Le PS joue Marine contre Nicolas
15/12/2010
Depuis plusieurs mois, sur toutes les chaînes de télévision et de radio, Marine Le Pen est invitée à exposer ses idées au plus grand nombre avec une évidente complaisance des media « de gauche » et notamment du service public. C’était particulièrement évident lors de l’émission « A vous de juger » de jeudi dernier (le 9 décembre 2010) où elle bénéficia de la part d’Arlette Chabot d’une émission faite sur mesure, utile à la veille de la clôture des adhésions au FN avant le congrès du 15 janvier 2011 alors que Marine Le Pen semblait en difficulté face à son concurrent Bruno Gollnisch. On lui a opposé un second couteau de la droite parlementaire en la personne de Rachida Dati, incarnation du bling-bling par excellence, une personnalité de droite exclue du gouvernement et à l’image médiatique en berne.
Le résultat fut au-delà de ses espérances, avec 3.5 millions de personnes devant leur télévision à regarder une émission de propagande en faveur de la nouvelle venue. Dans le journal suisse Le Temps comme dans la presse anglo-saxonne, Marine Le Pen a également une bonne image, son challenger étant totalement ignoré, ce qui lui vaut d’être attaquée en interne comme devant cette promotion à son ralliement idéologique au discours dominant. Il est vrai qu’à l’écouter on ne voit pas trop la différence avec le président de la république, même si elle apparaît plus tranchante dans la forme, à l’exception du domaine économique où on pourrait la confondre avec Olivier Besancenot ou Jean-Luc Mélenchon.
Or cette promotion médiatique paraît tout devoir aux intérêts du Parti Socialiste qui ne peut que souhaiter se retrouver en face d’elle au second tour des élections présidentielles, assurant ainsi sa victoire dans un 21 avril inversé. Mais le succès de l’émission de jeudi a dépassé le cadre de la droite, car Marine Le Pen empiète désormais aussi sur l’électorat de gauche, d’où la panique qui a pris les dirigeants du PS à l’issue d’une émission qui au départ était prévue pour servir leurs intérêts.
Vendredi dernier, lors d’un meeting contextuel de Marine Le Pen devant les adhérents de son mouvement, celle-ci s’est laissé aller à une comparaison hasardeuse entre l’occupation allemande et l’occupation physique le vendredi de certaines rues françaises par des musulmans afin d’y pratiquer leurs rites, comme dans la désormais fameuse rue Myrrha du quartier de la Goutte d’Or (Paris XVIIIème arrondissement). Cette volonté de nazifier des adversaires n’est pas propre à Marine Le Pen, qui l’inaugurait au sein de son parti, mais correspond à une attitude générale de toute la classe politique. Quand la « gauche » dénonce une politique de déportation de la part du gouvernement UMP, quand Eric Besson est comparé à Pierre Laval, elle ne se remet pas en question.
A la suite de ces propos, toute la classe politique s’est émue, dans une comédie assez hallucinante vue l’insignifiance de la remarque de Marine Le Pen. Jean-François Kahn interprète ce phénomène comme la volonté de l’UMP de s’opposer à la nouvelle égérie du FN, craignant que cette dernière ne progresse trop à son détriment et mette en danger la réélection du président sortant. Si c’était l’objectif, on peut dire qu’il a échoué lamentablement. Mais je ne suis pas d’accord avec son analyse, car je pense que c’est bien la gauche, qu’on a fortement entendu ces derniers jours en tête de la contestation, qui a organisé ce coup médiatique. De Martine Aubry à Arnaud Montebourg, plusieurs ténors de la « gauche » ont tenu des propos parfois hallucinants sur cette affaire, la première secrétaire du PS ayant accusé le FN de collaboration, ce qui est difficile pour un parti né en 1972, et alors même que son président actuel, et futur président d’honneur, avait cherché à s’engager dans la résistance en 1944.
