Du caractère indivisible de la République
08/04/2010
En faisant momentanément abstraction des innombrables procès d’intention dont le polémiste est victime, contentons-nous d’abord de récapituler les faits dans leur contexte. Le six mars 2010, le journaliste politique Eric Zemmour, connu pour ses positions jugées « sulfureuses » dans le cadre de ses interventions sur France 2, I-télé, RTL et France Ô, est l’objet d’une vive polémique conduite par nuls autres que la LICRA, le CRAN, le MRAP et le Club Averroès au nom de « l’anti-discrimination » et du respect de la sacrosainte « diversité » aujourd’hui tenue en estime quasi-liturgique par la société occidentale, société que certains fanatiques antisionistes de la repentance autoproclamés « non-alignés » se plaisent encore à dépeindre comme « fascisante ». A croire qu’ils se situent dans une autre dimension, mais passons.
Ce six mars 2010 donc, la nouvelle bête immonde des poncifs de notre très laïque inquisition "antiraciste" fut invitée à l’émission « Salut les Terriens » de Thierry Ardisson afin de faire la promotion de son dernier ouvrage, « Mélancolie Française », face à Rokhaya Diallo, présidente des « Indivisibles », nouvelle association "antiraciste" fondée en 2007. Comme si la patrie de Julien Dray, de Harlem Désir, de Tariq Ramadan et de Houria Bouteldja en nécessitait une supplémentaire... Au cours d’un échange assez virulent pendant lequel Eric Zemmour dut déployer tous ses efforts pour garder son sang-froid face à tant de mauvaise fois angéliste, celui-ci en vint à commettre l’hérésie suprême. En effet alors que la police française était décrite par Bernard Murat comme un organe raciste à l’honneur entaché par d’excessifs contrôles au faciès, se concentrant notamment de manière exagérée sur les individus d’origine afro-maghrébine, attitude sensée « expliquer », selon lui, le ressentiment de la dite communauté (qui n’existe pas vous l’aurez compris) à l’égard des forces de l’ordre, Eric Zemmour eut l’effroyable audace de répliquer que ce phénomène pouvait se comprendre selon lui par la proportion non-négligeable de français d’ascendance arabo-africaine dans le secteur de la délinquance, affirmation par ailleurs appuyée par le sociologue franco-iranien Farhad Khosrokhavar dans son ouvrage « L’Islam dans les prisons », sans omettre les travaux du chercheur au CNRS Sébastian Roché.
Depuis quand certaines données statistiques seraient-elles moins « correctes » que d’autres tant que celles-ci relèvent d’une analyse décentrée basée sur l’observation du factuel ? En quoi le fait d’affirmer, preuves à l’appui, qu’environ 70% des détenus incarcérés dans les prisons françaises étaient de confession musulmane serait une réalité moins valable que celle consistant à mettre en exergue le fait que le secteur de l’éducation s’avère, notamment à l’école primaire, de prévalence féminine ? En quoi les critères d’ordre ethnique devraient-ils être occultés dans une société ne lésinant pas par ailleurs à distiller des grilles d’étude au regard d’attributs sexuels, sociaux et professionnels ? Le contexte mondialisé et de plus en plus « divers » auquel nous sommes chaque jour confrontés n’exige-t'il pas la prise en compte de facteurs nouveaux ? Face à une telle problématique, Eric Zemmour vous apparait-il encore réactionnaire lorsqu’il ne fait qu’appeler à l’actualisation du regard contemporain en vertu des métamorphoses toujours plus visibles au niveau du présent ?
Le fait d’affirmer, si je reprends bien ses dires, que la plupart des délinquants sont « noirs et arabes », sans qu’une telle analyse doive pour autant jouir d’une acceptation absolue, mérite t-il d’être baillonné ? Ne serait-il pas plus sage de la part de nos évêques de la piété démocratique de contester une telle affirmation dans le respect de la liberté de pensée et d’expression ? Si le caractère « réducteur » et « caricatural » d’une telle intervention semble si évident, pourquoi donc y prêter tant d’importance et se soustraire à la construction d’une contre-rhétorique digne de ce nom ? Mystère… Nos nouveaux maccarthystes ont tout l’air de souhaiter plus la diffusion d’un portrait idéal du corps social à défaut d’une représentation un tantinet désengagée de l’affect ; après cela ces individus osent donner des consignes de bienséance citoyenne et lancer moult accusations de « xénophobie » à l’encontre des personnes s’insérant dans une démarche opposée ! Prétendre au relativisme absolu tout en mettant l’emphase sur les aspects du monde qui nous arrangent tout en dédaignant à certains d’évoquer les autres au nom d’un modèle de lecture à sens unique défini arbitrairement porte un nom : propagande et négation du réel !
