Brèves Européennes… (12)
04/03/2012
RUSSIE
La presse occidentale s’attendait à une victoire dans un fauteuil pour Vladimir Poutine, reprenant en chœur les accusations de la minorité libérale, celle qui était associée aux affaires du temps de l’ère Eltsine, selon lesquelles le pouvoir pratiquerait des fraudes massives. Pour ces élections présidentielles, qui avaient lieu aujourd’hui, plusieurs observateurs étrangers, notamment polonais, ont attesté que le scrutin s’est déroulé de manière transparente. Le score de Vladimir Poutine ne doit pas nous induire en erreur, sinon il faudrait aussi considérer les 82% de Jacques Chirac en 2002 comme le résultat de fraudes. Le principal reproche qui peut être fait au gouvernement russe c’est d’avoir établi un système de reconnaissance juridique des partis politiques bien trop exigeant et surtout de n’avoir pas permis une véritable pluralité de candidatures. Mais on peut aussi constater l’absence criante de renouvellement de la classe politique russe.
Vladimir Poutine aurait obtenu selon des résultats provisoires, 70% des bulletins de vote ayant été dépouillés, plus de 65% des voix, score sans appel qui était néanmoins pronostiquée ces dernières semaines par plusieurs instituts de sondages. Son principal adversaire, le (national) communiste Guennadi Ziouganov, nostalgique avoué de l’époque de Staline, aurait obtenu environ 17% des voix, score à peu près comparable à celui du parti communiste (KPFR) aux législatives de décembre 2011. Le libéral Prokhorov, qui a mené une campagne plutôt pro-européenne, est troisième avec un peu plus de 6,8% des voix, ce qui constitue pour cette première candidature un score plutôt encourageant. Le nationaliste (LPDR) Vladimir Jirinovski réalise un score très modeste d’environ 6,5% des voix. Enfin le candidat de gauche modérée Sergueï Mironov (Russie Juste) n’obtient que 3,7% environ, ce qui est un échec. Dans l’opinion médiatique occidentale, Prokhorov et Mironov étaient des candidats du pouvoir destinés à incarner une fausse alternative à Poutine.
Dans une Russie dont le courant libéral a été totalement déconsidéré par son incapacité à gérer la transition du communisme au capitalisme, associé pendant dix ans aux oligarques s’accaparant les richesses du peuple russe, le choix était entre la continuité du pouvoir avec Vladimir Poutine et les voies extrêmes, celle du retour en arrière nostalgique du communiste Ziouganov ou celle de l’aventure nationaliste avec Jirinovski, candidats tous les deux depuis 1993 aux différentes élections. La victoire de Poutine était donc parfaitement logique puisqu’il représente une troisième voie entre le populisme réactionnaire et/ou social et le libéralisme à l’occidentale, et qu’encore jeune et sportif, il n’apparaît pas aussi usé en dix ans qu’un Sarkozy en cinq ans de présidence française. Cette image dynamique, même si le maladroit passage de flambeau entre Medvedev et Poutine l’a beaucoup entamée, joue nettement en sa faveur. A ces élections présidentielles, aucun candidat n’était en mesure de lui disputer la victoire. Il serait facile d’en accuser le pouvoir, mais lorsqu’on regarde les figures de l’opposition, celles qui sont encensées en Europe occidentale mais honnies en Russie, on comprend que tant qu’aucune figure n’émergera au sein de la vie politique russe, Poutine sera présent, même par défaut.
GRECE
La crise économique qui touche avec une violence inouïe le peuple grec depuis des mois commence à s’exprimer politiquement. Alors que des élections législatives sont annoncées, le gouvernement provisoire de Lucas Papademos gère les affaires courantes et s’efforce de faire appliquer les mesures préconisées par ses partenaires, et notamment par l’Allemagne, appliquant un effroyable plan de restriction budgétaire. Même si les gouvernements grecs ont été particulièrement négligents, même si les réformes, en matière de gestion de l’impôt notamment, sont absolument nécessaires, les Européens doivent redoubler de témoignage d’amitié pour le peuple grec, car si on lui demande beaucoup, il faut aussi beaucoup lui offrir.