En fait, la « gauche » se rend compte que Marine Le Pen est en train d’empiéter sur elle, au niveau électoral, alors qu’elle n’est utile à ses yeux que si elle prend des voix à droite. Ainsi, le golem se retourne-t-il une fois de plus contre ses créateurs. Par son discours populiste, à forte coloration plébéienne, et alors même qu’elle a marginalisé le thème de l’immigration dans son discours, remplacé par une laïcité sourcilleuse, laïcité militante à coloration anti-islamique qu’on retrouve dans les réseaux organisés autour de l’association Riposte Laïque, elle menace réellement de déborder le PS sur sa gauche. Ce thème de la laïcité est en effet très fort à gauche, alors même qu’il a été abandonné par les partis ayant cette orientation.
Mal à l’aise, Jean-Luc Mélenchon, très laïc en général, n’a pas pu prendre la défense d’une Marine Le Pen qui s’intéresse aux mêmes électeurs que lui. Comme Mélenchon est europhobe, opposé à l’euro et à l’Union Européenne comme Marine Le Pen, comme il est laïc, comme il a des orientations économiques socialisantes qui convergent avec le discours du néo-FN, il était obligé de réagir violemment à ces déclarations, car plus on est proche d’une ligne adverse, plus il est important de s’en dissocier verbalement. Mélenchon, en bon démagogue, a donc recouru à la vieille accusation de fascisme contre le FN, ce qui lui a permis d’éviter de se prononcer sur le fond. Enfin, il a fallu attendre ce mercredi pour que Benoît Hamon se rende compte qu’il fallait dénoncer l’occupation de rues par des musulmans en prière au nom d’une laïcité que le PS délaisse depuis des années. C’est bien trop tard.
Si la gauche a été dans son rôle pour tenter de diaboliser Marine Le Pen, pour mettre la droite en difficulté une fois de plus, et ce même si le résultat pour elle est assez calamiteux, car aux yeux de beaucoup d’électeurs de gauche, le PS apparaît désormais à la remorque des communautaristes et des islamistes, il est d’autant plus incompréhensible que la droite parlementaire soit tombée dans le panneau. Si la « Droite populaire » s’est fait discrète, à l’exception du député Vanneste qui a plus ou moins soutenu les propos de Marine Le Pen, des figures éminentes du parti comme Jean-François Copé et le premier ministre François Fillon se sont indignées, ralliant ainsi la « gauche ». Alors qu’un sondage du jour annonce le soutien de 54% des sympathisants UMP aux propos de la députée européenne FN, la droite est une fois de plus en complet décalage d’avec l’opinion de ceux qui la soutiennent. Elle est tombée dans le piège, non de Marine Le Pen, comme certains commentateurs le pensent, mais bien du PS. Car au final, ce sont des électeurs UMP qui risquent de se tourner vers le FN, malgré quelques pertes également pour la gauche.
En définitive, c’est bien le Front National qui est gagnant dans cette campagne médiatique, et surtout Marine Le Pen qui gagne sans doute par ce biais l’avance nécessaire face à son challenger Gollnisch pour s’imposer comme nouvelle présidente du parti. Elle peut remercier les media, le Parti Socialiste mais surtout l’UMP qui, par ses réactions irréfléchies, a démontré une fois de plus aux yeux des français la collusion idéologique entre la « gauche » et la droite en France.
Ce qui est navrant c’est qu’il y a des arguments de bon sens à opposer au Front National, comme ses graves carences économiques (retour au franc, discours gauchiste sur les banques… etc), comme son europhobie, à l’heure où l’Europe est la seule solution économique existante viable, comme son néo-colonialisme latent. Ces critiques sont tout à fait applicables d’ailleurs au Front de Gauche. Or, sur ces sujets, où Marine Le Pen est faible, on ne l’attaque pas. En outre, sa position sur la question migratoire est incohérente, et il serait tactiquement utile à l’UMP de montrer que sur ce sujet, elle renie l’héritage idéologique de son parti. En s’indignant d’un propos laïcard peu intelligent de Marine Le Pen, la classe politique accrédite l’idée qu’elle serait sur ce plan dans la continuité de son père. Il n’en est fondamentalement rien et la droite aurait pu le démontrer, en insistant sur le fait que le FN n’avait aucune proposition applicable, dans le cadre des institutions françaises, pour y remédier. Mais dire une telle chose était trahir un secret d’alcôve, à savoir que le gouvernement français n’a, pas plus que l’Union Européenne, aucun pouvoir en ce domaine pour changer les choses.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
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