De la vraie laïcité républicaine
20/06/2010
Qu’est-ce que la laïcité ? Selon la vision française dominante, il s’agirait de la simple séparation du politique et du religieux, du temporel et du spirituel, avec une totale égalité de traitement entre les différentes religions composant le pays, selon un principe de tolérance. En revanche, selon la vision turque, celle développée par Mustapha Kemal, la laïcité est le fait de soumettre totalement le religieux au politique. Si Kemal, qui avait pourtant l’islam en horreur, s’est en vérité opposé à l’implantation d’autres religions, et notamment du christianisme, c’était au nom d’une certaine vision de la laïcité, reposant sur le principe « politique d’abord ».
Que fit Atatürk ? En premier lieu, il s’opposa au pouvoir politique de l’islam, en mettant fin au califat, puis il entreprit de réformer l’islam turc au forceps, interdisant le voile islamique et le port de la barbe, autorisant l’alcool, dont il était un zélé consommateur, faisant adopter l’alphabet latin en lieu et place de l’alphabet arabe, oeuvrant à l’adoption de la langue turque dans la pratique religieuse. Par exemple, Atatürk incita les fidèles à abandonner le nom d’Allah pour désigner Dieu de son nom turc, Tanrı, correspondant en outre au dieu du ciel des Turcs païens (le tanrisme/tengrisme désignant actuellement le néo-paganisme turc). Pour lui, la laïcité c’était la stricte primauté du politique sur le religieux, comme dans la Rome et l’Athènes classiques, et la suprémacie des valeurs nationales et culturelles sur les religions. En clair, il oeuvra à la turquisation, donc à la nationalisation de l’islam, favorisant notamment l’alevisme (islam hétérodoxe nationaliste et moderne), tout en soutenant les mouvements néo-païens turcs (le MHP d’Alparslan Türkes, né en 1968, se montrera son héritier fidèle) et en rattachant le peuple turc aux Hittites aryens.
On constate là que la laïcité kémaliste, qui aujourd’hui connaît un échec retentissant avec la victoire des islamistes de l’AKP aux deux dernières élections législatives, laïcité qui inspira notamment Reza Pahlavi, est bien différente de ce que l’on entend sous ce terme en France, mais qu’elle est en revanche très proche de la vision du religieux dans l’Europe antique et païenne. Alors que l’islamisme promeut la suprémacie de la religion sur la politique, du droit islamique (shari’a) sur le droit civil, la laïcité à la turque inverse la donne.
Vendredi 18 juin, un regroupement d’associations de gauche et de droite populiste, avec à leur tête Riposte Laïque, fondée par Pierre Cassen, et le Bloc Identitaire de Fabrice Robert, avait prévu d’organiser un apéritif « saucisson » à la Goutte d’Or, Paris XVIIIème, quartier connu pour sa forte proportion de populations subsahariennes le jour et par sa rue Myrrha, qui le vendredi est occupée par des milliers de fidèles musulmans en prière, bloquant la rue et interdisant aux « kafirs » de passer. Fort logiquement, garant de la paix civile et de la sécurité des personnes, le Préfet de Police a interdit cet apéritif, de peur que cela dégénère, ce qui n’aurait pas manqué d’arriver. Cette récupération du concept de laïcité par des organisations radicales aurait pu être empêchée si la « gauche » et la droite avaient fait leur devoir, et interdit aux musulmans de prier hors des espaces dédiés à la pratique religieuse, à savoir les mosquées.
Cette actualité implique de s’interroger sur la notion de laïcité dans la société française contemporaine, en plein débat sur la burqa et sur l’identité nationale. Le terme de « laïque » vient de l’adjectif grec λαϊκος, formé sur λαος, « peuple », et qui signifie dans son sens premier « populaire ». Le laïc s’oppose au clerc, c'est-à-dire au prêtre. Dans son sens originel, la laïcité est donc la religiosité populaire s’opposant à la théologie, mais elle est aussi, pour revenir à un sens plus moderne, l’interdiction faite au religieux d’intervenir sur le champ politique.
