Avatar : Nous Européens, sommes des Na’vis !
09/02/2010
James Cameron, celui qui déjà se définissait comme « le roi du monde » lors de la sortie de son autre grand succès Titanic il y a près de 11 ans, est parvenu cette fois à imposer un film sans concession, superbe. Dans cette œuvre animée d’un lyrisme puissant qu’il a mis plus de quinze ans à produire, il remet en cause bon nombre de fondements de la civilisation occidentale américano-centrée. A travers la renaissance tant physique que spirituelle face à un colonialisme cupide, cette exaltation de l’enracinement, de l’Identité comme marquage spécifique d’un Peuple sur un autre est un appel plein de promesses à la renaissance de l’homme vrai.
Avatar est un film américain de science-fiction, genre planet opera, écrit et réalisé par James Cameron et tourné en 3D Relief, sorti en France le 16 décembre 2009 et au Canada le 18 décembre 2009.
Ce film est l'un des plus coûteux de toute l'histoire du cinéma, selon The New York Times, le budget d'Avatar s'élèverait à 460 millions de dollars, mais son succès fulgurant auprès du public lui a permis de dégager des bénéfices après seulement dix jours d'exploitation, puis de récolter plus de 2,2 milliard de dollars de recettes (enregistrées au 7 février 2010) : le film est ainsi le cinquième film à passer la barre symbolique du milliard de dollars de recettes et le premier film à atteindre les 2 milliards.
L'action se déroule en 2154 sur Pandora, une des lunes d'une géante gazeuse appartenant au Système Alpha Centauri, à 4.2 AL de la Terre. Cette lune est recouverte d'une jungle luxuriante. Le film traite du choc entre des humains venus ici exploiter un minerai rare, l'unobtainium,et susceptible de résoudre la crise énergétique sur Terre, et la population autochtone - les Na'vi, qui vivent en parfaite symbiose avec leur environnement et tentent de se défendre face à une invasion ultra-militarisée, motivée uniquement par l'appât du gain.
Un programme est créé par les humains - le programme Avatar, qui va leur permettre de contrôler des corps Na'vi clonés associés à des gènes humains afin de s'immiscer dans la population et de tenter de négocier avec elle, dans la mesure où le clan « Omaticaya » est installé dans un gigantesque arbre-maison gardien de l'esprit de leurs ancêtres, et situé sur un des principaux gisements de ce minerai.
Le personnage central de l'histoire est Jake Sully, un marine paraplégique qui, via son avatar, va devoir choisir son camp... Avec pour enjeu le destin de la planète Pandora.
James Cameron a déclaré s'être inspiré de livres d'aventures se déroulant dans la jungle, tels que ceux écrits par Edgar Rice Burroughs (1875-1950) et H. Rider Haggard (1856-1925). Edgar Rice Burroughs est le créateur du célèbre Lord Greystoke plus connu sous le nom de Tarzan mais aussi, de John Carter of Mars de la série Cycle de Mars.
H. Rider Haggard quant à lui est le créateur d'Allan Quatermain, le héros des Mines du Roi Salomon, identifié comme l’un des modèles au personnage d’Indiana Jones dans Les Aventuriers de l'arche perdue de Steven Spielberg et George Lucas.
James Cameron dit lui-même que Avatar partage des sujets avec d'autres films. Ainsi La Forêt d'émeraude, autre chef-d’œuvre du talentueux John Boorman (l'auteur de cet autre chef d’œuvre onirique qu’est Excalibur), et plaidoyer magnifique pour l'enracinement communautaire, et la résistance à l'uniformisation.
