L'Arménie, un pays européen
02/05/2010
Une histoire complexe entre l'Europe et l'Asie.
L'Arménie historique résulte de l'influence de deux populations, à savoir un peuplement hourrite et/ou ourartéen, venu du Caucase, et un peuplement indo-européen, celui des Arméniens au sens strict, venu selon certains historiens des régions balkaniques ou bien issus des Cimmériens qui s'étaient installés dans cette région.
La langue arménienne est indo-européenne, bien que sa forme la rapproche aussi bien de l'Europe que de l'Iran. Lorsqu'on étudie les divinités de l'ancienne Arménie, on distingue ainsi deux ensembles, les divinités indigènes et les divinités importées d'Iran. Les premières sont composées principalement de divinités astrales, comme la déesse de l'aurore et des étoiles Astlig, le dieu du soleil Arev et la déesse de la lune Lusin (qui nous rappelle le mot français lune). Les secondes sont des divinités d'origine iranienne mais acclimatées à l'Arménie, à l'instar du dieu du feu et de l'orage, Vahagn, qui correspond au dieu iranien de la victoire Bahram, du dieu du soleil Mehr (iranien Mithra), de la déesse de la fécondité Anahid (iranienne Ahanita) ou encore du dieu du ciel Aramazd (iranien Ahura Mazda).
Par sa géographie, l'Arménie, qui avait su préserver son indépendance lors des conquêtes d'Alexandre le grand, est enclavée entre le monde hellénophone et le monde iranophone, puis entre l'empire romain et l'empire parthe et sassanide. En ce sens, elle a influencé les deux empires ; ainsi le roi arménien Tigrane a-t'il influencé l'empereur Néron en l'initiant au culte solaire en l'honneur de Mithra. Mais d'une manière générale, l'Arménie a œuvré davantage en faveur de Rome qu'en faveur de la Perse, les Arméniens apportant leur soutien et leur assistance aux troupes d'Antoine lorsque celles-ci s'aventurèrent au Proche-Orient.
Par la suite, alors qu'elle était soumise aux appétits romains et perses, l'Arménie a choisi d'adopter la religion chrétienne de manière à échapper à l'influence iranienne et au zoroastrisme, mais aussi de manière à se distinguer d'un empire romain encore païen. Le roi Tiridate a certainement privilégié l'adoption d'une religion nouvelle, mais dans un sens national (l'église arménienne est une église nationale), qui n'était ni celle de Rome ni celle de Ctésiphon.
De la même manière que le reste de l'Europe, l'Arménie est donc passé du paganisme à un christianisme arménien fortement imprégné de traditions païennes, la légende d'un peuple arménien issu du conquérant Hayk' survivant à la christianisation du royaume. Elle a ensuite servi de bouclier protecteur à l'empire byzantin face aux incursions musulmanes, arabes puis turques, pendant plusieurs siècles, et a su conserver ses traditions religieuses indigènes. Alors qu'un certain nombre de géorgiens ont adopté la religion musulmane, les Arméniens ont su préserver leur foi sans céder aux sirènes de la conversion et de ses avantages.
L'Arménie au XXème siècle, victime des empires.
A l'aube du XXème siècle, le peuple arménien se retrouve divisé en deux, entre l'Arménie annexée par l'empire russe d'un côté et l'Arménie sous domination ottomane de l'autre. Alors que le mouvement nationaliste Dashnak appelle à l'indépendance et à l'unité de l'Arménie, le peuple arménien du côté turc est victime d'une des pires atrocités du siècle, la mise en œuvre d'une politique génocidaire de grande ampleur organisée par le gouvernement ottoman à l'égard de sa population européenne et chrétienne. Les Arméniens seront les victimes principales de cette politique qui prendra fin avec la défaite de la Turquie en 1918 puis l'expulsion en 1921 des Grecs de Turquie, suite au sursaut nationaliste impulsé par Mustapha Kemal.
Meurtri dans sa chair, le peuple arménien ne cesse de rappeler depuis les souffrances qu'il a connus suite à la politique criminelle du gouvernement ottoman à son égard. L'Europe, qui était demeurée impuissante face au massacre de Missolonghi, laissant la courageuse Grèce seule pendant trop longtemps face à son occupant, n'a pas pu ni su réagir face à ces actes barbares de 1915.