De toute évidence, notre société, aussi séculaire qu’elle puisse paraître, n’en demeure pas moins régi par les mêmes codes obscurantistes dont la révolution de 1789 ne généra qu’une transcription modernisée, donnant au concept « d’homme » et « d’universalité » une coloration sacrée et intouchable, tandis que les tentatives, aussi multiples et concises soient-elles, de pointer subtilement du doigt les limites furent progressivement déclarées subrepticement illicites, pour ne pas dire hérétiques.
Cette logique ne demeure t-elle pas bancale ? Comment peut-on d’une part vanter la « diversité » en l’érigeant au rang de nouvelle idole tout en refusant (de quel droit ?) aux citoyens de prendre en compte ses implications à l’échelle sociologique ?
Lorsque Rokhaya Diallo affirme ne pas se sentir « noire » en vertu du caractère indivisible de la République énoncée par la Constitution Française, celle-ci ne se retient pourtant pas de rejeter les propos d’Eric Zemmour, jugés une fois de plus « stigmatisants », alors que l’égalité absolue des citoyens de l’hexagone suggérée par l’isonomie républicaine devrait justement supposer l’absence du moindre deux poids/deux mesures dans le traitement des citoyens. Se retenir de juger une personne sous prétexte de ses origines, voilà bien un procédé discriminatoire et donc… comble de l’ironie, raciste ! S’il « n’existe pas » de communautés en France, pourquoi faire preuve d’autant de scrupules s’agissant des français d’origine extra-européenne ? Ne sont-ils pas français comme les autres et ne mériteraient-ils donc pas un traitement équivoque ? En clair ne pas juger quelqu’un lorsque l’on se permet d’agir ainsi pour les autres, revient à ne pas considérer celui-ci comme étant son égal, et donc à l’inférioriser, quand-bien même le dit procédé se veut ici enrobé d’un alibi humaniste et bien-pensant.
Cette asymétrie des priorités, nos Rokhaya Diallo en sont pleinement conscientes et n’en ont pas vraiment cure dans la mesure où le complexe frappant aujourd’hui le monde occidental offre à ces personnes l’engrais idéal à leur projet de déconstruction entropique de l’identité européenne, tant leur ressentiment généré par le passé colonial se révèle culminant. Ce que souhaitent ces personnes, ce n’est pas vraiment d’être traitées comme les autres, mais plutôt de pouvoir exploiter nos idéaux progressistes afin de nous ôter les moyens conceptuels et légaux de dénoncer la réalité démographique pour le moins catastrophique dans laquelle la civilisation européenne si situe. Ainsi, la notion d’indivisibilité n’est plus là pour contrevenir aux ingérences communautaires dans le secteur public mais à leur pérennité sous couvert de leur ignorance collective forcée par le biais d'une politique de non-transparence venant asseoir la primauté de l’idéologie sur le réel, du sujet sur l’objet, des idées sur les faits, un tel clivage n’ayant évidemment pas lieu d’être vous l’aurez compris.
Dorénavant, il ne sera donc plus question d’évoquer quelconque spécificité des français au regard de leurs caractéristiques religieuses, sexuelles, ethniques et sociales au nom de leur appartenance commune à la même citoyenneté, et cela afin de ne pas « choquer les esprits », alors que la vocation républicaine originelle établissait avant tout la recherche de l’isonomie, mais non son affirmation utopique et unilatérale en dépit des clivages temporels.
Voilà à quelle extrémité nous sommes à présent réduits, à savoir le désengagement perpétuel, l’anéantissement drastique de toute prise de parti et la soumission au sens du temps, vécus tel un processus aléatoire et anarchique, exempt de tout volontarisme et de toute échelle de valeur.
Dans ce contexte de revendication fanatique détournée des rouages de la doxa républicaine, la destruction de la sociologie, voire de la pensée tout court, vous apparait-elle toujours en étroite cohésion avec les idéaux des lumières ayant enfanté la révolution démocratique de notre pays à la fin du XVIIIème siècle ? Si oui, il y a du souci à se faire… Dans ce cas je prierai les individus concernés d’aller au bout de leur décadence en évitant de m’asséner leurs éternelles complaintes indignées, car au cas où vous ne l’auriez pas compris, une telle chose est à présent interdite. Ayez donc la décence d’appliquer vos principes de neutralité grégaire, aussi nihilistes soient-ils.
Quant à ceux qui préféreront faillir à leur apathie doctrinale, bien évidemment, d’avance "excusez-moi", ainsi la messe est dite.
Stefan Heimlicher (PSUNE/LBTF)
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