On reconnait aussi un parallèle évident avec Danse avec les loups où un soldat se fond dans une culture qu'il combattait préalablement, à ceci près que cette fois dans Avatar - science-fiction oblige, James Cameroun tient compte des dernière avancées en matière de clonage, et de gènes, conduisant ainsi à une fusion culturelle bien plus forte puisque le soldat épouse les caractéristiques génétiques. Il y a donc véritablement une seconde naissance. Ajoutons à cela que les Na’vis, dispersés en tribus ou communautés sur la planète Pandora, mais parfaitement homogènes entre elles, ne formant qu’un seul Peuple, ont des caractéristiques morphologiques propres aux félidés. Ils sont en effet racés, graciles, rapides, et grands chasseurs. Ils sont tout simplement beaux.
Les paysages sont tout simplement fabuleux, certains étant un hommage au peintre surréaliste belge René Magritte qui avec ses représentations de rochers volants, a magnifiquement su faire voler des montagnes entre mer et nuages. Ceux-ci sont l'une des grandes attractions de la planète Pandora. Le nom Pandora est bien entendu une référence non dissimulée au mythe de la boîte de Pandore. Ce mythe raconte comment les hommes n'auraient jamais dû l'ouvrir, car elle libère tous les maux de la Terre, mais également l'Espérance.
Qui est ce marine ? Examinons le personnage.
En l'an 2154, Jake Sully, ancien marine, paraplégique, accepte de participer au programme Avatar, pour remplacer son défunt frère jumeau. Il est affecté sur Pandora.
Il possède le même génome que son frère jumeau, un scientifique participant au programme mais décédé. En effet chaque « avatar » est créé génétiquement à partir d'ADN de Na'vi et de l'ADN de son « pilote ». Cela donne un être possédant un corps Na'vi et un cerveau humain, qui est contrôlable à distance par un humain grâce à des ordinateurs. Plusieurs humains participent au programme et ont donc un avatar : Dr. Grace Augustine (responsable scientifique, joué par Sigourney Weaver), Norman Spellman (spécialiste de la langue Na'vi), ... L'avatar qui n'est pas relié à un pilote, est comme endormi. Et quand un pilote est connecté a un avatar, le corps du pilote est comme endormi dans un caisson spécial. Jake prend donc le contrôle de l'Avatar créé pour son jumeau. Il découvre alors en plus de respirer librement, la joie de pouvoir marcher à nouveau, et de se déplacer avec toute la souplesse, la rapidité et l’agilité propre aux Na’vis.
Il part ensuite en mission d'exploration dans la jungle avec deux autres avatars (Dr. Grace et Norman). Il découvre les multiples beautés et dangers de Pandora. Sa curiosité le mène à se perdre dans la jungle, ou il s'y retrouve seul à passer la nuit. Il manque de se faire tuer mais une jeune femme Na'vi nommée Neytiri le sauve.
Suite à un signe d'Eywa, la divinité Na'vi qui nous fait immédiatement penser à la Force vitale, notre Gaïa, le Tejas de l'Inde (Brahma), le Ferg des Celtes, le Megin des Vikings, ou encore le Khi du bouddhisme japonais, ou le Wakan Tanka (le Grand Esprit) des Sioux de Danse avec les loups. A noter qu'on retrouvera encore cette approche panthéiste, mystique, nourricière, et en même temps Axe du Monde, tel l'Yggdrasil, avec "La Force" dans Star Wars de George Lucas.
Ce lien unificateur est d'autant plus marqué dans Avatar qu'il a une représentation physique et charnelle. Les Na'vis possèdent en effet des tresses sensitives (les codas), au bout desquelles se termine une natte grâce à laquelle ils peuvent se connecter et communiquer avec les animaux et les plantes, et toutes créatures de Eywa, ainsi que les ancêtres de l'Arbre-Maison, par la pensée et les sensations. Ils appellent cela « faire le lien ». Que la clé de voûte de la religion des Omaticayas soit un Arbre fait encore penser à l'Yggdrasil de la religion Asatru. Et là, le terme "religion" prend tout sons sens étymologique (du latin reliare, relier les membres d'une même communauté organique...).
Elle décide de l'emmener avec elle où il fait la connaissance du peuple Omaticaya. Et ce qui devait être au départ pour Jake Sully, rien qu'une banale opération d'infiltration, va devenir une véritable « queste » initiatique. Le terminus ad quem d’une démarche personnelle, dont il est à la fois le sujet, et le moteur, créature et créateur.
