De la liberté d’expression face aux religions: Castelluci et Charlie Hebdo
14/11/2011
La pièce Sur le concept du visage du fils de Dieu de l’italien Romeo Castelluci déchaîne depuis plusieurs semaines les passions, à Paris et désormais en province. Le reproche principal qui lui est fait par la branche la plus traditionnaliste du catholicisme français est que de l’encre, supposée représenter des matières fécales, serait jetée sur la représentation du visage de Jésus-Christ. Je n’ai pas assisté à cette pièce et n’y assisterai pas, car je n’ai que du mépris pour ce que l’on nous présente comme de l’ « art moderne » et je n’y aurais même pas prêté attention, tant le thème est faussement contestataire et inintéressant, si la presse n’avait pas évoqué l’action de militants nationaux-catholiques destinés à l’interdire.
La liberté d’expression est une valeur fondamentale de la civilisation européenne, et la préserver devrait transcender les divergences idéologiques entre gens partageant la même ascendance et la même culture. Je ne vois pas en quoi l’œuvre de Castelluci devrait être qualifiée de « blasphématoire », pour reprendre l’expression employée par un monarchiste catholique. En Europe, il n’y a pas lieu que l’expression « blasphème » soit employée. Si une pièce de théâtre représentait des enfants en train d’envoyer de la boue sur une représentation de Jupiter, le païen que je suis n’y mettrait évidemment pas les pieds mais soutiendrait quand même leur liberté de s’exprimer ainsi. Car, et je songe ici à la réaction intelligente d’un musulman interrogé sur France 2 à propos de la une de Charlie Hebdo, qui affirmait que « Dieu est assez puissant pour se faire respecter », ce n’est pas aux hommes de déterminer ce que devrai(en)t penser leur ou leurs dieu(x).
Les manifestations où l’on voit de jeunes européens en train de psalmodier des prières à genoux m’ont choqué. Même si je leur reconnais tout autant la liberté de penser ainsi et de manifester leur ire, mais en respectant la liberté d’autrui, celle des artistes et des spectateurs, ce qu’ils n’ont pas fait, je trouve leur attitude incompatible avec les valeurs ancestrales des Européens. Le principe même de prier à genoux, ce qui s’appelle la proskynèse, symbole oriental d’asservissement, et condamné comme tel par les soldats d’Alexandre lorsque celui-ci voulut leur imposer sans succès, n’a rien à voir avec l’européanité. Il n’est alors pas étonnant que ces jeunes catholiques aient été rejoints par des musulmans radicaux.
Car ce n’est pas parce que le christianisme n’a plus les moyens dont il disposait au XVIIIème siècle pour faire taire les dissidents, qu’il a perdu toute volonté de continuer à restreindre dans la mesure de ses moyens la liberté de critiquer qu’ont les citoyens. Si l’Eglise le pouvait, elle ferait interdire Voltaire et Nietzsche, et un courant spécifique de droite, une « nouvelle », serait emprisonné. Le film Agora a ainsi été interdit de diffusion au moment de sa sortie en Italie sous pression papale, sous prétexte qu’il montrait les chrétiens de l’antiquité tels qu’ils étaient, car les persécutions dont les païens ont été les victimes, et les nombreuses destructions d’œuvres antiques, sont… des faits historiques. Je pense aussi à cette campagne de certains milieux catholiques contre la Hell Fest, où chaque année se réunissent plusieurs milliers de jeunes afin d’écouter les meilleurs groupes metal, et aussi malheureusement des groupes contestables ou bêtement provocateurs.
De la même façon, je n’aime pas l’idéologie développée par Charlie Hebdo et en conséquence je n’ai jamais acheté ce journal. La destruction de leurs locaux par ce qui est probablement une attaque issue de milieux musulmans radicaux demeure pourtant totalement inacceptable et démontre que les autorités ont été bien trop laxistes, et on se souvient que Charlie s’en prend régulièrement aux forces de l’ordre ou conteste toute mesure de reconduite à la frontière de clandestins entrés illégalement dans notre pays. Les journalistes de Charlie voient désormais ce que cela engendre, même s’ils ne veulent pas le reconnaître. Certains veulent empêcher qu’on puisse critiquer la figure fondatrice de l’islam, comme d’autres veulent conserver immaculé le visage de leur messie.
