L’affaire Vikernes, révélatrice d’une dérive politique et médiatique
21/07/2013
Les deux dimensions de Kristian Vikernes, celle d’un musicien de folk metal, animateur du groupe Burzum, à la musicalité si particulière, et à vrai dire assez peu audible, et celle d’un criminel condamné pour meurtre à plus de vingt ans de prison, m’étaient connues. J’ignorais parfaitement le devenir de cet individu, et notamment le fait qu’il vivait en France, ne m’étant intéressé à lui que suite aux actions infâmes d’un Breivik, constatant alors qu’il condamnait l’acte de ce déséquilibré d’une manière certes fort peu recommandable.
En plein mois de juillet, avec stupéfaction, j’apprends l’arrestation de Vikernes et de son épouse française. C’est même une information jugée primordiale par la presse écrite comme télévisuelle, puisqu’il est suspecté d’avoir envisagé de réaliser un attentat « de grande envergure ». J’ai peine à croire une telle information, qui sera en partie invalidée par les déclarations du ministre de l’intérieur pour qui Vikernes n’avait aucun projet réel. Au final, en croisant les données, il semblerait que l’arrestation de ce norvégien soit due à des propos extrémistes tenus sur son blog, dans le contexte des accusations, désormais confirmées, selon lesquelles des « jeunes » auraient caillassé les forces de l’ordre et tenté de dérober les effets personnels des victimes du drame de Brétigny sur Orge, et à l’achat légal de plusieurs fusils par son épouse.
Je comprends vite que le suspect sera relâché, faute d’éléments probants, car ce faisceau d’indices paraît faible. Son épouse sera relâchée au bout de deux jours, Vikernes le sera au bout d’une soixantaine d’heures. A son issue, il sera poursuivi pour « provocation à la haine raciale » et « apologie de crimes de guerre », ce qui relève donc d’un délit par voie de presse, une façon pour le gouvernement de ne pas faire totalement chou blanc.
Comment peut-on reconstituer d’une manière certes hypothétique les évènements ? En raison de son parcours spécifique et de sa radicalité manifeste, ayant depuis longtemps tenu des propos hostiles aux immigrés et aussi à la communauté juive, il était fort légitimement suivi par les forces de l’ordre. Celles-ci ont certainement dû indiquer à leur hiérarchie les différents éléments laissant supposer une action menaçante de ce nationaliste. Il est évident qu’alors une haute autorité a lancé le feu vert pour mettre en œuvre une intervention musclée à son endroit.
Mais c’est le traitement médiatique de l’affaire qui pose question, car après tout, les policiers sont souvent obligés de recourir à leur intime conviction et peuvent se tromper, exagérant une menace qui après coup paraissait imaginaire. Lorsqu’un extrémiste est interrogé par la police, il n’en est pas fait état ou alors d’une manière très mesurée. Or, dans le cas de Vikernes, on a eu le droit à une avalanche d’articles, souvent mal informés, à des analyses plus ou moins justes de spécialistes, parfois auto-proclamés, de « l’extrême-droite », à sa photographie en première page de sites ou de journaux, à des détails précis sur sa vie.
La première erreur fut de le rattacher idéologiquement à Breivik. Très vite, après que des analystes comme Jean-Yves Camus aient démontré que cela n’avait rien à voir, la presse écrite a cessé de faire référence au tueur d’Utoya. En revanche, jusqu’au dernier jour de garde à vue, les journaux télévisés n’ont cessé de répéter en boucle que Vikernes était « un admirateur de Breivik ». Par ailleurs, de nombreux articles en sont venus à diffamer la religion germano-scandinave Asatru, reconnue dans au moins trois pays européens (Islande, Norvège et Danemark), et parfaitement respectueuse des lois, et à taper sur le « néo-paganisme », certains associant même, contre tout bon sens, "Varg" Vikernes à Dominique Venner.
Enfin, la presse a rappelé que Vikernes avait apporté un soutien sur son blog au vote en faveur de Marine Le Pen en 2012, preuve qu’il ne connaissait que très superficiellement le Front National, parti certes infiniment contestable sur de nombreux sujets, et notamment sur la question européenne, mais très éloigné de ses préoccupations premières. Cela a donné l’impression qu’il n’avait été arrêté que pour nuire à un FN en hausse dans les sondages, inquiétant une gauche qui a toujours soutenu implicitement le FN lorsqu’il gênait la droite, mais commence à le craindre désormais, puisqu’elle devient victime de son « golem ». En effet, l’électorat populaire de souche européenne semble désormais se détourner massivement de la « gauche », soutenant non seulement la droite mais aussi l’extrême-droite. Le rejet d’Hollande par le peuple semble de plus en plus massif, ce dernier ne bénéficiant plus que du soutien « des banlieues », soutien qui se monnaie très cher, car les évènements de Brétigny sur Orge et de Trappes favorisent encore une fois le FN, des fonctionnaires qui s’illusionnent sur la protection que le PS leur accorderait en matière de préservation des « acquis sociaux », et surtout des « bobos » des beaux quartiers, qui vantent une diversité qu’ils ne côtoient pas. Ca fait 23 à 26% des français au grand maximum, c'est-à-dire la cote du président de la république dans les sondages depuis des mois.
De ce point de vue là, l’attitude de la presse dans l’affaire Vikernes a été en dessous de tout, mais le principal responsable est celui qui leur a donné les « éléments de langage » car il est manifeste que des informations, plus ou moins justes, ont filtré et même ont été communiquées à la presse. Soit un fonctionnaire a commis une faute professionnelle en l’alertant d’une manière excessive, soit il y a eu une intention politique d’instrumentaliser cette arrestation afin de s’en servir contre le FN. Le résultat ne semble pas heureux.