Dans la Rome classique, la laïcité était à la fois la défense des valeurs populaires mais aussi la supériorité du politique sur le religieux. En effet, les charges sacerdotales étaient confiées à des hommes politiques, et ainsi Jules César fut fait souverain pontife. De même, sous l’empire, Auguste est le chef de l’église romaine (païenne), son protecteur mais aussi celui qui intervient concrètement dans la pratique cultuelle. Comme l’archonte-roi à Athènes, comme les deux rois de Sparte, comme le rex sacrorum à Rome, le roi indo-européen *regs était le prêtre suprême. Ainsi, dans les sociétés antiques, les responsables politiques dominaient l’église. C’est politiquement que les sénateurs interdirent à Rome les Bacchanales, version romanisée des Dionysies helléniques, et c’est politiquement que l’empereur Auguste interdit les cultes égyptiens à Rome. C’est politiquement que Tibère et Claude combattirent la pratique du judaïsme dans la capitale, ou que Marc Aurèle réprima le christianisme.
Que reprochaient aux chrétiens les empereurs ? De ne pas les honorer, et non de nier la réalité des dieux de l’Olympe. Les chrétiens étaient considérés comme de mauvais citoyens, qui refusaient le service militaire, qui refusaient de se soumettre aux autorités, qui niaient les valeurs romaines et insultaient la culture traditionnelle. Quand les empereurs s’opposèrent au christianisme, ce n’est pas au nom des dieux ou au service des prêtres traditionnels, mais en tant que laïcs, au service de l’intérêt général.
Aujourd’hui, un islam importé pose un problème aux pays occidentaux. Au nom d’une définition biaisée de la tolérance, les Européens de l’Ouest ménagent les coutumes des populations migrantes venues du monde afrasien musulman. On n’ose pas interdire le voile islamique, se contentant de légiférer contre le seul voile « afghan », la burqa. On tolère de fait la polygamie, même si on feint de s’offusquer lorsqu’elle est avérée. On aménage les cantines scolaires pour respecter les coutumes des enfants musulmans. On supprime le porc des menus. On autorise la viande hallal. Les atteintes à la laïcité ne se résument pas à cette volonté de faire respecter des coutumes importées ou aux prises de position des imams.
La laïcité en Europe doit être à nouveau la supériorité du politique sur le religieux, et l’arrêt d’une politique de neutralité égalitariste, au profit de la stricte défense des valeurs européennes. L’Etat a comme mission principale, non de défendre les valeurs chrétiennes, mais de faire respecter les valeurs et les principes de l’Europe. En Albanie musulmane, on mange du porc et on boit de l’alcool, car il s’agit d’un islam européen, porté par des Européens, conforme aux valeurs européennes. Dans les rues de Tiranë, pas un tchador, pas une burqa ! En revanche, lorsqu’on laisse un islam d’importation ou soutenu par la très « progressiste » Arabie Saoudite, on a la Tchétchénie de Ramzan Kadyrov, partisan d’introduire la shari’a, de légaliser la polygamie et d’obliger les femmes au port du voile islamique.
Enfin, suite à un match de football dans lequel l’équipe nationale a été en dessous de tout et à une querelle à l’issue de laquelle le footballeur Anelka a été renvoyé au pays, comment ne pas s’inquiéter du prosélytisme islamique au sein de l’équipe de France. Songeons notamment que Ribery, Anelka et Abidal, ces deux derniers étant antillais, sont des convertis. N’est-ce pas la preuve que l’Etat a trop cédé face aux revendications religieuses ?
En tant qu’européens vraiment laïcs, nous devons rappeler que ce sont les valeurs de notre peuple qui doivent être dominantes sur notre continent. Les religions n’ont pas à s’y opposer. Quand le Vatican prend des positions politiques, il doit être rappelé à ses obligations, qui sont strictement cultuelles. Et quand l’islam importé veut nous obliger à s’adapter à lui, nous devons lui rappeler que c’est à lui de s’adapter à nous, de se réformer en profondeur. S’il en était incapable, parce qu’on ne pourrait pas demander aux populations importées de cesser d’être ce qu’elles sont, alors chacun en tirerait les conclusions qui s’imposent.
Thomas Ferrier
Secrétaire général du PSUNE
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