€-phobie ?
24/05/2010
Dans un article du journal Le Monde, en date du 24 mai 2010, Nicolas Dupont-Aignan, président du mouvement "Debout la République" (DLR) évoque à nouveau son idée d'une sortie groupée de l'euro, idée que propose également Marine Le Pen. Il l'appuie sur l'impossibilité selon lui d'appliquer une monnaie unique à des économies différentes. On pourrait lui rétorquer qu'entre la région française la plus riche (l'Ile de France) et les régions françaises les plus pauvres, il y a des disparités économiques significatives. Faudrait-il alors introduire des monnaies régionales ?
Ensuite, l'existence d'une monnaie unique implique certes une homogénéisation progressive des économies, ce qui passe par exemple par la mise en place d'un service public européen, par une harmonisation des lois sociales, par un SMIC européen et à terme par une harmonisation des salaires. C'était bien le sens du projet européen, faire de l'Union Européenne une entité harmonieuse et cohérente. Mais cela ne peut déranger que ces "nationaux" qui fantasment sur des différences radicales entre peuples européens, différences dont nous ne croyons pas un instant à la réalité. Un grec n'est pas un européen moins capable qu'un allemand de travailler, bien au contraire.
Dupont-Aignan s'oppose également à l'idée d'un gouvernement économique, dont il dénonce certes à raison l'absence de légitimité démocratique. Il devrait alors prôner un gouvernement politique européen, ce qu'il se garde bien de faire. Et surtout il ne remet pas en cause le modèle économique libéral dominant, avec cette croyance en la seule consommation comme source de prospérité.
En prônant implicitement une politique de dévaluation, qui selon lui permettrait de gagner des parts de marché, en prenant exemple sur des pays dans lesquels je n'aimerais pas spécialement vivre, comme le Brésil, la Chine et l'Inde, il prend le parti d'appauvrir les Européens pour rendre leurs entreprises plus compétitives. Au lieu de conspuer l'euro, il ferait mieux de s'opposer au modèle libéral actuel.
En dénonçant en l'euro la cause de nos malheurs, comme un bouc-émissaire facile, Dupont-Aignan agit en souverainiste borné, ce qui ne signifie pas que son constat soit erroné en tout, mais que ses solutions sont dogmatiques et donc calamiteuses si elles étaient mises en oeuvre.
Il faut doter l'Europe d'un gouvernement européen démocratiquement élu, et soumettre la banque centrale de Francfort à son contrôle. En clair, faire de l'Europe un rival sérieux des USA. Ce n'est pas en revenant à des monnaies nationales dévaluées, qui n'entameront en rien le règne du dollar, qu'on pourra sortir vainqueur de la confrontation économique de ce début de XXIème siècle.
Ajoutons que l'€ est un des rares apports de la construction européenne, avec un parlement européen démocratiquement élu depuis 1979. Y renoncer signifierait renoncer à l'idée même d'une construction politique crédible. Il n'est donc pas étonnant que les europhobes, qui prétendent proposer une autre Europe, qui ne serait en vérité qu'une Europe divisée et vassalisée, profitent des difficultés de l'€ pour ramener au premier plan leurs obsessions. Soulignons enfin dans le propos de NDA une légère touche de germanophobie, dénonçant la soumission de la BCE à l'Allemagne (et à supposer que cela soit exact, en quoi est-ce un problème ?).
Thomas Ferrier (SG-PSUNE)
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