La Russie impériale puis bolchevik a quant à elle respecté davantage le peuple arménien, même si celui-ci a subi comme les autres peuples de l'URSS, et le peuple russe en tout premier lieu, les rigueurs du système soviétique. Lorsque l'URSS commença à se fissurer, le peuple arménien reprit alors son destin en main pour connaître immédiatement la guerre face au voisin azéri, turcophone et musulman, au sujet du Haut-Karabakh. Cette situation n'a pas vraiment évolué depuis près de vingt ans, l'Arménie étant toujours coupée en deux entre l'Arménie politique officielle et le Haut-Karabagh arménien.
L'Arménie, la Turquie et l'Union Européenne.
En 2010, le génocide arménien a été reconnu par un certain nombre de pays européens et/ou occidentaux, même si à chaque fois un lobby turc déterminé a entravé ce processus de reconnaissance, et le premier ministre Erdogan aujourd'hui encore veille à menacer tout pays qui aurait l'idée de combattre les tentatives de négation des crimes commis. En France, si l'assemblée nationale a voté une telle loi, celle-ci n'a pas été confirmée par un vote du sénat et n'est donc pas appliquée.
Les dirigeants turcs Gül et Erdogan, malgré leur refus de reconnaître les faits historiques en question, ont néanmoins entamé, soutenu en ce sens par les USA, un processus de réconciliation avec l'Arménie, avec laquelle les relations étaient suspendues, par solidarité avec l'Azerbaïdjan turcophone voisin. La stratégie de la Turquie en voie de réislamisation est de contourner l'obstacle arménien, principal argument des opposants à l'adhésion turque à l'Union Européenne, en faisant la paix avec ses dirigeants. Le président Sarkissian n'a néanmoins pas été dupe de ce jeu, jeu qui est apparu comme tel récemment lorsque le gouvernement turc a introduit des conditions à cette réconciliation, en soutenant la position azérie sur la question du Haut-Karabagh. Cela a amené naturellement le parlement arménien à suspendre le processus d'ouverture entre les deux pays.
Par son histoire, le peuple arménien a prouvé maintes et maintes fois qu'il participait pleinement à l'européanité, par son peuplement d'origine indo-européenne, par son pagano-christianisme, par son adhésion millénaire aux valeurs européennes, qu'il a défendues face aux Turcs et qu'il a illustrées aux côtés du peuple russe. Les 300.000 français d'origine arménienne ont prouvé par leur exemple la pleine européanité de ce peuple plusieurs fois millénaire en s'illustrant remarquablement au service de leur nouvelle patrie d'adoption, la France. L'Arménie suit l'évolution naturelle du continent européen, par son adhésion à la démocratie, au respect de la condition féminine, et même par le renouveau de ses traditions indigènes païennes. Certes, elle fait partie du Caucase du Sud, à la frontière de l'Europe et de l'Asie, mais à la différence de la Turquie voisine, elle est membre d'honneur de la civilisation européenne. Et à la différence de la Géorgie, européenne elle aussi, elle reste fidèle à l'amitié russe et ce faisant à la Grande Europe, ne tombant pas dans le piège US.
Aussi, le PSUNE, mouvement au service des Européens, rappelle cette pleine européanité du peuple arménien, se souvient avec tristesse des souffrances terribles que ce peuple a subies au XXème siècle, s'associe pleinement à la douleur des victimes et de leurs descendants. Nous n'oublierons jamais ce que ce peuple européen et chrétien a connu, et le fait que l'Europe ne fut pas au rendez-vous à cette époque là pour empêcher la tragédie. Ainsi, le PSUNE souhaite que l'Union Européenne entame immédiatement des pourparlers d'adhésion avec l'Arménie et au-delà avec toute le Caucase européen (Géorgie, Abkhazie, Ossétie et les républiques autonomes du Caucase du Nord), de la même façon que le PSUNE prône par ailleurs l'adhésion russe. |
L'Arménie dans l'Union Européenne ? Oui, et au plus tôt !
Thomas FERRIER (PSUNE)
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