Provocations...
22/09/2012
La publication par Charlie Hebdo de caricatures touchant à l’Islam a suscité, en France, beaucoup de réactions de la part de nos élites. Certaines intelligentes, comme celle de Christophe Barbier, interrogé dans l’émission C’est Dans l’Air, et d’autres hypocrites, comme celle d’Olivier Mazerolle débattant avec Ruth Elkrief.
La première erreur généralement commise est de penser que cette publication était adressée aux musulmans. Un représentant du journal s’est même trompé en disant qu’il voulait attaquer les intégristes. En réalité, c’est la population française dans son ensemble, sa classe politique et médiatique en particulier, qui en était le destinataire. Charlie Hebdo, que je n’ai jamais lu ni feuilleté car je n’ai aucune raison de l’apprécier, a fait pour une fois œuvre utile. Il a posé, sans le savoir, la question suivante aux Français : tenez-vous réellement aux principes fondamentaux qui font notre civilisation et nos modes de vie ? Ou alors êtes-vous prêts à toutes les compromissions ?
Là au moins, Christophe Barbier a été clair. Nous devons être intransigeants sur le liberté d’expression, même si cela nous fait prendre des risques. Notre liberté vaut bien de les prendre. Il a répondu « oui » à la question.
De son côté, Olivier Mazerolle, parmi beaucoup d’autres mais peut-être plus que d’autres, a répondu « non » en essayant de nous faire prendre ce « non » pour un « oui ». Selon lui, l’hebdomadaire n’aurait pas dû publier : c’était irresponsable. En revanche il faudrait, toujours selon lui, se montrer très ferme sur le respect de nos règles, refusant, par exemple, la pression sur les médecins hommes amenés à examiner des femmes. Il est vrai que nos dirigeants ne sont pas très clairs sur les sujets de ce genre. On a interdit la burqa dans l’espace public, mais on ne fait pas de zèle pour l’empêcher. On n’a rien fait contre l’abattage hallal généralisé. On ne parle plus des horaires séparés dans les piscines. On a accepté des exceptions dans les sports etc. Cependant Mazerolle croit-il nous duper en nous laissant imaginer que la fermeté qu’il préconise sera plus facile à installer que la liberté d’expression ? Mettons-nous à la place du musulman qui veut respecter les préceptes religieux qu’on lui a appris. Il n’est pas obligé de lire Charlie Hebdo ; de plus les insultes contre sa religion ne sont pas de son fait. En revanche, s’il permet qu’un homme examine sa femme, c’est lui qui commet l’offense. N’est-ce pas plus douloureux pour lui ?
En fait, tout est lié. Le respect de la place de la femme dans la société et la liberté d’expression ne sont pas séparables. Si l’on capitule sur l’un, on capitulera sur l’autre.
Marine Le Pen a lancé un autre pavé dans la mare, en proposant d’interdire les signes religieux dans la rue. La classe politique a réagi négativement dans sa quasi totalité. En revanche, comme un sondage de BFM semble le montrer, les Français y seraient favorables. Elle ajoute ceci : il faut interdire le voile, donc aussi la kippa. Elle fait ainsi œuvre utile en lançant le débat, même si elle n’a pas étudié sérieusement la question et y apporte une réponse inadaptée.
La seconde erreur généralement, qu'elle commet par ailleurs, est de placer sur le même pied les religions juive et musulmane. Cette erreur dérive d’une autre, celle qui consiste à interpréter la laïcité sous un angle exclusivement universaliste : soit une laïcité de combat qui s’oppose à toutes les religions, soit une laïcité d’empathie qui est ouverte à toutes, celle qui est choisie aujourd’hui par les anciens laïcards.
La première erreur généralement commise est de penser que cette publication était adressée aux musulmans. Un représentant du journal s’est même trompé en disant qu’il voulait attaquer les intégristes. En réalité, c’est la population française dans son ensemble, sa classe politique et médiatique en particulier, qui en était le destinataire. Charlie Hebdo, que je n’ai jamais lu ni feuilleté car je n’ai aucune raison de l’apprécier, a fait pour une fois œuvre utile. Il a posé, sans le savoir, la question suivante aux Français : tenez-vous réellement aux principes fondamentaux qui font notre civilisation et nos modes de vie ? Ou alors êtes-vous prêts à toutes les compromissions ?
Là au moins, Christophe Barbier a été clair. Nous devons être intransigeants sur le liberté d’expression, même si cela nous fait prendre des risques. Notre liberté vaut bien de les prendre. Il a répondu « oui » à la question.