Marine Le Pen n’a pas réagi en France, mais en revanche elle a répondu à la presse norvégienne, affirmant que « tout le monde sait que ce genre d’extrémistes n’a pas sa place chez nous », mais est allée plus loin en indiquant que, si elle avait été au pouvoir, Vikernes n’aurait jamais pu s’installer dans notre pays. Or, en épousant une française, il bénéficie selon les lois en vigueur, lois que Marine Le Pen n’a jamais prétendu dénoncer, du droit non seulement de venir dans notre pays mais d’acquérir notre nationalité. En outre, c’est jeter l’anathème une fois de plus sur l’ouverture des frontières au sein de l’Union Européenne. Rappelons toutefois que la Norvège n’est pas membre de l’UE et ne souhaite pas pour le moment la rejoindre.
La réaction de Marine Le Pen est symptomatique d’une peur d’être associée à des individus au discours peu compatible avec la démocratie et surtout avec le discours dominant, et témoigne aussi d’une obsession europhobe. Mais cette peur est mauvaise conseillère car cette affaire montre que l’information en France est manipulée, soit par méconnaissance des sujets évoqués, soit par médisance, et c’est inquiétant dans une démocratie, où la presse a le devoir d’être irréprochable puisqu’elle informe les citoyens et oriente donc indirectement leur vote. Sa neutralité, sa probité et la qualité de son information sont des exigences absolues. Une fois de plus, on a préféré jeter l’anathème sur un individu au passé plaidant contre lui plutôt que de s’interroger de manière distancée et critique sur cette action de police.
Enfin, une fois que l’erreur est avérée, aucune auto-critique n’a été faite. On a jeté en pâture le nom et le visage d’un homme, nuisant considérablement à ses intérêts et à son image auprès de ses voisins, et lorsque tout se dégonfle, se résumant à un vulgaire délit de presse, on ne dit plus rien. Or cette affaire devrait servir de leçon et inciter les services de presse à davantage de prudence, au lieu de suivre comme un troupeau des bribes d’informations ne contenant que des parcelles de vérité.
Même si l’idéologie développée par Kristian Vikernes est tout à fait détestable, cela n’a rien à voir avec la foi religieuse qui l’anime, qui est en soi respectable, même si elle est bien mieux illustrée par des gens de valeur comme Olafr Magnusson, que j’ai évoqué récemment. Honorer les dieux d’Asgard ne relève pas d’un quelconque extrémisme. Au contraire, le polythéisme invite à la tolérance et non à une vision manichéenne opposant des « gentils » à des « méchants ». Le discours de Vikernes prouve qu’il n’a pas été capable de rompre avec un état d’esprit propre aux monothéistes et qu’il a encore beaucoup à apprendre avant d’être un vrai païen.
Thomas FERRIER (LBTF/PSUNE)
2 commentaires
Votre billet semble plutôt honnête.
Cependant,vous parlez de l'extrémisme idéologique de Varg Vikernes en évoquant son hostilité à l'immigration, à la communauté juive etc ... ce qui fait de lui un être intolérant et donc un mauvais païen.
Néanmoins, les maux dont souffre l'Europe sont précisément dues à la tolérance érigée en principe suprême. La tolérance est un moteur permanent de destruction de sois-même (surtout à un tel degré). Pour rappel, la tolérance c'est accepter ce que l'on réprouve ... Lorsqu'on est en train de mourir la tolérance n'a plus de sens, elle ne peut avoir de sens que lorsqu'il existe des antagonismes entre deux unités solides distinctes, pas lorsque l'autre tente de vous remplacer ... On ne peut pas en plus demander à un mourant (l'européen) de s'embarrasser de tolérance.
Ce défaut de tolérance qui ferait de lui un mauvais païen n'est pas très pertinent étant donné que les sociétés antiques païennes n'étaient tolérantes (dans une certaine mesure et parfois pas du tout) que parce que leur identité et leur unité étaient assurées et que "l'autre" n'était pas un danger ou ne présentait pas de caractère invasif ou d'altération déterminante.
Varg Vikernes n'est pas manichéen et ne vois pas le "gentil" et le "mauvais",il pense simplement comme il est sain de penser et comme la raison nous commande de le faire "il y a moi et il y a l'autre et je n'est pas à me justifier d'exister chez moi et de vouloir y demeurer conformément à mon identité primordiale".Il y a l'indigène légitime et l'étranger illégitime, d'un point de vue culturel, religieux et racial : c'est un principe qui fonctionne en faveur de tous les peuples.Il ne s'agit pas là de suprématisme. Tout ça n'a rien de subversif ni d'extrême en réalité. La seule chose extrême c'est le nihilisme et la division inouïes de la période actuelle.
Quant à la musique de Varg Vikernes, il est vrai qu'elle est peu accessible mais en réalité elle est incroyablement esthétique. Ecoutez "Glemselens Elv" ou ses deux derniers albums qui ne sont plus "black metal" (qui est un peu l'enfant fou de Wagner) mais plutôt ambiants et contemplatifs, je ne pense pas que l'on puisse qualifier cela d'inaudible.
Il ne s'agit pas d'affirmer que dénoncer l'immigration serait extrémiste, mais c'est dans la façon de le faire qu'il y a matière à critique.
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