Brèves européennes… (11)
04/02/2012
FINLANDE
Le premier tour des élections présidentielles finlandaises qui s’est déroulé le 22 janvier dernier n’a pas annoncé un « 21 avril » à la française entre un candidat souverainiste et un candidat favorable à l’Union Européenne. Avec 17,5% des voix (contre 18,6% en 2006), le centriste souverainiste Paavo Väyrynen a échoué nettement à se qualifier au second tour ayant été dépassé d’un peu moins de deux de points par un candidat écologiste, représentant ainsi de toute la gauche. Le conservateur Sauli Niinistö en revanche, avec 37% des voix dès le premier tour, a pris une bonne option en vue de la victoire, annoncée par tous les instituts de sondage. La surprise est venue du très bon score de la Ligue Verte et de son candidat, Pekka Haavisto, connu pour avoir publiquement révélé son homosexualité, ce qui n’a pas empêché son ascension. Avec 18,8% des voix, il est certes largement distancé par le candidat de droite, et il ne saurait compter sur un report de voix favorable. Le candidat écologiste précédent en 2006 n’avait obtenu que 3,5%.
Timo Soini, candidat des « Vrais Finlandais », une droite nationale souverainiste, était annoncé dans les sondages aux alentours de 6%. Tous les politologues français considéraient alors que ce score très modeste était lié au type d’élection et que cela ne signifiait rien quant à la cote de son parti dans l’opinion finlandaise. Avec 9,4%, Soini réalise un score bien supérieur à ce qui était annoncé, et pourtant la presse française considère désormais qu’il est en net recul, que son élimination, tout comme celle de Väyrynen, est le signe d’un affaiblissement du courant eurosceptique dans le pays. En fait, Soini n’avait fait que 3,4% aux dernières élections présidentielles et progresse donc de plus de 175%, ce qui est considérable, et surtout il fait mentir tous les sondages. C’est donc une véritable réussite, dans un contexte peu propice, mais qui coûte très certainement à l’autre candidat souverainiste son second tour.
Enfin, le principal perdant de cette élection est le parti social-démocrate, dont le candidat Paavo Lipponen doit se contenter de 6,7% des voix (contre 49,4% pour Tarja Halonen en 2006), alors que le candidat de l’alliance de gauche, Paavo Arhinmäki, obtient 5,5%. La représentante de la communauté suédoise, Eva Biaudet, obtient 2,7% des voix (contre 1,6% pour Henrik Lak en 2006). Enfin, première candidate issue de l’immigration extra-européenne, la chrétienne-démocrate Sari Essayah, réalise un score médiocre, avec environ 2,5% des voix (le parti ayant obtenu 2% des voix en 2006).
CROATIE
Le référendum croate sur l’adhésion de la Croatie en 2013 à l’Union Européenne du 22 janvier 2011 n’a pas créé de surprise. Comme à chaque fois qu’un pays d’Europe médiane souhaite rejoindre l’Union Européenne, le oui l’emporte très largement. Avec 66,67% de oui, le peuple croate valide le choix de ses dirigeants de rejoindre l’Union. 33,33% des votants ont néanmoins rejeté le principe de l’adhésion, ce qui est un score important qui dépasse largement les effectifs de la droite nationaliste, HSP et HCSP réunis regroupant un peu plus de 5% des électeurs. Cette défiance est d’autant plus visible que le taux de participation est particulièrement médiocre, 43,54%. Plus d’un électeur sur deux a préféré rester chez lui plutôt que de se rendre dans les urnes, considérant les jeux comme faits. L’UE suscite donc davantage l’indifférence que l’opposition, celle-ci étant molle. On constate d’une manière générale que la classe politique est favorable à l’adhésion, à l’instar de la classe politique serbe, dont l’ex-nationaliste Tomislav Nikolic, exclu il y a plusieurs années du Parti Radical Serbe de Seselj, un des favoris des futures élections présidentielles, a rallié le point de vue « européiste » bruxellois.
L’Union Européenne ne fait plus rêver et la crise des dettes souveraines a contribué de manière détestable à cet état de fait. On voit bien que l’UE telle qu’elle est n’est pas satisfaisante et n’est pas à la hauteur des enjeux ni des rêves des européens. Mais ceux qui proposent de la quitter n’ont que du sang et des larmes à nous proposer comme alternative, sans que la moindre victoire pointe à l’horizon. S’il n’y a aucun salut hors de l’Union Européenne, pour le moment il n’y en a aucun non plus en son sein. L’Union Européenne doit être transformée en autre chose, dépasser l’ersatz d’Europe politique qu’elle n’a jamais cessé d’être depuis les années 50. Elle doit devenir une république, une véritable nation. Les européens doivent apprendre à penser à l’unisson, car c’est notre avenir commun qui est en jeu. Lorsqu’ils se tournent vers leur pré carré naturel, ils choisissent l’esclavage. La liberté est dans l’unité européenne. Seule l’Europe unie peut rivaliser et même dominer les Etats-Unis, maîtriser les appétits chinois et les convulsions islamiques.
