Lettre ouverte à Eric Zemmour
08/11/2014
Monsieur Eric Zemmour, je n'ai pas lu votre dernier livre, dont on a beaucoup parlé. En revanche je suis régulièrement votre débat avec Nicolas Domenach dans l'émission Ca se dispute de la chaîne i-télé. Ainsi ai-je pu me faire une idée de vos positions.
Bien qu'éloigné de la ligne souverainiste que vous affichez, point sur lequel je reviendrai en détail, je précise que ce n'est que très rarement que j'approuve les critiques, parfois virulentes, de votre contradicteur de l'émission citée, lequel se complait dans l'hypocrisie politiquement correcte, bourgeoise et mondialiste. De la même façon, j'ai trouvé lamentable l'avalanche de reproches qui vous ont été adressés et notamment inepte la critique que Christophe Barbier a fait de votre livre dans l'Express. Sur la plupart des points, je vous donne toujours raison. Aussi suis-je très heureux du succès de votre livre. Il est cependant un sujet sur lequel je ne vous suis pas.
Vous dites par exemple que les Français ne reconnaissent plus la France. Voilà qui est très bien vu. Mais est-ce bien la France qu'ils ne reconnaissent plus? Si vous allez en Pologne, voire à Ekaterinbourg en Sibérie, vous vous croirez en France, ou plutôt peut-être dans une France d'il y a quelques décennies. Ce que les Français ne reconnaissent plus dans leur environnement, c'est tout simplement celui d'un pays européen. Bien sûr, la plupart des pays européens ont un cachet qui leur est propre. C'est le cas de l'Angleterre notamment, et l'on comprend que les Anglais tiennent à leurs coutumes. Mais si vous allez en Alsace ou en Corse, vous ne vous sentirez pas en région parisienne non plus. Même à l'intérieur de la Lorraine, de Nancy à Sarrebourg par exemple, au bout d'une heure de route vous êtes dépaysé.
Vous dites également que vous aimez la musique classique, vous la trouvez supérieure au rap. Ce n'est pas moi qui vous contredirai. J'imagine que vous aimez Bach, Mozart, Beethoven, Schubert. Ils n'étaient pas Français, ce qui n'empêchait pas d'ailleurs Mozart de tenir une correspondance en langue française. Notre patrimoine culturel est européen, qu'il concerne la littérature, la philosophie, la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique … A la Renaissance, les artistes parcouraient l'Europe, comme les scientifiques. Descartes était-il français, quand il se trouvait chez lui en Hollande ?
Vous dites encore que la France n'est pas née de la révolution, qu'elle est bien plus ancienne. C'est vrai. Maintenant où la faire démarrer? Certains pensent à Vercingétorix. Mais la Gaule n'a jamais existé; elle n'a jamais été qu'une création romaine. Il y avait bien un pays celte, débordant très largement notre Hexagone. Avec les Latins, les Germains et quelques autres, on retrouve en gros la population de l'Europe occidentale et centrale. Or cette dernière était déjà presque instaurée en Etat au début la Rome impériale. C'est bien l'Europe qui est notre patrie d'origine. La France n'a jamais été qu'une Europe en réduction : un peuple au départ celte, une profonde imprégnation latine et une conquête par les Germains qui a donné au pays son nom.
Vous aimez la France de l'ancien régime, à l'époque où elle dominait intellectuellement l'Europe, et vous aimez celle de Napoleon, quand il accumulait les victoires et fondait le Code civil. Entre les deux, vous semblez voir la grande révolution, ses horreurs mises à part, comme initiatrice d'une forme de mondialisme. Quelques signes peuvent aller dans ce sens en effet, mais là n'est pas l'essentiel. Il faut retenir d'abord le retentissement, auprès des intellectuels de nos pays voisins, des idées révolutionnaires --- sans oublier dans cette affaire nos prédécesseurs américains. Il est bien dommage que Napoléon n'ait pas su se servir de cet avantage pour fonder une Europe non soumise, jusqu'à la Russie comprise. A l'époque de la révolution, on ne pensait pas vraiment à l'humanité dans son ensemble; plus tard les premiers internationalistes marxistes ne voyaient guère plus loin, non plus, que les Romains antiques. Quand on pensait pour la France, Europe en réduction, on pensait pour l'Europe et sa diaspora américaine.
