondre par exemple Pagan metal et « Satanic » metal. Il y a plusieurs années, j’avais en outre écrit « sur la toile » un article de fond dénonçant explicitement le satanisme.
Toutefois, je ne suis pas dupe des manœuvres qui se cachent derrière des appels à censure qui cachent leur nom. Je n’ai aucune envie de défendre des groupes musicaux provocateurs, même si je leur reconnais le droit à l’expression, dans la mesure où aucun préjudice n’est à déplorer. Or, à ma connaissance, aucun chrétien n’est obligé d’assister à ce festival, n’est obligé de se procurer les CD des groupes qui vont y jouer. On pourrait certes me rétorquer que ce festival reçoit des financements publics et que les chrétiens n’ont pas envie de le payer dans leurs impôts, ce qui est compréhensible. Mais les païens payent bien, comme tous les citoyens responsables, leurs impôts, qui servent aussi à financer la réfection des églises.
Au moment où j’écris ces lignes, je suis d’ailleurs en train d’écouter l’excellent album Helvetios du groupe suisse de pagan metal Eluveitie, album portant sur le récit de la Guerre des Gaules et écrit en collaboration avec des historiens. Il symbolise bien toutes les qualités artistiques et intellectuelles de ce courant musical original. Il n’y a pas un mot sur le christianisme, ni en positif ni en négatif, dans cet opus. C’est pourquoi je ne peux que déplorer et dénoncer les amalgames.
Si je boycotte personnellement les groupes d’inspiration satane, qui musicalement me paraissent en outre assez pauvres, je sais aussi que les amalgames ont lieu dans tous les sens. Ainsi, sur le site du collectif chrétien, le 24 mars 2012, je découvre un article attaquant le paganisme et le reliant explicitement à la Nouvelle Droite et au GRECE d’Alain de Benoist (écrit chez eux Benoît). On comprend bien la manœuvre, qui relève d’une double reductio ad hitlerum. On fascise le GRECE, qui sert ensuite à fasciser le paganisme. Or les groupes païens n’attaquent jamais le christianisme, ou alors se limitent à dénoncer les effets objectivement désastreux de la christianisation du continent. Le récapitulatif des destructions dues au christianisme sous l’empire romain est fourni par l’historien grec Vlassis Rassias dans son ouvrage de 2000 intitulé « Ες Έδαφος Φέρειν… » (mot à mot « détruisez les… »).
L’auteur chrétien de cet article relie donc le paganisme à la Nouvelle Droite, et s’il est vrai que ce courant de pensée a jadis fait promotion d’un paganisme intellectualisé, il n’est absolument pas lié au courant de paganisme reconstructionniste qui émerge depuis plusieurs décennies, reconnu comme religion dans plusieurs pays européens, à commencer par l’Islande en 1973, date de la reconnaissance par les autorités du paganisme germano-scandinave reconstitué, Asatru (« foi envers les dieux Ases »). Je rappelle qu’il y a quelques années Benoist lui-même avait déclaré qu’il était ridicule « de croire en Jupiter ». L’auteur évoque ensuite la revue du GRECE, Eléments, pour n’en retenir que la promotion supposée du dieu Cronos – ce qui ne repose objectivement sur rien – et des allusions à Drieu La Rochelle et à Gripari.
Tant que ces pétitionnaires dénonçaient une atteinte à leur foi, ils étaient cohérents. Désormais, ils chassent aussi l’islamophobie, ce qui est nouveau. Et surtout, ils dévoilent désormais leurs objectifs, en s’en prenant aux païens. Pour dénoncer les excès de la Hellfest, il ne faut pas être juge et partie. Et sous couvert de les critiquer à juste titre, ils en profitent pour régler leurs comptes avec les païens. Cela invalide il me semble l’ensemble de leur démarche.
Thomas Ferrier (PSUNE)
2 commentaires
Merci pour cet article.
Ne trouvez-vous pas que les "métalleux" sont, de loin, les plus à même de comprendre le sens de l'Europe en tant que nation ?
Peu de gens connaissent ce milieu que je trouve pour ma part des plus humains à l'heure actuelle. Il se dégage toujours des festivals un genre d’égrégore, une atmosphère fraternelle, une ambiance païenne et très...européenne ! (?)
@ Wiwon
Les idées européistes dans notre style y ont en effet un accueil plutôt favorable.
Maintenant, au sens de la mouvance metal, ce sont les genres heavy, symphonic, folk et pagan (évidemment) qui vont dans ce sens de manière explicite. Ni le neo-metal ni le black metal, sauf exception, ne sont europhiles, le premier étant plutôt gauchiste et le second nationaliste (et satanisant).
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