Le 17 Décembre 2009, le monde de l'astrophysique retenait son souffle : le bruit courait depuis plusieurs jours que la collaboration CDMS (Cryogenic Dark Matter Search) qui cherche à révéler la fantomatique matière noire avec ses détecteurs au germanium/silicium tapis dans une mine des Rocheuses, avait réussi. L'annonce tant attendue faisait 'pfuit' comme un pétard mouillé : deux "événements" ont bien été détectés, mais cela est statistiquement non significatif. Découverte nulle et non avenue, et suspense qui reste entier.
On peut rappeler brièvement que les astrophysiciens se partagent aujourd'hui en deux champs : ceux qui considèrent qu'Einstein avait raison, et ceux qui pensent qu'Einstein... avait raison. En fait, les vitesses des rotations des galaxies, les effets de lentille gravitationnelle, et le ralentissement observé des sondes Pioneer 10 et 11, ne sont compatibles avec la gravitation de Newton revue par Einstein que s'il y a dans l'Univers bien plus de matière que celle qu'on voit. D'où le sobriquet de "dark matter" pour indiquer cette matière invisible. Les astrophysiciens qui veulent sauver la relativité générale cherchent donc des preuves de l'existence de cette matière. D'autres astrophysiciens, non convaincus, essayent de résoudre la devinette en modifiant la relativité générale comme Einstein lui-même l'avait proposé, en ajoutant un (ou plusieurs) termes aux équations de la théorie (Einstein avait ajouté une "constante cosmologique" pour des raisons qui, séduisantes au départ, lui sont apparues incorrectes par la suite ; mais le vrai génie voit juste même quand il se trompe...)
Puisqu'elle est invisible, et ne se montre que par son action gravitationnelle, personne ne sait de quoi la matiere noire peut bien etre composée. Nommer étant le premier pas vers la connaissance, les physiciens n'ont pas hésité a donner un nom aux particules dont la matière noire devrait être faite : avec l'humour douteux qui les caractérise, ils les ont appelées WIMPs, acronyme pour Weakly Interacting Massive Particles, ou particules massives a faible interaction, mais qui signifie également "mauviette" en anglais. Apercevoir ces élusives particules nécessite que les détecteurs soient proteges de toute interférence exterieure, ce qui oblige à les enterrer sous des centaines de mètres de roche (d'où la mine), à les refroidir (d'où la cryogénie) et à les écranter.
Une curiosité : plusieurs sites web et autres blogs qui annonçaient la fausse bonne nouvelle faisaient référence à l'utilisation, autour des détecteurs, d'un écran de plomb provenant d'un mystérieux navire naufragé à proximité des côtes françaises. Le matériau en question, selon les informations fournies par les auteurs de l'expérience, a été acheté auprès d'une entreprise française, LEMER PAX, spécialisée dans la conception, fabrication et distribution de matériel de radioprotection, et installée à Carquefou près de Nantes. Contacté par mes soins, M. Lemer me confirmait que le métal en question provient d'une ancienne épave, probablement romaine, car il s'agit vraisemblablement du plomb que les Romains posaient aux pieds des mats des navires pour les lester. Etant très ancien (approximativement du V ième siècle, mais aucun détail n'est connu) son activité est extrêmement faible (à la limite du seuil de détection, selon les mesures de M. Jean-Louis Reyss, directeur de recherche au CNRS, réalisées dans le laboratoire souterrain de Modane) ce qui en fait un matériau idéal pour des expériences nécessitant une sensibilité extrême. Pour paraphraser Astérix : "c'est fou ce qu'on fait avec le plomb des Romains"... |
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