Le Choc des Titans : dieux contre mortels (partie I)
05/09/2010
La sortie en blu-ray du Choc des Titans, dans une version rallongée de près d’une demi-heure de scènes coupées et dotée d’une fin alternative, permet d’analyser de manière exhaustive le film de Louis Leterrier, déjà réalisateur de « L’incroyable Hulk ».
La représentation des dieux.
L’assemblée des dieux, réunie dans l’une des scènes coupées, permet de retrouver l’ensemble des douze olympiens sous leur forme a priori traditionnelle. Les dieux portent des armures brillantes qui s’inspirent, de l’aveu même du réalisateur, de l’univers du manga japonais Saint Seiya [en français « les Chevaliers du Zodiaque »], qui fut un succès en France mais un échec aux Etats-Unis, en raison de l’opposition vigoureuse des ligues chrétiennes de vertu. Les déesses en revanche présentent des tenues plus conformes à la tradition classique. Parmi les divinités, outre Zeus et Hadès, on retrouve au premier plan Poséidon, en tant que troisième frère, Apollon et Athéna, les autres dieux n’ayant qu’un rôle marginal dans le film.
Le plus surprenant est le rapport établi entre les dieux et les hommes, qui est inversé par rapport à la mythologie classique. L’immortalité des premiers semble conditionnée au respect et à l’amour dont les mortels leur témoignent. Seul Hadès se remplit de force par la peur qu’il suscite. Alors qu’il est affirmé que les humains sont une création de Zeus et que le dieu du ciel semble animé par l’amour qu’il éprouve pour les mortels, ce qui rapproche Zeus du dieu chrétien, il apparaît au final plutôt faible. Cette idée que le salut des dieux passe par le biais d’un mortel, le héros Persée, paraît étrangère à la tradition hellénique. La rivalité entre Zeus et Hadès, présentant ce dernier sous une forme démoniaque, est un thème classique du cinéma et du manga. Dans Percy Jackson, Hadès est également assimilé au diable, de même qu’il est un dieu maléfique dans Saint Seiya. De plus son royaume est particulièrement sombre, ce qui fait oublier Elysion, le paradis païen. Dans ce conflit dans lequel Hadès apparaît comme un dieu abusé par Zeus, alors que les grecs n’hésitaient pas à surnommer Hadès « Zeus Aidoneus » ou « Zeus du monde d’en bas », dieu qu’ils qualifiaient également de riche, « ploutôn », les hommes semblent l’enjeu principal.
Les dieux semblent également plus grands que les mortels, tels qu'ils apparaissent dans la scène alternative finale, ce qui est conforme à la tradition classique, par exemple chez Homère, et disposent bien sûr de pouvoirs spécifiques, bien que la foudre de Zeus apparaît bien tiède. On peut considérer que dans ce film, destiné en particulier à un public américain, donner aux dieux païens une réelle majesté divine semble poser problème. Enfin, Persée ose menacer Zeus lui-même et affirme qu’il le surveillera, ce qui est une inversion complète des valeurs et le triomphe de l’humanité sur la divinité, la victoire de l’hybris tant honnie par les anciens.
Les altérations du mythe grec.
Bien que fils du dieu le plus puissant, le Persée du film entend du début jusqu’à la fin s’élever contre sa condition de mortel tout en rejetant la part divine qui est en lui. Pourtant, il est amené à accepter un certain nombre de présents offerts par les dieux, comme une épée de lumière ou encore une pièce d’or destinée à payer le nocher Charon. Il bénéficie également de l’assistance du cheval Pégase, don des dieux là encore, et outil essentiel de sa victoire finale sur une bête de la mythologie scandinave, le Kraken, élément repris du premier film de 1981.
Pour des raisons mystérieuses, la mythologie grecque est maltraitée par une série de petits détails, comme la couleur noire attribuée à Pégase, habituellement blanc, ou comme le fait qu’à la fin il n’épouse pas Andromède mais obtient de Zeus que son amie Io lui soit restituée. Dans la version alternative en revanche, il embrasse Andromède, ce qui tend à indiquer qu’il s’inscrit à nouveau dans le mythe originel. Comme autres exemples, on peut penser à l’aigle de Zeus, qui est un gypaède américain et non un aigle royal européen, à une représentation très peu hellénique de l’Olympe, très différente de celle donnée dans Percy Jackson, avec ses temples de type parfaitement classique. En revanche, la représentation de la ville d’Argos est classique, même si le héros Persée date de la période mycénienne et n’est pas de la génération des combattants de la guerre de Troie. On aurait pu s’attendre à une Argos plus proche de la Mycènes du film Troie. Le réalisateur a choisi de représenter une ville beaucoup plus somptueuse, placée ceci dit au bord de la mer, ce qui n’était a priori pas le cas de l’Argos historique.
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