Petrobey, un héros européen !
29/08/2011
(Article d'octobre 2008)
La Laconie. Province du sud-est du Péloponnèse, elle abrite en son sein la célèbre cité de Lacédémone, là où Ménélas et Hélène ont été inhumés, plus connue sous son nom de Sparte. A côté des ruines de Sparte se trouvent les ruines de la cité des philosophes byzantins, Mistra, dont ne subsistent plus que quelques monastères. Alors qu’Athènes nous a laissé des ruines imposantes, il ne reste plus grand chose de l’ancienne Sparte, si ce n’est la poésie de Tyrtée.
Le peuple laconien a su résister et vaincre les troupes perses de Darius, côté à côte avec le peuple attique, et du temps d’Alexandre est resté le seul peuple indépendant d’Hellade. Lorsque les Romains prirent des siècles après la Grèce aux Macédoniens, Sparte, jugée comme une sorte de Rome plus ancienne, fut protégée par le pouvoir impérial. Ses traditions furent préservées et il n’est pas étonnant que de toutes les provinces de l’empire romain, ce soit elle qui ait le plus longtemps résisté à la christianisation. En effet il faudra attendre la fin du Xème siècle pour que Nikôn l’Arménien, accompagné de troupes byzantines, convertisse de force la Laconie à la nouvelle religion, non sans mal puisqu’il lui faudra plus de trente ans pour y parvenir, de 950 à 988 après J.C.
Par la suite, sept ans après la chute de Constantinople, en 1460, le despote de Morée, autre nom du Péloponnèse, Dimitrios Paleoloyos, doit baisser les bras devant les troupes turco-musulmanes de Mehmed II. Mistra, cité qui a abrité le grand philosophe néo-païen Gémiste Pléthon, celui-là même qui voulait revenir à la conception spartiate de la société pour vaincre l’ennemi ottoman menaçant, tombe. La Grèce est soumise. Elle demeurera aux mains de la Sublime Porte pendant près de trois siècles.
Il n’est dès lors pas étonnant que le cri de la liberté provienne de cette contrée réputée pour le courage de ses combattants. C’est le 17 mars 1821, ce mois consacré au dieu romain de la guerre, que le « bey » du Péloponnèse, le grec Petros Mavromichalis (1765-1848), décide de lever bien haut le drapeau de la révolte. Il le fait au cœur de sa petite ville de Laconie, Areopoli, un nom prédestiné puisque cette « cité d’Arès » honore par son nom le dieu grec de la guerre, Aris. Et le drapeau qu’il lève n’est pas innocent. Il est blanc avec une croix bleue en son sein, ce qui nous rappelle le drapeau de la Grèce contemporaine. Et sur ce drapeau, deux inscriptions en caractère hellénique rayonnent. La première est niki i thanatos, « la victoire ou la mort », et la seconde est tan i epi tas, « reviens avec ton bouclier ou sur lui », célèbre devise de l’antique Sparte. C’est ainsi que la Grèce courageuse leva l’épée face à l’empire ottoman. Le courage des combattants hellènes à Missolonghi, galvanisés par Lord Byron, et le sort tragique qui fut le leur, amena l’Europe occidentale à intervenir et à forcer les Ottomans à accorder à la Grèce son indépendance. Il faudra neuf ans de combat, neuf ans de souffrance, pour qu’Athènes et Sparte soient à nouveau libres.
Petros Mavromichalis était un véritable héros européen qui jamais ne renonça à la liberté de sa patrie. Il mourut le 6 août 1848 à Athènes, après avoir connu une brillante carrière politique. Il avait choisi de ne jamais se coucher devant l’ennemi, fut-il en surnombre, et avait cru à l’impossible. Et l’impossible se réalisa. Ceux qui jettent leur bouclier à terre, ceux qui renoncent au combat, ceux qui « prennent acte » c'est-à-dire subissent le réel au lieu de le dominer, ceux-là sont indignes de se dire européens. Mavromichalis, tout comme Mazzini, Garibaldi ou Blanqui, nous montre la voie. Il n’y a aucune récompense au renoncement. Nous ne renoncerons donc jamais.
Thomas Ferrier
Mise à jour: alors que la Grèce subit un diktat économique terrible du fait de la mondialisation économique et de l'incapacité de l'Europe à s'unir et à opposer un front commun aux spéculateurs, l'exemple de Petros Mavromichalis face à un empire oppresseur, celui des Ottomans, rappelle à quel point il ne faut rien céder face à l'ennemi mais bien au contraire lui prendre tout. Le combat grec pour l'indépendance fut d'ailleurs aussi un combat européen, l'engagement à Missologghi de Lord Byron notamment, qui a été au bout de ses idées, et qui est mort au nom de la Grèce authentique, nous le rappelant. Le combat des travailleurs grecs et de la jeunesse courroucée est aussi le nôtre. Mais il ne pourra s'exprimer que dans le cadre d'une action européiste résolue, intransigeante tant vis à vis des gouvernants en place que des institutions "internationales" et lucide sur ce qui ronge l'Europe de l'intérieur.
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