Je conclus. Nous avons une patrie; c'est l'Europe. Qu'est-ce qui vous empêche de le reconnaître?
Peut-être pensez-vous tout simplement que cette idée européenne n'est pas réaliste, dans les circonstances d'aujourd'hui. Il est difficile de vous donner complètement tort. L'idée européenne ne progresse pas trop lentement; elle régresse. Mais pourquoi régresse-t-elle ? Vous ne semblez pas vous poser la question.
Vous voyez l'origine de tous nos maux dans l'Union européenne, cette construction technocratique. Vous avez raison d'en dire le plus grand mal. Elle réduit à une peau de chagrin la démocratie à l'intérieur de chacun des pays membres, au point que le choix de leurs dirigeants importe désormais bien peu. Elle sert de porte ouverte à la mondialisation. Elle place l'Europe sous la tutelle des Etats-Unis d'Amérique. Tout cela est exact.
Mais peut-être votre critique n'est-elle simplement pas assez sévère. Vous oubliez que c'est cette construction qui fait justement régresser l'Union Européenne. Vous semblez pourtant en avoir discerné la vraie nature. Ce n'est qu'une oligarchie, un club de dirigeants. N'avez-vous pas vu qu'ils sont tous mondialistes et europhobes, comme l'a très justement constaté un Elie Barnavi ? D'ailleurs votre contradicteur Nicolas Domenach, qui se déclare européen, l'est bien moins que vous-même. Et Christophe Barbier, lorsqu'il s'avance à citer une nation européenne, n'y met pas ce qu'il convient. Ce sont des hypocrites. Bref, comment n'avez-vous pas noté qu'avant tout autre chose l'Union européenne n'était pas européenne ?
Ensuite votre critique manque de discernement. L'Union européenne actuelle n'étant pas l'Europe, il ne faut pas dénoncer les idées européennes en même temps que le fonctionnement de la technostructure bruxelloise. Faisons une comparaison. Qui défendrait, dans la France d'avant la révolution, le système des fermiers généraux? Est-ce, pour autant, qu'il fallait détruire la France ? Certainement pas. Or nos commissaires bruxellois ne sont jamais que les fermiers généraux d'aujourd'hui, chargés qu'ils sont d'affermir les contraintes imposées aux Etats membres pour le compte d'un club de dirigeants, dits nationaux, tous coupés du peuple.
C'est à tort qu'on vous accuse de vous réjouir d'un déclin qui conforterait vos thèses. Mais vous n'avez pas vu non plus que du mal peut aussi surgir un bien? C'est l'ancien régime des fermiers généraux qui a convoqué des Etats généraux, lesquels ont pris pouvoir et commencé par abolir les privilèges. C'est notre assemblée européenne fantoche qui peut un jour prendre le pouvoir à des dirigeants corrompus. Et cela ne se fera peut-être pas dans la douceur.
En attendant, tout ce qui peut contribuer à réunir les Européens est bon à prendre. Croyez-vous qu'Allemands et Français aient besoin de systèmes sociaux vraiment différents ? La sécurité sociale a été installée par Bismarck bien avant d'exister chez nous. Certes, aujourd'hui, nous suivons des voies divergentes. Cependant notre plus grande différence tient dans notre taux d'allogénisation, lequel est bien supérieur qu'outre Rhin. Donc à ce qui fait qu'on ne reconnaît plus la France. Cette France qui ne peut pas marcher avec l'Allemagne est précisément celle qui vous déplaît.
Essayez donc d'y réfléchir. L'Europe, comme Nation, est un beau projet, comme l'unification allemande et italienne l'ont été . Si vous le portiez, vos ennemis seraient démasqués, désarmés.
Pierre EISNER (PSUNE/LBTF)
10 commentaires
Bravo Thomas, votre contributeur semble être de première force.
Merci pour lui. Je lui transmets votre message.