FRANCE (I)
Lors de cette précampagne présidentielle française, Marine Le Pen est cette semaine à nouveau au cœur de l’actualité. Elle a d’abord suscité des réactions hostiles de l’ensemble de la classe politique et des media en raison de sa présence à un bal viennois relevant d’une de ces nombreuses confréries estudiantines autrichiennes, mal dégrossies d’un nationalisme étroit et réactionnaire, et dont est issu Karl-Heinz Strache, le jeune leader de la FPÖ, et successeur dans ce rôle du défunt et sulfureux Jörg Haider. Elle n’y a gagné aucun électeur et a surtout démontré sa méconnaissance des subtilités de l’histoire politique européenne. Elle a en revanche obtenu un petit succès lorsqu’elle est parvenue à poser au conseil constitutionnel une question relative à la constitutionnalité du système des parrainages en vigueur pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles, soutenue dans sa demande par Christine Boutin, Nicolas Dupont-Aignan et plus étrangement par Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière.
C’est sur cette question que Nicolas Sarkozy aurait d’ailleurs un coup à jouer, en apportant officiellement les signatures manquantes à Marine Le Pen, et à quelques autres petits candidats, au nom des principes de la démocratie. Il aurait ainsi le beau rôle et désactiverait totalement la stratégie lepéniste d’instrumentalisation de la problématique des signatures d’élus.
Cherchant à rallier à sa cause tous les souverainistes, étouffant ainsi Dupont-Aignan, Marine Le Pen abandonne dans le même temps la ligne classiquement nationaliste de son père. Ouverte aux questions de diversité, elle a présenté un comité de patronage très bigarré, avec la mise en avant de bi-nationaux africains, ce qui est étrange lorsque l’on songe que la candidate s’était auparavant élevée contre la binationalité. En revanche, elle continue de manifester une opposition radicale à l’Union Européenne, reprenant à la fois les arguments souverainistes traditionnels de l’extrême-droite mais aussi les arguments économiques de l’extrême-gauche, plagiant systématiquement, au mot près, les discours de Jean-Luc Mélenchon, ce qui a fait dire à Nicolas Sarkozy qu’elle menait « une campagne d’extrême-gauche », celle-ci prônant même le retour à la retraite à 60 ans. Son obsession anti-€, qu’elle partage avec Dupont-Aignan, est par ailleurs aberrante économiquement et éloigne les classes moyennes de sa formation. Il n’est pas sûr que son électorat, qui vote avant tout pour elle en raison de la problématique migratoire extra-européenne, se retrouve dans ce nouveau discours démagogique.
Le candidat identitaire, Philippe Vardon, qui avait souhaité obtenir l’investiture du Front National aux élections législatives de juin prochain, est la principale victime de cet alignement de la candidate Le Pen sur un positionnement néo-colonialiste et radicalement europhobe. Il aura un(e) opposant(e) estampillé(e) FN contre lui sur Nice-5. Le soutien de Vardon et de sa structure, Nissa Rebela, à la candidate, a donc été vain. Le Bloc Identitaire, quant à lui, qui est sur une ligne beaucoup plus pro-européenne, a choisi conformément au souhait de 62% des adhérents, de ne soutenir aucun candidat aux élections présidentielles, même si 33% des votants à leur consultation interne appelaient à soutenir Le Pen. Mais c’était avant que ne soit officiel le refus de la candidate FN de s’allier avec les identitaires niçois.
FRANCE (II)
Nicolas Sarkozy tient sa ligne concernant la loi mémorielle condamnant l’expression du négationnisme, notamment dans le cas du génocide arménien, et ce malgré les protestations du gouvernement turc, qualifiant la politique française de « raciste », mais aussi de députés et sénateurs, tous partis confondus, et même de plusieurs ministres, dont Alain Juppé. Sarkozy a expliqué à ces derniers qu’ils ne voyaient « pas plus loin que le bout de leur nez ». Il a même annoncé que si le conseil constitutionnel censurait cette loi, suite à deux recours auprès de cette institution (l’un de 75 sénateurs, l’autre d’une soixantaine de députés), il la ferait repasser devant les parlementaires. Selon le président, la non-constitutionnalité de cette nouvelle loi remettrait en cause la loi précédente dite « Gayssot », une façon pour lui de rappeler les conséquences en jeu. J’ai déjà rappelé à plusieurs reprises mon opposition de principe aux lois mémorielles. Par ses réactions outrancières, et ses menaces, la Turquie en revanche donne d’elle-même une image détestable, et si le gouvernement abandonnait cette loi sous la pression d’un gouvernement étranger, ce serait une faute politique. Néanmoins, il y avait dès le départ une autre stratégie possible, qui ne passait pas par une loi, et qui aurait été de mettre fin à l’adhésion turque à l’Union Européenne, adhésion dont une majorité de citoyens européens ne veut simplement pas entendre parler.
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