Face à cette même intolérance, qui consiste à refuser à autrui d’avoir un avis libre sur tous les sujets, nous devons défendre la liberté de ceux qui ne veulent pas qu’on leur impose quoi penser. Même si Castelluci et Charlie Hebdo me sont au mieux indifférents, pour ne pas dire qu’ils m’insupportent, c’est face à l’intolérance des deux monothéismes, à la fois prosélytes et sectaires, qu’il faut prendre leur défense. Et d’opposer le visage marmoréen de Minerve, déesse de la sagesse, à ceux qui veulent asservir notre raison.
Ils se plaignent de ne pas être respectés quant à leur religion, alors qu’ils ont le droit de la pratiquer, et des lieux de cultes pour cela, ce dont nous, européens de foi indigène, ne disposons pas. En quoi sont-ils concernés par une pièce de théâtre qu’ils n’iront jamais voir ou par la une d’un journal qu’ils n’achèteront pas ?
Ayant écouté sur le site Enquête & Débat de Jean Robin des extraits d’une émission de radio animée par un certain Lesquen à propos de la pièce de Castelluci, j’ai été très surpris et choqué par le ton du chroniqueur. Il s’en prenait à une femme catholique, membre de l’association Riposte Laïque, qui avait osé trouver des qualités à cette œuvre théâtrale, en usant de mots d’une dureté extrême. Lesquen est le principal animateur d’un club néo-droitier qui, à la différence du GRECE d’Alain de Benoist, ce dernier étant promoteur d’une forme de renouveau païen, du moins dans les années soixante-dix, semble avoir adopté visiblement une ligne beaucoup plus réactionnaire.
En conclusion, entre la dérive libertaire, faisant dans la provocation stérile et médiocre, et la réaction cléricale, on doit choisir la liberté face au dogme, la fidélité aux valeurs européennes avant les choix spirituels individuels ou collectifs. Dans une Europe régénérée, ressourcée dans son identité profonde, qui est essentiellement demeurée préchrétienne d’ailleurs, la pièce de Castelluci ne trouverait pas son public. De toute façon, la plus grande provocation à l’encontre du christianisme a déjà été réalisée par un citoyen romain anonyme au cours du IIIème siècle, représentant sur un célèbre graffiti un homme à tête d’âne crucifié. En outre, ces attaques de milieux traditionnalistes contre la pièce l’ont fait connaître et lui ont fait une bien inutile publicité. Mais cela leur a permis de se faire connaître politiquement, ce qui était en vérité leur objectif. Ne soyons pas dupes des intérêts cachés des uns et des autres. Et limitons nous à soutenir la liberté d’expression pour tous et pour toutes !
La liberté d’expression est une valeur fondamentale de la civilisation européenne, et la préserver devrait transcender les divergences idéologiques entre gens partageant la même ascendance et la même culture. Je ne vois pas en quoi l’œuvre de Castelluci devrait être qualifiée de « blasphématoire », pour reprendre l’expression employée par un monarchiste catholique. En Europe, il n’y a pas lieu que l’expression « blasphème » soit employée. Si une pièce de théâtre représentait des enfants en train d’envoyer de la boue sur une représentation de Jupiter, le païen que je suis n’y mettrait évidemment pas les pieds mais soutiendrait quand même leur liberté de s’exprimer ainsi. Car, et je songe ici à la réaction intelligente d’un musulman interrogé sur France 2 à propos de la une de Charlie Hebdo, qui affirmait que « Dieu est assez puissant pour se faire respecter », ce n’est pas aux hommes de déterminer ce que devrai(en)t penser leur ou leurs dieu(x).
Les manifestations où l’on voit de jeunes européens en train de psalmodier des prières à genoux m’ont choqué. Même si je leur reconnais tout autant la liberté de penser ainsi et de manifester leur ire, mais en respectant la liberté d’autrui, celle des artistes et des spectateurs, ce qu’ils n’ont pas fait, je trouve leur attitude incompatible avec les valeurs ancestrales des Européens. Le principe même de prier à genoux, ce qui s’appelle la proskynèse, symbole oriental d’asservissement, et condamné comme tel par les soldats d’Alexandre lorsque celui-ci voulut leur imposer sans succès, n’a rien à voir avec l’européanité. Il n’est alors pas étonnant que ces jeunes catholiques aient été rejoints par des musulmans radicaux.