Bonjour,
"notre plus grande différence tient dans notre taux d'allogénisation"
Quelle place pour ce fils de juifs maghrébin dans une Europe ethniquement homogène?
Assimilation ethno-culturelle, ou du moins reconnaissance pleine et entière du primat ethno-culturel exercé de plein droit par les "souchiens"...Aznavour a d'ailleurs déclaré récemment quelque chose du genre : la France, ou tu vibres à l'unisson ou tu la quittes...
Sa pleine euro-compatibilité.
Zemmour "vibre" en effet bien plus à l'histoire de l'Europe que la plupart de nos "élites" actuelles...Il est complètement ridicule d'en faire un représentant exotique de la sacro-sainte "diversité"...Les identitaires Juifs (ce que Zemmour ne saurait être) et les identitaires européens semblent d'ailleurs raisonnablement voués à se rapprocher, sans pour autant confondre totalement leurs destinés respectives.
Bien résumé, Anton.
Bonjour Thomas comment ça va ? je t'ai fais un mp sur le forum
merci
L'allogénisation française et européenne !
"Nos ancêtres les Gaulois" ... quid des Latins, Wisigoths et Ostrogoths, Francs, Lombards, Burgondes, Northmens (Normands en Sicile !) et même Huns (Attila compagnon d'Aetius).
Beau brassage enrôlé par le christianisme puis rassemblé sous la bannière féodo-monarchique.
Quelques Juifs mal tolérés, Musulmans absents haïs, pourtant tolérants et ouverts à l'occident.
Et puis notre société libérale, humaniste et universaliste.
Mais dévoyée, libérale sauf pour les ouvriers et pour les sauvages: Amérindiens, esclaves Africains et asiatiques, Musulmans; tous spoliés, humiliés et exploités. Et dont nombre vinrent renforcer les forces productives européennes. Encore plus d'allogènes !
Retour enfin à l'Homo sapiens, notre espèce, nos frères.
La diversité n'est pas "sacro-sainte", elle est une réalité que nous devons intégrer. Oh, certes ! Pas de prières dans la rue, pas de burquas aux guichets (présentez vous à la banque avec un masque de Mickey ...). Mais laissons de l'espace aux convictions diverses, tout simplement. Comme on en laisse aux indispensables boulistes, chorales et associations d'anciens combattants. Et subventionnons les tous.
Et permettons à Eric Zemmour d'exprimer ses peurs eschatologiques.
@ Pauvert
On ne parle pas de "brassage" lorsqu'il s'agit de mélanges entre gens nés d'une même souche, ce qui est le cas des Européens, et bien sûr c'était le cas dans l'antiquité aussi. Celtes, Latins ou Germains ne sont que des variations sur un même thèmes. Des peuples qui avaient tout en commun.
La "diversité" est récente. Elle a été imposée aux Européens par le dévoiement de leurs "élites" et par l'erreur coloniale sur laquelle là non plus ils n'ont pas été consultés. Ceci dit, l'Irlande, colonie britannique, est aussi bien concernée, de même que des pays d'Europe centrale et orientale qui n'ont jamais colonisé non plus.
Les Européens sont les seuls légitimes sur leur sol. Ce que l'idéologie mondialiste veut leur imposer, ils sont en droit de le refuser. Cela fait trente ans que notamment en France ils essaient de le faire comprendre à des dirigeants autistes et/ou intéressés électoralement par la pérennité de cette présence.
Le mondialisme repose sur l'idéologie d'une "humanité unique" reposant sur des mythes fondateurs (thèse de l' "out of Africa") négatrices de la diversité réelle au sein de l'espèce, de l'existence indiscutable de sous-espèces géographiques très anciennes en son sein.
Et surtout ne pas confondre une opposition fondée, justifiée, argumentée, solide avec une quelconque "peur". C'est une question de choix. Quelle Europe voulons-nous demain ? Une Europe authentique, héritière naturelle de millénaires de continuité ? Ou une Europe avilie, altérée, dénaturée, "globalisée", qui soldera la fin de l'histoire de notre vieille civilisation ? Là est la question.
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