Excédée, la population grecque s’exprime désormais par la radicalisation et entend sanctionner les partis en place qui se partagent le pouvoir depuis des décennies. Les socialistes du PASOK de Papandreou semblent promis à une sévère punition, annoncés entre 8 et 13,5% selon les sondages de février, et à 11% en mars. La Nouvelle Démocratie (droite) est promise à un sort beaucoup plus favorable, avec entre 19,5% et 31% selon les sondages de février et 28% pour mars. Néanmoins, ce bon score, qui ferait à nouveau de la ND le premier parti grec, ne saurait cacher une montée très importante de la gauche radicale. Les communistes obtenaient entre 9,5% et 14% des suffrages en février et obtiendraient en mars 11%. Si on ne tient compte que du dernier sondage publié le 4 mars 2012, si les élections avaient lieu aujourd’hui, la gauche radicale, comprenant les communistes (KKE), la gauche radicale (Syriza) et la gauche démocratique (Dimar) obtiendraient, réunis, 39% des voix (11+12+16), après une pointe jusqu’à 43,5% en février 2012. L’extrême-gauche n’est pas la seule à bénéficier d’un regain de soutien, l’extrême-droite dans une moindre mesure en profite également. Si le Laos n’obtiendrait que 4% des voix en mars (entre 4,5 et 5,5% des voix en février), subissant le contrecoup de sa brève association avec le nouveau gouvernement, c’est l’Aube Dorée (Hrisi Avgi) qui avec 3,5% des voix en mars (2,5-3% en février) crée la surprise. Ce mouvement nationaliste, plutôt radical, considéré généralement comme « néo-nazi », est connu pour ses actions musclées dans certains quartiers d’Athènes contre les immigrés clandestins, et a même réussi à faire rentrer un représentant au conseil municipal d’Athènes lors des dernières élections locales avec un score de 5% environ des voix. En Grèce, pays de la démocratie par excellence, un parti est représenté au parlement à partir de 3% des voix. Des députés de Hrisi Avgi (XA) pourraient ainsi rejoindre les députés nationalistes du Laos, dont l’ancien dirigeant du Front Hellénique, brièvement secrétaire d’état. Enfin, les écologistes, avec 4% en mars dans les sondages et entre 2 et 3,5% en février, pourraient également rentrer au parlement.
Avec une extrême-gauche très puissante et une extrême-droite en progression, la démonstration est faite que la crise grecque a des répercussions profondes sur les habitudes électorales. En France, où l’on craint une contagion de la crise grecque, la leçon athénienne n’est pas sans intérêt. C’est avec la victoire de la « gauche » de Papandreou, alors que les problèmes structurels du pays étaient déjà réels du temps de Caramanlis et de la droite au pouvoir, que le système grec est apparu dans toute sa fragilité. La victoire probable du candidat « socialiste » François Hollande pourrait annoncer une crise analogue en France, et sa contestation des accords européens est en elle-même un facteur de déstabilisation. Par ailleurs, les sondages élevés en faveur de Mélenchon (8-9%) et de Le Pen fille (15-19%) indiquent une réelle anxiété des couches populaires et d’une partie de la classe moyenne.
SERBIE
C’est fait. La Serbie est officiellement reconnue candidate à l’adhésion à l’Union Européenne. Ce statut lui avait été refusé à plusieurs reprises. Elle entame un long processus qui doit l’amener à rejoindre les 27 et bientôt 28 états membres (après la future adhésion croate). C’est un succès pour le président sortant Boris Tadic, qui s’était personnellement engagé pour apaiser les relations avec le Kosovo voisin, condition absolument impérative pour faire sauter le dernier verrou, après avoir contribué à l’arrestation de Karadzic et de Radic. Alors que des élections présidentielles se profilent, cette victoire diplomatique de Tadic aura une grande importance dans la balance.
La Serbie a pendant une décennie connu un mouvement nationaliste extrêmement fort, apportant son soutien aux Serbes de Bosnie, refusant de « livrer » leurs criminels de guerre, et dénonçant la situation au Kosovo. Mené par le Parti Radical Serbe (SRS) de Vojislav Seselj, mais aussi par le nationalisme plus modéré de Kostunica, la Serbie se voyait interdire toute perspective européenne. Avec l’élection de Boris Tadic, qui a fait de l’adhésion à l’UE son cheval personnel de bataille, avec le basculement du Parti Socialiste Serbe, l’ancien parti de Milosevic, du côté europhile, et surtout avec la scission du SRS du fait de l’orientation pro-européenne d’un courant qui deviendra le Parti Progressiste Serbe (SNS) de Tomislav Nikolic, crédité dans les sondages d’une très bonne opinion, le camp europhile est devenu nettement majoritaire. Le SRS est désormais le seul parti europhobe, et Seselj, jadis allié d’un Jean-Marie Le Pen, a même excommunié Nikolic il y a quelques années, le poussant à la rupture, en raison du positionnement pro-européen qu’avait exprimé ce dernier.
Selon les derniers sondages de février, alors que des élections présidentielles puis législatives sont prévues au premier semestre 2012, le Parti Démocratique (DS) de Tadic est crédité de 28% environ de soutien, mais c’était avant la reconnaissance du statut de candidat à l’adhésion à l’UE, alors que le SNS de Nikolic est annoncé à près de 31%. En revanche, le SRS europhobe s’effondre avec seulement 7% de partisans. Le parti de Kostunica (DSS) n’obtiendrait que 5,6% en cas d’élection ce mois-ci. Les socialistes (SPS) seraient à une cote d’environ 7%. Enfin les libéraux-démocrates obtiendraient 6%.
Néanmoins l’euroscepticisme dépasse le cadre des élections, même s’il jouit d’une base de 12 à 13% de partisans déclarés. On a pu le constater lors du référendum croate où un tiers des votants s’est opposé à l’adhésion croate à l’UE, alors que seuls les partis nationalistes (HSP, HCSP), qui représentent moins de 5% des électeurs, avaient officiellement appelé à voter non. Si le processus d’adhésion est trop long, la volonté majoritaire du peuple serbe de rejoindre l’Union Européenne pourrait à son tour s’émousser, surtout si la minorité serbe au Kosovo n’est pas mieux respectée par la majorité albanaise.
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