De son côté, Olivier Mazerolle, parmi beaucoup d’autres mais peut-être plus que d’autres, a répondu « non » en essayant de nous faire prendre ce « non » pour un « oui ». Selon lui, l’hebdomadaire n’aurait pas dû publier : c’était irresponsable. En revanche il faudrait, toujours selon lui, se montrer très ferme sur le respect de nos règles, refusant, par exemple, la pression sur les médecins hommes amenés à examiner des femmes. Il est vrai que nos dirigeants ne sont pas très clairs sur les sujets de ce genre. On a interdit la burqa dans l’espace public, mais on ne fait pas de zèle pour l’empêcher. On n’a rien fait contre l’abattage hallal généralisé. On ne parle plus des horaires séparés dans les piscines. On a accepté des exceptions dans les sports etc. Cependant Mazerolle croit-il nous duper en nous laissant imaginer que la fermeté qu’il préconise sera plus facile à installer que la liberté d’expression ? Mettons-nous à la place du musulman qui veut respecter les préceptes religieux qu’on lui a appris. Il n’est pas obligé de lire Charlie Hebdo ; de plus les insultes contre sa religion ne sont pas de son fait. En revanche, s’il permet qu’un homme examine sa femme, c’est lui qui commet l’offense. N’est-ce pas plus douloureux pour lui ?
En fait, tout est lié. Le respect de la place de la femme dans la société et la liberté d’expression ne sont pas séparables. Si l’on capitule sur l’un, on capitulera sur l’autre.
Marine Le Pen a lancé un autre pavé dans la mare, en proposant d’interdire les signes religieux dans la rue. La classe politique a réagi négativement dans sa quasi totalité. En revanche, comme un sondage de BFM semble le montrer, les Français y seraient favorables. Elle ajoute ceci : il faut interdire le voile, donc aussi la kippa. Elle fait ainsi œuvre utile en lançant le débat, même si elle n’a pas étudié sérieusement la question et y apporte une réponse inadaptée.
La seconde erreur généralement, qu'elle commet par ailleurs, est de placer sur le même pied les religions juive et musulmane. Cette erreur dérive d’une autre, celle qui consiste à interpréter la laïcité sous un angle exclusivement universaliste : soit une laïcité de combat qui s’oppose à toutes les religions, soit une laïcité d’empathie qui est ouverte à toutes, celle qui est choisie aujourd’hui par les anciens laïcards.
Or la laïcité, prise dans son sens authentique, est ce qui vient du peuple, par opposition à ce que prêchent les clercs. En Europe, la démonstration publique d’un christianisme populaire est laïque ; à l’intérieur du christianisme, les réminiscences de paganisme chez les gens du peuple sont des signes de laïcité. Comme un nombre important de Juifs a partagé la vie des Européens pendant des siècles et contribué à la culture européenne, leur pratique religieuse ne contredit pas la laïcité. Sachant, toutefois, que le port de signes extérieurs est surtout le fait de gens récemment arrivés.
L’Islam européen, celui des Albanais par exemple, n’a jamais posé de problèmes, mais il est très minoritaire. C’est au contraire un Islam d’importation, étranger au peuple européen, qui est en cause. Il ne peut pas se prévaloir des excuses que l’on accordera au Judaïsme.
Cette seconde provocation nous ramène à la première. La différence majeure, chez nous, entre le Judaïsme et l’Islam est que le second est prosélyte quand le premier ne l’est pas. Un article de Thomas Ferrier en a fait récemment la démonstraton. Ainsi la notion de « terre d’Islam », qui désigne toute terre sur laquelle un musulman a posé le pied, n’a-t-elle rien en commun avec la « terre d’Abraham ». En fait, la question posée par Charlie Hebdo se résume ainsi : la France, et par extension l’Europe, est-elle terre d’Islam ?
Cette seconde provocation nous ramène à la première. La différence majeure, chez nous, entre le Judaïsme et l’Islam est que le second est prosélyte quand le premier ne l’est pas. Un article de Thomas Ferrier en a fait récemment la démonstraton. Ainsi la notion de « terre d’Islam », qui désigne toute terre sur laquelle un musulman a posé le pied, n’a-t-elle rien en commun avec la « terre d’Abraham ». En fait, la question posée par Charlie Hebdo se résume ainsi : la France, et par extension l’Europe, est-elle terre d’Islam ?
Peter Eisner (LBTF/PSUNE)
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