Car ce n’est pas parce que le christianisme n’a plus les moyens dont il disposait au XVIIIème siècle pour faire taire les dissidents, qu’il a perdu toute volonté de continuer à restreindre dans la mesure de ses moyens la liberté de critiquer qu’ont les citoyens. Si l’Eglise le pouvait, elle ferait interdire Voltaire et Nietzsche, et un courant spécifique de droite, une « nouvelle », serait emprisonné. Le film Agora a ainsi été interdit de diffusion au moment de sa sortie en Italie sous pression papale, sous prétexte qu’il montrait les chrétiens de l’antiquité tels qu’ils étaient, car les persécutions dont les païens ont été les victimes, et les nombreuses destructions d’œuvres antiques, sont… des faits historiques. Je pense aussi à cette campagne de certains milieux catholiques contre la Hell Fest, où chaque année se réunissent plusieurs milliers de jeunes afin d’écouter les meilleurs groupes metal, et aussi malheureusement des groupes contestables ou bêtement provocateurs.
De la même façon, je n’aime pas l’idéologie développée par Charlie Hebdo et en conséquence je n’ai jamais acheté ce journal. La destruction de leurs locaux par ce qui est probablement une attaque issue de milieux musulmans radicaux demeure pourtant totalement inacceptable et démontre que les autorités ont été bien trop laxistes, et on se souvient que Charlie s’en prend régulièrement aux forces de l’ordre ou conteste toute mesure de reconduite à la frontière de clandestins entrés illégalement dans notre pays. Les journalistes de Charlie voient désormais ce que cela engendre, même s’ils ne veulent pas le reconnaître. Certains veulent empêcher qu’on puisse critiquer la figure fondatrice de l’islam, comme d’autres veulent conserver immaculé le visage de leur messie.
Face à cette même intolérance, qui consiste à refuser à autrui d’avoir un avis libre sur tous les sujets, nous devons défendre la liberté de ceux qui ne veulent pas qu’on leur impose quoi penser. Même si Castelluci et Charlie Hebdo me sont au mieux indifférents, pour ne pas dire qu’ils m’insupportent, c’est face à l’intolérance des deux monothéismes, à la fois prosélytes et sectaires, qu’il faut prendre leur défense. Et d’opposer le visage marmoréen de Minerve, déesse de la sagesse, à ceux qui veulent asservir notre raison.
Ils se plaignent de ne pas être respectés quant à leur religion, alors qu’ils ont le droit de la pratiquer, et des lieux de cultes pour cela, ce dont nous, européens de foi indigène, ne disposons pas. En quoi sont-ils concernés par une pièce de théâtre qu’ils n’iront jamais voir ou par la une d’un journal qu’ils n’achèteront pas ?
Ayant écouté sur le site Enquête & Débat de Jean Robin des extraits d’une émission de radio animée par un certain Lesquen à propos de la pièce de Castelluci, j’ai été très surpris et choqué par le ton du chroniqueur. Il s’en prenait à une femme catholique, membre de l’association Riposte Laïque, qui avait osé trouver des qualités à cette œuvre théâtrale, en usant de mots d’une dureté extrême. Lesquen est le principal animateur d’un club néo-droitier qui, à la différence du GRECE d’Alain de Benoist, ce dernier étant promoteur d’une forme de renouveau païen, du moins dans les années soixante-dix, semble avoir adopté visiblement une ligne beaucoup plus réactionnaire.
En conclusion, entre la dérive libertaire, faisant dans la provocation stérile et médiocre, et la réaction cléricale, on doit choisir la liberté face au dogme, la fidélité aux valeurs européennes avant les choix spirituels individuels ou collectifs. Dans une Europe régénérée, ressourcée dans son identité profonde, qui est essentiellement demeurée préchrétienne d’ailleurs, la pièce de Castelluci ne trouverait pas son public. De toute façon, la plus grande provocation à l’encontre du christianisme a déjà été réalisée par un citoyen romain anonyme au cours du IIIème siècle, représentant sur un célèbre graffiti un homme à tête d’âne crucifié. En outre, ces attaques de milieux traditionnalistes contre la pièce l’ont fait connaître et lui ont fait une bien inutile publicité. Mais cela leur a permis de se faire connaître politiquement, ce qui était en vérité leur objectif. Ne soyons pas dupes des intérêts cachés des uns et des autres. Et limitons nous à soutenir la liberté d’expression pour tous et pour toutes !
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
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