Il rejette la défroque d'un homme superficiel, condamné à avoir une existence minable d'assisté et malade, parce qu'à jamais cloué dans un fauteuil roulant. Il va cesser d'être un toutou des marines, un être artificiel, conditionné, ennemi de la Nature, un monothéiste sevré d'un monde sacré, un sentimentaliste, un progressiste, un humaniste pleurnichard et donneur de leçons, en clair un homme végétatif, pour devenir un être authentique, incarnant la Grande Santé nietzschéenne, en harmonie avec la Nature et ses constituants, un guerrier et non plus un soldat, UN ETRE LIBRE PARCE QUE POURVU D'UN ESPRIT, un être qui a échangé la cupidité, la bêtise, la méchanceté, racines du colonialisme que le film dénonce par ailleurs, mais aussi sans doute d'une âme humaine trop corrompue depuis longtemps, pour la générosité, pour une voie intuitive et traditionnelle.
Durant les trois mois de la mission, il s'intègre de plus en plus aux Omaticayas : il apprend les coutumes du peuple, et rapporte tous ses apprentissages au chef de la sécurité pandorienne et chef militaire de la mission Avatar, le colonel Quaritch, un gros abruti doté de plus de muscles que de neurones, et toujours prêt à défourailler le premier qui passe, pour n’importe quel motif.
Mais ayant appris à vivre comme un Na'vi en apprenant à chasser, à parler leur langue et surtout en domptant son Ikran (une sorte de dragon volant, un rite de passage initiatique que tout jeune Na'vi doit accomplir), il est considéré comme faisant partie des Omaticayas.
L'honneur est quelque part cette voix intérieure qui nous dit ce qu'il faut faire, ou ne pas faire, eu égard à nous-mêmes, à l'opposé de la morale, variable chrétienne qui est la conformité aux vues des autres. Et le Na'vi est avant tout habité par l'honneur, car c'est la "vision", le lien avec Eywa/Gaïa, qui détermine sa vie, et sa vocation : servir les intérets de sa communauté, la défendre, et même rassembler les communautés identiques mais dispersées, donc divisées, en UN SEUL GRAND PEUPLE, face à une menace exogène qui a pour objectif de tout détruire, y compris Eywa, ce que va justement faire Jake Sully.
C'est une opposition nette donc à l'humanisme moderne, assassin malhonnête, tricheur, grégaire, réductionniste, colonialiste expansionniste au noms de ses bons sentiments...
En définitive Jakes Sully va passer par les différents stades que décrivait Nietzsche.
D'abord, l'animal obéissant (le Dernier Homme) à qui on peut faire croire n'importe quoi, à qui on peut mettre n'importe quoi sur le dos. L'état de la grande majorité de nos contemporains abrutis, il faut bien le dire.
Puis ayant cette révélation, c'est là qu'il est frappé de ce que Nietzsche appelait le Grand Dégout, étape cathartique indispensable, car libératrice. Ce qui débouche alors sur l'état de révolte et de Révolution, l'homme devient Lion. Au final, il devient cet Enfant nietzschéen, innocent, créateur de ses propres valeurs, il a jeté par-dessus bord les anciennes.
La phrase-clé du film, la réponse de Nytiri à Jakes qui résume tout : « je te vois. »
Un film à voir et revoir. Un des rares chefs d'œuvre du cinéma américain, comme il lui arrive d'en produire, n'en déplaise aux américanophobes obsessionnels, là, on ne s'en plaindra pas, et cela nous change de la sacro-sainte exception culturelle française, arrogante, subventionnée, frisant l'amateurisme, le copinage, le clientélisme, dont personne ne veut à part les bobos parisiens, et surtout grande productrice de navets excrémentiels et insignifiants...
Bruno Marcius (PSUNE/LBTF), le 9 février 2010.
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